Luc Besson dans la Tourmente

Il y a des nouvelles que nous n’avons pas envie d'entendre ! A plus forte raison, lorsque celles-ci concernent le réalisateur le plus prolifique et certainement le plus ambitieux du cinéma français. Je veux bien sûr parler de Luc Besson. Car le réalisateur du « Grand Bleu », de « Nikita » et du « 5ème élément » se retrouve dans une tourmente judiciaire que les journaux nationaux et internationaux relayent avec une certaine excitation comme : La chute de l’empire Besson. Un empire qu’il a construit grâce aux succès de ses films mais également de ses productions.

Car le metteur en scène, scénariste et producteur, n'a eu de cesse, depuis qu'il a commencé sa carrière, de pouvoir rendre le cinéma français populaire et abordable pour tous, il a toujours essayé de lui rendre ce qu'il lui a tant donné. Et voilà que ce dernier, qui a souvent la mémoire un peu courte et n'aime pas beaucoup les grandes réussites et considère plutôt comme de l'arrogance qu’un homme puisse profiter de ses succès, le laisse sombre dans la plus grande indifférence ! Besson qui a su battre des records d'entrées pour ces films comme « Le grand bleu », « Nikita », « Léon » ou encore « Le cinquième élément », premier grand film de science-fiction, réalisé par un réalisateur français (même si la distribution était américaine). Et puis il y a eu « Jeanne d'Arc » et avec une réussite artistique moindre : « Arthur et les Minimoys ». Le réalisateur est, ensuite, devenu producteur et a lancé des licences comme « Taxi » ou « Taken » qui remplirent également les caisses du studio qui les distribuait, et puis comme si cela ne suffisait pas, Luc Besson à créer sa propre société de production : Europa. Avec un logo, comme les américains, reconnaissable parmi tant d'autres en début de film. De simple réalisateur qui ne voulait faire que les films qu'il avait envie de voir ou de revoir, il est devenu, ce que certains ont appelé avec un certain dédain : Le nouveau nabab français » celui qui se créé un empire et qui suscite toutes les jalousies. 

Comme en France, la réussite est forcément suspecte, lorsque Luc Besson lance son projet de « Cité du cinéma » pour redonner un éclat à la France, moribonde sur ce terrain-là après la fermeture des studios de Boulogne en 1992, ils ne sont pas nombreux, dans notre pays, à le soutenir ! Mais l’homme tient bon, et choisit St Denis, banlieue défavorisée d’Ile de France, choix judicieux et honorable, pour l’installer ainsi que son école de cinéma.  Mais bien sûr, alors que l'on devrait applaudir des deux mains, lors de « l’inauguration de la cité », certains politiciens, en manque de reconnaissance, vont tout de suite commencer à accuser le réalisateur de détournement de fonds publics. Des charges qui ne seront pas retenues contre lui ! Luc Besson étant seulement coupable d’ambitionner de faire revenir les tournages étrangers en France.

Mais voilà Luc Besson ne fait plus recette, et les différents échecs successifs que furent « Valérian et la cité des Mille planètes », ou encore « Anna » qui plafonne péniblement à moins de 600 000 entrées en France et n’a récolté que 3 Millions de Dollars aux Etats-Unis plonge définitivement le réalisateur dans la tourmente. Une tourmente financière qui l’a poussé à revendre les derniers cinémas sous l’enseigne Europa au groupe Pathé. Ce dernier qui avait proposé d’investir dans la firme de Besson pour éponger la dette colossale du groupe, mais à qui le réalisateur a préféré un fond d'investissement Américain. Depuis, Europa vient d’être mise en situation de sauvegarde. Dans le même temps, Luc Besson doit également faire face à des accusations d’agressions sexuelles par une de ses actrices. 

Pourtant, est-il nécessaire de se réjouir de sa chute ? Quel que soit le personnage, et quelles que soient les erreurs financières ou artistiques qu'il ait pu commettre, le cinéma français devrait être vent debout pour pouvoir sauver « La cité du cinéma » plutôt que de laisser planer un silence assourdissant, comme si cette ambition que Besson avait porté pendant plusieurs décennies n’était que le caprice d’un homme ? Comment ne pas se révolter de voir un cinéma français, pourtant si prompte à se vanter d'être une grande famille, de ne pas être aux côtés du réalisateur ? Les plaintes pour abus sexuel mise à part, il apparait évident que Luc Besson fut l'un des réalisateurs qui a porté le plus haut et le plus loin le cinéma français dans le monde. Rappelons que « Lucy » fut un succès commercial en France et aux Etats-Unis, même chose pour « Taken ».

Luc Besson a su apporter une vision et un savoir-faire qui ont fait naître des générations de réalisateurs français, à commencer par Alain Chabat ou Mathieu Kassovitz, avec toujours cette ambition de partager son métier et sa passion. Espérons que le cinéma français puisse enfin réagir et se rappeler que ce sont ces réalisateur-là, qui permettent également au cinéma populaire, même s'il ne représente pas suffisamment de grandeur ou d'orgueil aux yeux de la sacro-sainte « auteurisation » de la production française, qui a bien trop tendance à se regarder le nombril et à regarder les autres avec dédain, de briller dans le monde.  Espérons alors qu'il trouvera suffisamment de soutiens discrets ou non, pour pouvoir à sauver son navire et qu'il saura également retrouver les faveurs du public, en retrouvant, à la fois cette simplicité et cette inventivité dans son cinéma qui l’ont rendu si populaire et si incontournable.