Microsoft, Time Warner et Thomson : mariage à trois sur les droits numériques
La saga sur la prise de participation de la société ContentGuard vient donc de se terminer. Suite à l’intervention de la Commission européenne, Microsoft, Time Warner et Thomson détiennent désormais chacune une participation d’un tiers dans cette société et aucune d’elles n’en a le contrôle. Ou toutes les trois en ont un contrôle commun. En conséquence, juge la Commission européenne, Microsoft n’est plus en position de donner à la politique d’octroi de licences une orientation préjudiciable à ses propres concurrents. Dès lors, cette transaction n’est pas soumise aux règles communautaires de contrôle des concentrations.
Le texte ci-dessous est paru originellement chez
ITRnews.com. Nous rajouterons simplement à ces commentaires que cette histoire de droits numériques nous intéresse de très prêt car ce sont ces protections qui seront apposées sur les prochains supports optiques vidéo haute définition tel que le HD DVD et le Blu-Ray.
Microsoft et Time Warner ensemble
Le 12 juillet 2004, Microsoft et Time Warner informaient la Commission qu’ils avaient racheté à Xerox un certain nombre d’actions de ContentGuard, leur donnant à chacune 48 % des droits de vote de cette entreprise (dans laquelle Microsoft détenait déjà une participation de 25 %). En outre, elles avaient conclu un pacte d’actionnaires leur assurant le contrôle conjoint de ContentGuard. Suite à cette offensive, la Commission lancait une enquête approfondie le 25 août 2004 portant notamment sur la possibilité qu’aurait Microsoft de bloquer l’accès de ses concurrents aux licences ContentGuard.
Danger de position dominante de Microsoft
Rappelons que ContentGuard est une société américaine spécialisée dans le développement et la concession de droits de propriété intellectuelle (DPI) afférents aux solutions DRM (Digital Right management ou gestion des droits numériques). Comptant parmi les inventeurs de la technologie DRM de base, elle détient un portefeuille de licences très importants. La technologie DRM consiste en des solutions logicielles permettant la transmission sans risque d’un contenu numérique de tout type (enregistrements audio, films, documents) via un réseau ouvert. Cette technologie est en passe de s’imposer dans tout le secteur informatique et représente déjà la norme pour la distribution en ligne de contenus médias comme la musique et la vidéo. "En tant que fournisseur de solutions DRM, Microsoft occupe actuellement une position de leader, voire dominante," estime la Commission européenne.
Le 25 août 2004, la Commission engageait une enquête approfondie. Le 5 novembre 2004, elle adressait aux parties une communication des griefs. Elle craignait notamment que l'opération ne conforte le monopole détenu par Microsoft sur le marché des systèmes d’exploitation : étant en mesure de décider des systèmes d’exploitation sur lesquels son logiciel DRM pourrait être utilisé, Microsoft aurait pu manier la technologie DRM comme un obstacle. À la suite de la communication des griefs de la Commission, la structure de l’actionnariat et les règles de gouvernance de ContentGuard ont été sensiblement modifiées.
La Commission ne poursuivra pas la procédure engagée sur la base dudit règlement. Elle n’en continuera pas moins de suivre de près l’évolution du secteur des solutions DRM et, le cas échéant, se réserve le droit de prendre des mesures en vertu des règles communautaires relatives aux ententes et abus de position dominante.
Réflexions sur la DRM
En janvier dernier, la Commission avait publié un texte de travail concernant la menace que pourrait constituer les DRM pour les libertés individuelles. Dans ce document de 8 pages (lien ci-dessous), elle présente les implications de la diffusion des systèmes de DRM et exprime des craintes sur le fait que ces dispositifs viennent empiéter sur la vie privée en associant des données personnelles non directement liés à l’œuvre protégée : la combinaison des DRM avec les digital watermarks permettrait de collecter des données privées. Ecrit plus simplement, sous prétexte de vérifier le côté licite de la transaction, le système demande de très nombreuses données qui pourraient être ensuite utilisées à des fins marketing.
Documentation en ligne : Le document de la Commission sur les DRM
http://europa.eu.int/comm/internal_market/privacy/docs/wpdocs/2005/wp104_en.pdf