Les chants du pays de ma mère
Titre original : Marooned in Irak
Durée : 1h43
Distribution :
Shahab Abrahimi : Mirza
Faegh Mohammadi : Barat
Alahmorad Rashtiani : Audeh
Rojan Hosseini : Rojan
Iran Ghobadi : Hanareh
Saeed Mohammadi : la maîtresse d'école
« Les chants du pays de ma mère » est le second long métrage du cinéaste kurde iranien Bahman Ghobadi , qui nous avait, avec « un temps pour l'ivresse des chevaux » offert une œuvre d'une émotion intense et pure, honorée de la caméra d'or au festival de Cannes. Son second long métrage est actuellement à l'affiche de certaines salles. Pour un cinéma différent, authentique, sans influence…
L'histoire
La guerre Iran-Irak est terminée, et Saddam Hussein s'emploie, à l'aide de ses force aériennes, à exterminer les populations kurdes. Mirza, le vieux et célèbre musicien kurde iranien, est à la recherche d'Enareh, avec qui il fut marié jadis et qui est allée se réfugier en Irak. Accompagné de ses deux fils Barat et Audeh, eux aussi musiciens, Mirza se lance dans un long périple semé d'embûches…
Avec ce second long métrage, Bahman Ghobadi retrouve les montagnes du Kurdistan qui avaient servi de décors à "un temps pour l'ivresse des chevaux", et adopte un style qui semble se démarquer du style caractéristique du cinéma iranien . Certes, dans les grandes lignes, on retrouve cet aspect réaliste quasi documentaire, et si les enfants sont encore très présents, ceux-ci ne sont pas les personnages principaux que l'on peut rencontrer dans la majorité des productions iraniennes. L'emploi de comédiens enfants sont en effet un moyen pour ces cinéastes, de passer au travers des mailles de la censure. Les héros de cette histoire sont en effet un vieillard et ses deux fils, qui semblent sortis tout droit d'un film d'Emir Kusturica, et en voyant certaines scènes, on ne peut s'empêcher de penser au «temps des gitans» ou à «chat noir, chat blanc».
Bahman Ghobadi introduit judicieusement un aspect comique , qui rejoint le côté burlesque que l'on rencontre chez le réalisateur d'«underground». Il suffit de voir le Mollah enterré jusqu'au cou pour l'empêcher de célébrer un mariage, ou encore les deux gendarmes en sous-vêtements, dépouillés par des bandits de grand chemin. Ces deux situations ne sont que deux exemples isolés parmi bon nombre de situations farfelues qui viennent en contrepoint d'une réalité beaucoup plus tragique.
En effet Bahman Ghobadi est kurde avant d'être iranien, et son cinéma se veut le porte parole d'un peuple opprimé . Le long périple de ces musiciens est le prétexte qui permet au cinéaste de nous transporter dans ces camps de réfugiés où sont rassemblés dans la boue, veuves et orphelins, ces survivants d'un génocide. On retiendra cette image sublime, d'un instituteur venu avec ces dizaines d'enfants, au sommet d'une montagne, pour s'approcher des avions et les contempler, et leur expliquer que malheureusement certains transportent des bombes. La scène se conclut par un lâcher d'avions en papier, comme un pied de nez aux bombardiers irakiens.
Bahman Ghobadi réussit de façon magnifique, à prouver que l'amour, la musique, avec leurs moyens dérisoires, peuvent être des instruments de résistance et d'espoir face à une oppression inhumaine, un film sublime.
Frédéric Deschryver
Bahman Ghobadi
Bahman Ghobadi est né en 1969 à Bané, dans le Kurdistan iranien. Adolescent énergique et avide d'expériences nouvelles, il passe ses loisirs dans un centre d'animation local où il apprend le piano et la peinture. Son père, policier, le destine à une carrière de lutteur. Bahman s'entraîne de force à ce sport et y excelle. A 17 ans, il s'intéresse à la photo avec un ami. Il se met à travailler pour la radio et la télévision locales, tout en continuant ses études. Le centre d'animation lui donne une caméra Super 8 avec laquelle il réalise son tout premier film. Premier concours, premier prix. Monté à Téhéran, Bahman Ghobadi intègre une école de cinéma qui, dit-il, lui offre surtout un dortoir où dormir le soir. Il sonne à toutes les portes, ne laisse passer aucune occasion d'accroître ses connaissances techniques et d'approcher les quelques artistes clefs du cinéma iranien, tel Kiarostami qu'il convainc de l'embaucher comme conseiller pour les repérages du Vent nous emportera et dont il finira par devenir le premier assistant. La bourse qu'il décroche ensuite lui permet de tourner «Vivre dans le brouillard» un court métrage sur le Kurdistan iranien, dans les villages de Sardab et Bané. C'est à cette époque qu'il découvre la contrebande dans les montagnes kurdes et l'existence de ces attelages de chevaux ivres morts. Il rencontre alors la plupart des enfants qu'il fera jouer dans «Un temps pour l'ivresse des chevaux». Avant de réaliser "un temps pour l'ivresse des chevaux", Bahman Ghobadi avait déjà tourné une trentaine de courts métrages en super 8, en 16mm et en vidéo.