Le compositeur de La jeune fille à la perle, Alexandre Desplat, revient avec le Voile des illusions (The Painted Veil), une composition légère et virevoltante au service des images de John Curran. Et un Golden Globes en prime…
La critique par Arnaud Weil-Lancry
Le Voile des Illusions, bande originale composée par Alexandre Desplat.
Alors que le monde de la musique classique et celui de la bande originale sont étonnement proche, un fossé important a toujours été de mise entre les partisans des deux styles musicaux. Souvent considérée comme une matière peu noble par les classicophiles, le monde de la bande originale n’a pourtant pas à avoir honte de sa couleur « symphonique ». Cela n’empêche pas certaines compositions, à l’image de The Painted Veil, d’offrir un agréable compromis entre l’orchestration pure et les morceaux en solos, telles que les innombrables pièces pour piano interprétées par le célèbre Lang Lang (une quinzaine de pistes). Une des dernières réussites en date était Le Village, magnifique bande originale composée par James Newton Howard, avec Hilary Hahn en figure de proue. Si l’on considère en plus que l’Allemand Deutsche Grammophon édite cette bande originale, on obtient une partition hybride presque parfaite entre musique classique et composition moderne.
Car Alexandre Desplat offre ici un score surprenant, alternant les genres avec une aisance surprenante, mélangeant les styles avec intelligence et utilisant avec tout autant d’adresse l’identité et le visuel du film dans sa musique. The Painted Veil, le film, est pourtant loin d’être parfait : laborieux et d’un manque d’empathie important, le dernier film de John Curran se laisse facilement regarder, ou plutôt contempler. On demeure quelque peu éloigné des préoccupations de ce couple qui recherche un amour égaré dans un voyage initiatique aux confins de l’Asie… Mais la partition du compositeur de La fille à la Perle est présente et chaque piste de son album est un pas vers un désenchantement complet, comme vers l’incompréhension qui domine la relation de ce couple. Cette incompréhension ainsi que la nonchalance de Kitty Fane sont splendidement mis en scène par cette musique sonnante et trébuchante. La Gnossienne d’Eric Satie, étrange morceau catapulté dans ce film d’égarés, est une utilisation parfaite des compositions presque frivoles que le pianiste français devait composer pour survivre. Délicatement amené, ce morceau (pourtant peu redondant pendant le long-métrage) porte en lui toute l’essence légère et dramatique du film. Ce qui n’empêche pas Alexandre Desplat de se lancer dans des morceaux d’une envergure bien plus importante comme la piste 1, The Painted Veil, ou la piste 3, Colony Club.
Un tel film risquait néanmoins de sombrer dans l’orchestration sentimentale, à la manière de Légendes d’Automne (James Horner) ou Le Dernier Samourai (Hans Zimmer), mais Alexandre Desplat ne laisse jamais son travail dériver vers la symphonie massive typiquement américaine. Ses morceaux restent subtils et relativement sobres, même si l’on aurait pu souhaiter une prise de risque plus importante. La présence du piano joue toutefois un rôle très important dans cette réussite car cet instrument est réellement le vecteur de la relation entre les deux personnages principaux du film.
En conclusion, une partition agréable et très équilibrée, collant magnifiquement à l’œuvre qu’elle accompagne. Il manque un je ne sais quoi de profondeur dans la composition pour la rendre indispensable.
Qualité de la composition musicale : 7/10
Musique et Film : 8/10
Verdict : 7/10
Track listing :
(Le Voile des Illusions / The Painted Veil / Deutsche Grammophon 477 6552)
• 1. The Painted Veil (3:19)
• 2. Gnossienne No 1 - written by Erik Satie (3:24)
• 3. Colony Club (2:09)
• 4. River Waltz (2:24)
• 5. Kitty's Theme (3:08)
• 6. Death Convoy (2:50)
• 7. The Water Wheel (6:21)
• 8. The Lovers (1:27)
• 9. Promenade (2:06)
• 10. Kitty's Journey (2:51)
• 11. The Deal (3:23)
• 12. Walter's Mission (3:57)
• 13. The Convent (0:52)
• 14. River Waltz (Piano Solo) (2:27)
• 15. Morning Tears (1:52)
• 16. Cholera (4:23)
• 17. The End of Love (4:36)
• 18. The Funeral (0:53)
• 19. From Shanghai to London (2:03)
Total Time : (54:25)
Qualité de la composition musicale : qualité de la création musicale en tant que telle…
Musique et Film : la musique s’inscrit-elle correctement dans le film ? Colle-t-elle bien au film et à l’univers décrit ?...
Verdict : note générale, ne correspondant pas forcément à la moyenne des deux notes précitées…