DVDcritiques vous propose une série d’entretiens exclusifs relatifs à Myst IV Révélation. Plus beau et plus intense que jamais, Myst IV Révélation dévoile de terribles secrets et révèle enfin la vérité. La réalisation de cet épisode a mobilisé des moyens techniques que l’on peut qualifier de « hors-normes » dans l’industrie du jeu vidéo. Trois ans et demi pour une équipe de 80 talents qui ont travaillés d’arrache-pied à Montréal pour livrer en septembre dernier une œuvre sublime plus accessible que jamais au grand public.

Myst Rand Miller, le créateur de la saga, reprend son rôle d’Atrus, le père de la famille déchirée, les deux frères maudits Sirrus et Achenar sont interprétés par Brian Wrench et Guy Sprung. Myst IV Revelation propose plus de 90 minutes de jeu d’acteur, intégrées directement à l’aventure.

Un peu d’histoire pour débuter

En 1991, les frères Robyn et Rand Miller, co-fondateurs de Cyan, décidèrent de créer un nouveau genre de jeu vidéo. Ils étaient non seulement prêts à créer un nouveau monde, mais ils voulaient également créer une nouvelle manière de voir les environnements et les énigmes et changer ainsi la façon dont les gens voient les jeux vidéo. Myst est sorti en 1993 et est rapidement arrivé premier aux tops des ventes dans le monde entier, en se vendant à plus de 6 millions d’exemplaires à ce jour.

1993: MYST
Myst, en proposant la combinaison unique d’une histoire, de graphismes photoréalistes et d’énigmes intégrées au jeu, le tout dans une forme accessible à tous, était et reste une véritable révolution dans l’industrie vidéoludique.

Myst présente l’histoire d’une famille tourmentée. Atrus, dernier descendant d’une race disparue, les D’ni, pratique la magie de l’Art de l’Écriture. Cet Art lui permet de créer de nouveaux mondes (appelés Âges) en les décrivant simplement dans un livre. Atrus a passé plus de temps avec ses livres qu’avec ses deux fils, Sirrus et Achenar. Pour se venger, les deux frères décident de détruire les livres de leur père, et ainsi éradiquer l’Art de l’Écriture. Pour les arrêter, Atrus n’a d’autre choix que de les enfermer dans des Âges Prison. La fin de Myst ne donne absolument aucun indice au joueur sur ce qui a pu arriver à Achenar et Sirrus.

1997: RIVEN
Riven était encore plus grand et plus beau que Myst. Il contenait encore plus de personnages et de cinématiques en plein écran. Il est aussi considéré comme le chapitre le plus difficile et abscons de la série. Catherine, épouse d’Atrus, est kidnappé par Gehn, le père d’Atrus. Le joueur doit retrouver les Gehn et libérer Catherine.

2001: MYST® III Exile
Myst 3: Exile a introduit une nouvelle technologie qui permet au joueur d’avoir une vue à 360° du jeu, et ce même lorsque les personnages lui parlent. Exile a également introduit un nouveau personnage dans la série: la fille d’Atrus et de Catherine, Yeesha.

2003: URU
Uru emmène l’histoire de Myst dans une toute nouvelle direction. Au lieu d’être situé dans le passé, Uru se déroule dans le présent. Pour la première fois, les joueurs peuvent explorer de nouveaux Âges en temps réel. Uru offre aux fans de Myst l’occasion de visiter pour la première fois la caverne D’ni et leur permet de découvrir les mystères de leur civilisation perdue.

2004: MYST® IV Revelation
Myst IV: L’histoire de Revelation commence après celle d’Exile. Les joueurs pourront rencontrer la jeune Yeesha et ses deux frères maléfiques, Achenar et Sirrus. Les fans de la série trouveront les réponses aux questions qu’ils se posent depuis le premier Myst. Toutefois, le jeu reste accessible à tous, même aux nouveaux venus dans l’univers de Myst.

 La musique du jeu a été composée par le musicien primé de Myst® III : Exile, Jack Wall, et comporte également un morceau exclusif de Peter Gabriel. Myst® IV Revelation est plus photoréaliste que jamais, car il utilise des technologies novatrices pour insuffler encore plus de vie au jeu, et peut tourner même sur des petites configurations.


Rand Miller - Cofondateur de Cyan et co-créateur de Myst

Quelle impression cela fait-il d’interpréter un personnage que vous avez vous-même créé ?
Rand Miller : Franchement, ça n’a rien de facile. Certes, je connais bien Atrus mais j’ai beaucoup de mal à incarner le personnage : j’ai peur de ne pas être à la hauteur, d’avoir des trous de mémoire. Je ne suis pas un acteur à proprement parler.

Qu’est-ce que cela vous a apporté ? En avez-vous tiré un enseignement ?
Rand Miller : Pour un non-professionnel, se lancer dans le travail d’acteur est toujours nouveau… C’est ce que j’éprouve chaque fois que je dois entrer dans le champ de la caméra. Une chose est d’être soi-même, même face à une foule de gens. Essayer d’entrer dans la peau d’un être différent en est une autre. Pour moi, c’est très déstabilisant. Je prends conscience de chacun de mes gestes, de chacune de mes paroles, ce qui me procure une impression très bizarre. À choisir, je préfère être moi. :)

Que vous inspire votre collaboration avec votre partenaire, Juliette ?
Rand Miller : Elle m’a incité à l’humilité. J’étais anxieux à l’idée de ne pas y arriver, tandis qu’elle manifestait une telle aisance dans tout ce qu’elle faisait. C’est curieux, mais sa présence avait pourtant sur moi un effet apaisant. J’étais sous le charme.

Juliette Gosselin – Actrice
Ubisoft a engagé la jeune actrice Juliette Gosselin, âgée aujourd’hui de 13 ans, pour jouer le rôle de Yeesha, la fille d’Atrus, dans le nouvel épisode de Myst. Juliette « Yeesha » Gosselin est une jeune québécoise qui vient actuellement d’achever le tournage du film « Nouvelle-France » avec Gérard Depardieu. Le personnage Yeesha est une très jolie jeune fille de 10 ans en avance sur son âge. Emerveillée par toutes les formes de vie naturelle qu’elle rencontre dans l’aventure, elle est responsable et volontaire, parfois à ses dépends. Enlevée par ses frères et promise à un sort tragique, elle n’aura pourtant de cesse de réunir sa famille déchirée. Sa compassion et son extraordinaire maturité auront-elles raison de la rancœur et des dangers qui la guettent ?

Juliette Gosselin : Le tournage de Myst IV Revelation m’a beaucoup appris. J’ai constaté avec surprise que, sur un jeu vidéo, le travail d’acteur est tout à fait différent. Exprimer et transmettre des émotions sur-le-champ sans perdre de vue le résultat final, ce n’est vraiment pas facile ! Il faut penser à tous ces effets spéciaux !

Michel Poulette - Réalisateur

À voir la bande-annonce de Myst® IV Revelation, on penserait qu’il s’agit davantage d’un film que d’un jeu vidéo. Revelation évoquera-t-il plus le cinéma que d’autres jeux d’aventure ?
Michel Poulette : Myst a toujours eu un côté cinématographique. Étant donné que nous visons à rendre nos mondes aussi vivants et convaincants que possible, il était logique d’accentuer cette tendance. Myst® IV Revelation comporte plus de parties filmées (qui ont nécessité neuf jours de tournage, avec dix acteurs) que tous les autres épisodes de Myst réunis. Mais le but de l’opération reste de faire vivre une expérience au joueur, et non de le confiner dans un rôle de spectateur passif. Il rencontre d’autres personnages, il parle avec eux et ceux-ci réagissent à ce qu’il fait, contribuant à élaborer son aventure personnelle. Il n’y a pas de séquences d’enchaînement, tout est intégré à l’environnement du jeu. Vous avez vraiment l’impression que les personnages sont là, avec vous, et qu’ils sont conscients de votre présence. En aucun cas, on ne vous raconte une histoire. Vous vivez votre histoire à vous.

Que pensez-vous qu’un jeu vidéo puisse apporter de plus qu’un film, et vice-versa ?
Michel Poulette : Le jeu vidéo offre une possibilité d’interaction qui n’existe pas au cinéma. Vous y vivez des événements que vous ne pourriez jamais connaître dans la vie réelle. Ce sont des choses qui vous arrivent à vous, et vous y réagissez donc de manière très différente que si vous y assistiez en spectateur. Cela ne veut pas dire qu’il faille jeter le cinéma aux oubliettes. L’un et l’autre de ces médias apportent des émotions différentes, mais tout aussi appréciables. Un film vous raconte une histoire. Un jeu vidéo vous permet de vivre la vôtre ! Dans un cas comme dans l’autre, c’est une source infinie de plaisir et d’évasion.

Pourquoi êtes-vous revenu à l’emploi de scènes filmées ?
Michel Poulette : Principalement parce que l’esthétique et le réalisme graphiques sont depuis toujours des composantes primordiales de Myst. Cela explique que cette série séduise un public beaucoup plus vaste que les autres jeux d’aventure. L’une des meilleures idées de ses développeurs a été de doter la saga d’une véritable suite, en conservant et en valorisant ses qualités fondamentales. Qu’y a-t-il de plus réaliste que des acteurs en chair et en os, intégrés à un environnement d’une fidélité photographique ? C’est cela que visait toute la technologie développée par les créateurs de Myst : donner tout son sens à l’expression « film interactif ».

Jack Wall - Compositeur

Quel effet cela vous fait-il d’écrire de nouveau une bande sonore pour Myst ?
Jack Wall : Un effet génial ! Pour moi, c’est un tel privilège de travailler sur un titre aussi original. Il est très rare de se voir commander une œuvre « qui ne ressemble à rien ». Pour un compositeur, Myst est une chance exceptionnelle. Et c’est sur moi qu’elle est tombée.

Quel ton donnez-vous à votre partition ?
Jack Wall : À bien des égards, je me suis beaucoup inspiré des musiques d’Europe de l’Est. Le Warsaw Village Band, par exemple, est l’un de mes groupes favoris en ce moment ! Je lui ai écrit une chanson, que nous avons produit ensemble. Ce groupe a un son typique du folklore traditionnel polonais ; en Amérique du Nord et même en Europe de l’Ouest, il ne doit pas y avoir grand monde qui connaisse. C’est très chouette. Et, bien entendu, il y a l’ode à Robyn Miller, qui fait le lien entre tous les épisodes de la série. Enfin, tout au long de la partition, je reprends sous des formes subtiles certains motifs issus de Myst I et de Riven.

La bande sonore de Revelation a-t-elle été plus facile à écrire que celle de Exile ?
Jack Wall : Je crois que, pour moi, ce n’est jamais facile ! Mais c’est probablement pour cette raison que je le fais : j’aime relever des défis. Il faut considérer que, lorsqu’on écrit une partition, on se trouve face à un nombre infini de possibilités. Quand je choisis de suivre une direction, je dois trouver assez de confiance en moi pour m’y engager totalement. Pour ce qui est de la comparaison avec Exile, je dirais que les deux ont été des expériences similaires, mais avec des résultats très différents.

D’où tirez-vous votre inspiration ?
Jack Wall : Pour Revelation, je me suis surtout inspiré de l’histoire et de la façon dont elle s’incorpore à l’aventure. Je m’efforce de contribuer à la progression de cette histoire très interactive. Et les différents Âges, en eux-mêmes, dégagent un charme véritablement envoûtant.

Que pensez-vous des musiques composées pour les jeux précédents, Riven et Uru ?
Jack Wall : Malheureusement, je n’ai pas encore eu le temps de jouer à Uru, mais j’ai écouté le CD de Tim Larkin et j’ai bien aimé. Il a eu de très bonnes idées de production et il a réalisé un excellent travail. Je crois avoir déjà dit que la partition de Myst a été la première à démontrer tout ce que pouvait apporter une partition de jeu vidéo. C’est ce qui m’a incité à composer dans ce domaine !

Vous voyez-vous réaliser la bande sonore de Myst 5 ?
Jack Wall : Et comment !


Patrick Fortier - Directeur de la création et concepteur en chef, Myst® IV Revelation

En quoi a consisté votre mission de directeur de la création et de concepteur en chef sur Myst® IV Revelation ? Quel aspect de votre travail avez-vous préféré ?
Patrick Fortier : J’avais pour mission de trouver le « ton » du jeu. Mon travail a consisté à conférer à cette aventure son élément émotionnel, en imaginant comment les joueurs allaient la vivre. Pour y parvenir, il fallait choisir les thématiques les plus appropriées : narration, organisation du jeu, atmosphère des différents mondes, énigmes, etc. Les aspects que j’ai préférés dans mon travail se situent au début et à la fin du projet. D’abord, les premières séances de « remue-méninges », lorsqu’on compose le jeu sur le papier. Puis, quand on voit toutes les composantes prendre vie, fidèles reflets de notre intention initiale, pour ce qui est de l’ambiance et des émotions.

Quel genre d’énigmes Myst® IV Revelation nous réserve-t-il ?
Patrick Fortier: Dans Revelation, vous aurez droit à tous les types d’énigmes imaginables. En effet, la diversité est un élément capital de cette série. Il y a tellement de gens qui adorent Myst, et ce, pour des motifs complètement différents. Il faut satisfaire leurs attentes, sans jamais oublier que le type d’énigme le moins apprécié par l’un est justement le préféré de l’autre. Nous avons donc fait en sorte que chacun trouve du plaisir dans toutes les énigmes. C’est l’une des raisons pour lesquelles Myst a marqué à ce point des millions et des millions de joueurs.

Comment se déroule la création d’une énigme ?
Patrick Fortier : Pour la plupart, les énigmes naissent de l’histoire en  elle-même, ainsi que des personnages. Dès le début, nous savions que, pour que les gens s’immergent totalement dans le jeu, il était fondamental que les énigmes s’y insèrent de façon tout à fait cohérente et justifiée, c’est pourquoi nous avons conçu des mondes et des personnages aussi complets que possible.

Nous avons défini la succession des événements, en consacrant beaucoup de temps à nous demander ce que ferait tel personnage dans telle circonstance. Sur cette base, nous avons échafaudé le reste de l’énigme, en nous posant les questions suivantes, par exemple : Quelles conséquences les actes du personnage vont-ils avoir sur ce qui l’entoure ? Et ensuite, que va-t-il se passer ? etc. En outre, nous avons tenu compte, pour chaque énigme, de la structure d’ensemble du jeu, des modes d’exploration, de notre objectif de variété thématique et du stade d’acquisition de connaissances par le joueur.

Après cela, il fallait procurer au joueur une information claire sur l’énigme, c’est-à-dire disposer des indices dans l’environnement, établir des rapports avec des éléments découverts ailleurs dans le même monde, fournir des explications dans les journaux de bord, etc. Ainsi, il disposerait de tous les outils nécessaires pour résoudre le mystère.

Et comment s’effectue la conception artistique d’une énigme ?
Patrick Fortier : En général, ce sont les concepteurs du jeu qui donnent les idées de base. Pour vérifier que l’énigme fonctionne sur le plan logique, ils la soumettent à de nombreux tests. À partir de là, les créateurs artistiques lui apportent son aspect esthétique, sans jamais perdre de vue le décor dans lequel elle s’insère, le contexte narratif, les éléments dont elle découle. Une fois le projet approuvé, c’est l’équipe de modélisation qui prend la suite, puis les spécialistes des textures, des animations et des rendus. L’équipe d’intégration intervient en fin de ligne… Pour ma part, j’ai suivi tout le processus pour chaque énigme.

Comment faites-vous pour que les énigmes soient assez complexes pour satisfaire les fans de Myst sans toutefois rebuter les profanes ?
Patrick Fortier : Pour que les joueurs puissent apprécier les énigmes à différents niveaux, nous avons mis en place un système d’aide inédit. Chacun a le choix de l’installer ou non. Ainsi, celui qui veut s’en passer évite la tentation d’y recourir. Cette aide fournit des indices, organisés en trois niveaux. Certains joueurs n’ont besoin que de quelques pistes ; pour d’autres, il faut presque une démo pas à pas. Bien entendu, je sais que les puristes refuseront d’installer ce programme !

Nous avons aussi doté le jeu d’un journal de bord et d’un système de prise de vues. Quand le joueur en a envie, il peut prendre une photo d’un paysage, d’une page de journal ou d’énigme, et l’enregistrer dans son propre journal en l’accompagnant d’éventuels commentaires. Cette idée de journal de bord nous est venue du fait que les habitués de Myst prennent généralement des notes sur un carnet.

Y a-t-il dans le jeu quelque chose de propre à Revelation, qui n’apparaisse nulle part ailleurs dans la série Myst ?
Patrick Fortier : Eh bien, on n’avait jamais atteint un tel aspect « plus vrai que nature ». En plus, nous avons ajouté une multitude de détails jamais vus auparavant, comme l’appareil photo ou le journal de bord du joueur. Et puis, nous avons créé l’amulette. On la découvre en cours de jeu ; par l’intermédiaire d’animations ou de voix off, elle permet de prendre connaissance d’événements passés. Grâce à ces flash-back, vous comprenez vraiment ce qui est arrivé à l’endroit où vous êtes, et vous ressentez ce qu’éprouvaient jadis ses habitants. Avec l’amulette, on peut aussi entendre une lecture des journaux, par leurs auteurs. Enfin, cet accessoire joue un rôle crucial dans la narration ; en avançant dans l’histoire, on comprend son origine et celle de ses pouvoirs.

Travaillez-vous en collaboration avec Cyan Worlds ?
Patrick Fortier : Après avoir donné son approbation sur nos intentions de départ, Cyan a suivi chaque étape de la production. Rand Miller, qui a accepté d’interpréter de nouveau le rôle d’Atrus, s’est déclaré impressionné par notre travail...


A propos de l’histoire…

Mary De Marle - Auteur

Comment avez-vous commencé à travailler sur Myst ?
Mary De Marle : Mon premier contact avec Myst a eu lieu en 1993, quand ma grande soeur a acheté un ordinateur Macintosh et a entendu parler d’un super jeu sur CD-ROM. Je lui rendais visite pour la semaine quand le jeu est arrivé chez elle, et à la fin de ces vacances, j’étais complètement accro !
Ma participation professionnelle à Myst a commencé en 1997, lorsque les développeurs Presto Studios, basés à San Diego, m’ont engagée pour écrire et concevoir le troisième volet d’une série de jeux d’aventures photoréalistes, JOURNEYMAN PROJECT. Comme cela arrive souvent dans le milieu des jeux vidéo, JOURNEYMAN PROJECT III a été annulé un mois après que Presto m’a engagée, mais cette situation m’a en fait été bénéfique : trois mois plus tard, les éditeurs de Myst ont demandé à Presto de développer Myst® III, et Presto m’a demandé d’écrire le jeu.

En quoi l’écriture d’une histoire pour un jeu vidéo est-elle différente de celle pour d’autres médias ?
Mary De Marle : Écrire une histoire pour un jeu vidéo est un travail complètement différent de l’écriture pour un film, une série télévisée ou bien un roman. Principalement parce que le public d’une histoire de jeu vidéo n’est pas un public passif. Les joueurs veulent contrôler l’action. Ils veulent être confrontés à des choix, et ils veulent que leurs décisions aient des résultats réalistes et significatifs. Si tous les choix dans le jeu mènent à la même conclusion, le public aura l’impression d’avoir été trompé.

Même s’il est possible de créer des millions de résolutions différentes pour une intrigue, la quantité de temps et d’argent que cela demanderait, sans parler de la création de tous les éléments nécessaires qui mènent à ces résolutions pendant le jeu, serait écrasante. Donc le concepteur doit trouver des moyens pour que le jeu ramène régulièrement le joueur sur une voie narrative centrale. Mais sans pour autant lui faire sentir qu’il est manipulé.

En même temps, l’auteur doit découvrir des façons de raconter une histoire de manière non linéaire. Par nature, la plupart des histoires sont linéaires. Les éléments narratifs traditionnels comme le développement des personnages, l’évolution de l’intrigue, la construction dramatique et les retournements de situation requièrent une progression linéaire et additive du récit pour être attrayants. Sinon, ils n’ont aucun sens. Comme il est impossible de prévoir les choix de chaque joueur dans chaque situation, le scénariste d’un jeu vidéo non linéaire doit trouver un moyen de s’assurer que même si un joueur découvre l’élément de l’intrigue “B” avant l’élément de l’intrigue “A”, son histoire sera quand même cohérente. C’est un souci que les auteurs pour le cinéma, la télévision et les romans n’ont jamais.

Quelles sont vos inspirations pour la série Myst ? Pour Yeesha ?
Mary De Marle : La plupart de mes sources d’inspiration pour Myst viennent d’idées que j’ai toujours voulu explorer, de livres de voyage ou bien d’articles scientifiques que j’ai lus, ou encore tout simplement des visages des gens que je rencontre tous les jours. Avant, quand j’habitais à Boston, un ami et moi jouions toujours à un jeu quand nous étions dans le métro: on inventait des vies pour les étrangers assis près de nous, en se basant simplement sur les expressions de leurs visages. J’imagine que c’est comme ça que travaille mon imagination.

Les inspirations pour Yeesha sont multiples. On nous a dit que les gens de Cyan l’ont toujours imaginée comme ressemblant au personnage d’”Ender”, dans le roman d’Orson Scott Card, Ender’s Game. Personnellement, je suis tombée amoureuse du personnage courageux et calme que joue Haley Joel Osment dans Le Sixième Sens. Mais quand j’ai finalement commencé à écrire ses dialogues, j’ai fini par m’imaginer un mélange de mes propres nièces, dont certaines ont le même âge que Yeesha.

En quoi est-ce que l’écriture de Revelation a été différente de celle d’Exile ?
Mary De Marle : D’une part, écrire l’histoire de Revelation après celle d’Exile a été comme remettre un vieux manteau. Mon expérience avec Exile m’a fait plonger si profondément dans l’univers de Myst que j’étais parfaitement à l’aise avec les personnages et totalement sûre de pouvoir construire une bonne quatrième histoire autour d’eux.

Mais d’autre part, c’était une expérience complètement différente, principalement parce que je travaillais avec un groupe de concepteurs entièrement nouveau. Les concepteurs d’Exile, Presto Studios, avaient une grande expérience de la création de jeux basés sur un scénario et de jeux d’aventure prérendus. Ils avaient un calendrier et un budget spécifique pour créer le jeu, et ils savaient exactement comment faire. Une des toutes premières décisions qu’ils ont prises a été de créer une histoire simple, mais fondamentalement prenante, et de séparer le développement de l’histoire d’une grande partie du développement graphique du jeu, pour pouvoir sortir le jeu à temps.

Les concepteurs d’Ubisoft, d’un autre côté, voulaient que l’histoire de Revelation soit intégrée au jeu. Ils voulaient développer une histoire très profonde et très complexe qui influencerait tous les aspects du jeu, de l’environnement aux énigmes en passant par les choix que le joueur devrait faire à la fin de l’aventure. Nous avons passé beaucoup plus de temps à développer l’intrigue de Revelation que celle d’Exile. Et je pense que les joueurs qui ont apprécié Exile vont encore plus apprécier cette nouvelle histoire.

Rand Miller - Co-fondateur de Cyan, Co-créateur de Myst

Qu’est-ce qui fait d’un Myst un vrai jeu Myst pour vous ? Quelle est la force de cette série ? Et comment tout cela va-t-il évoluer dans Revelation ?
Rand Miller : Dès le départ, nous avons senti qu’il serait important que nous nous concentrions sur un des éléments principaux de la série. Le destin des frères a été sujet à beaucoup de spéculations ces dernières années et il fallait qu’on se mette à travailler dessus. Ce faisant, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait là une histoire très importante qui attendait d’être racontée, et que nous pouvions enfin résoudre un des plus grands mystères de la série Myst. Ce qui fait également que Revelation est un “vrai” jeu Myst est que vous jouez vous-même, vous explorez des mondes magnifiques à votre propre rythme et vous devez faire attention à tout ce que vous voyez, parce que tout a un sens et une raison d’être là. Je pense que le niveau de justification des énigmes, de l’intrigue et même des graphismes dans les jeux Myst est plus grand que dans tous les autres jeux que j’ai vus, et je pense que c’est essentiellement pour ça que les gens trouvent le jeu aussi immersif.

Que pensez-vous de l’intrigue de Myst® IV Revelation ?
Rand Miller : L’équipe de développement d’Ubisoft a fait un travail exceptionnel pour représenter la série Myst. Mary De Marle comprend les subtilités de l’univers de Myst aussi bien que n’importe qui chez Cyan. Cette intrigue en particulier était très délicate, parce qu’elle concernait des personnages et des situations que tous les gens qui ont joué à Myst connaissent déjà. Nous avons tout particulièrement fait attention à la continuité de l’histoire au fur et à mesure qu’elle se dévoile. Je pense qu’aucun de nos fans ne sera déçu.


Pascal Blanché - Art Director, Directeur artistique, concepteur en chef des personnages, Myst® IV Revelation

Pourriez-vous nous donner quelques informations sur votre travail de directeur artistique de Myst® IV Revelation ?
Pascal Blanché : Ma tâche consiste principalement à définir chaque processus de création graphique dans Myst, en veillant à ce que tous les graphistes œuvrent dans le même sens. Il m’incombe aussi de valider les choix graphiques effectués sur chaque élément du jeu, ainsi que leur qualité d’exécution. Avant de travailler sur Myst, j’ai assuré les fonctions d’animateur senior sur le film d’animation numérique Kaena, la prophétie.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la technique ALIVE ? Comment associez-vous pré-rendu + 3D temps réel + séquences filmées ?
Pascal Blanché : ALIVE (Advanced Living Interactive Video Environment) offre des environnements absolument vivants grâce à l’association de diverses nouveautés technologiques. L’une d’elle permet de reproduire le déplacement des nuages, une autre de créer des effets aquatiques interactifs. Une autre sert à produire des particules de brouillard ou de fumée, de petits insectes volants, etc. ALIVE comporte aussi une technique d’éclairage, pour allumer ou éteindre des lampes et diffuser des rayons lumineux en 3D. Avec ALIVE, nous pouvons faire danser l’ombre des nuages sur le sol et modifier l’éclairage d’un décor en temps réel. Il existe aussi une fonction « panneaux », qui sert à afficher une séquence vidéo n’importe où sur l’écran. Cela permet de faire évoluer dans le décor des acteurs réels ou des animaux en 3D, sans démarcation visible. Tous ces outils sont mis à profit de diverses manières dans chacun des environnements du jeu, afin d’y créer l’atmosphère recherchée. Les gens qui découvrent Revelation sont très surpris : ils ne comprennent pas comment on peut obtenir de tels effets de mouvement sans recourir en permanence au 3D temps réel.

L’aspect graphique des jeux s’améliore sans cesse. En revanche, leur conception en soi ne bénéficie de quasiment aucune innovation. Myst IV Revelation présente-t-il une différence à cet égard ?
Pascal Blanché : Bien entendu, l’aspect graphique joue un rôle primordial dans un jeu tel que Myst. Mais Revelation se distingue par les efforts déployés pour que le joueur ait vraiment la sensation d’évoluer au sein des modes qu’il explore. Toutes sortes de petits détails lui rappellent qu’il y est physiquement présent. Quand il se déplace, il entend le bruit de ses pas ; il peut toucher les objets qui l’entourent et entendre le son qu’ils produisent ; il a la possibilité d’interagir avec une quantité de choses. Il arrive qu’un personnage réagisse à de précédents faits et gestes du joueur ; celui-ci peut aussi communiquer avec certaines créatures, etc. Cela transforme donc les rapports du joueur avec le monde où il se trouve. C’est ainsi que nous l’avons voulu, pour que Myst lui procure des souvenirs inoubliables.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le processus créatif, pour ce qui est des animaux, par exemple ?
Pascal Blanché : Nous avons essayé de concevoir un environnement aussi riche, original et vivant que possible. En créant des animaux qui paraissent familiers, nous avons voulu plonger le joueur dans un monde à la fois magnifique et réaliste, à l’atmosphère particulière. Nous tenions à ce qu’il ait l’impression d’en faire véritablement partie. Par exemple, nous avons dessiné de petits insectes, minuscules éléments de la vie sauvage que vous découvrirez dans l’un des âges de Myst® IV Revelation.

En général, nous prenons pour point de départ des animaux existants. Puis nous les modifions quelque peu, afin qu’ils semblent appartenir à une autre planète. Il demeure possible d’en identifier le type, ce qui contribue au réalisme du jeu. Pour en revenir aux insectes, l’une de nos graphistes (Tania) s’est inspirée, pour le dessin des ailes, d’un livre consacré à l’illustration des contes de fées de l’époque victorienne. À partir de cet ouvrage, elle a développé son œuvre personnelle.

Les gros animaux qui peuplent Myst® IV Revelation appartiennent tant à l’histoire de fond qu’à la structure de base du jeu. Au cours du processus créatif, nous avons dû veiller au moindre détail, afin que les visées du jeu demeurent claires jusqu’à la modélisation finale. Ces croquis représentent un herbivore baptisé « zeftyre ». Cette créature vivant dans les marécages est tout à fait paisible et sociable, mais elle déteste qu’on la dérange ! En fait, il s’agit d’un croisement entre une antilope et une autruche. Le joueur peut interagir avec les herbivores, dans leur milieu naturel.

Pour voir les herbivores dans un paysage tout droit issu de l’Âge auquel ils appartiennent, jetez un coup d’œil sur l’image lauréate du concours « Into the pixel contest », organisé lors du dernier E3. Intitulée Le Marais de Haven, c’est une œuvre de Olivier Leonardi.

Pouvons-nous en savoir davantage sur le premier prix que vous avez remporté lors du concours d’art graphique « Into the Pixel », à l’occasion du E3 ?
Pascal Blanché : C’est Olivier Leonardi, l’un des principaux graphistes de l’équipe, qui était en charge de cet aspect du jeu. Ce décor illustre à la perfection le souci du détail propre à nos artistes.

Mais il est encore plus impressionnant d’observer le résultat de ce travail dans le cadre du jeu, avec tous les effets visuels et toutes les animations qui rendent cette création véritablement vivante.

Pourquoi le jeu n’est proposé qu’en DVD ?
Pascal Blanché : Myst® IV Revelation sort en effet uniquement en DVD. Sinon, les joueurs auraient dû manipuler neuf ou dix CD, un cauchemar. Nous avons pensé que le DVD était désormais un produit assez courant sur le marché, et dans une gamme de prix abordable, ce qui en faisait le support le plus adéquat pour notre jeu.

Myst® IV Revelation © 2004 Ubisoft Entertainment. All Rights Reserved.
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