Après Hero, visuellement mémorable, Zhang Yimou continue ses films avec une forêt en automne en nous proposant le Secret des Poignards Volants, mettant encore en scène Zhang Ziyi. Moins superbe mais plus passionné que son prédécesseur, il réserve de beaux moments de cinéma.

Le Secret des Poignards Volants
Titre original : Shi mian mai fu (House of the Flying Daggers)
Chine/Hong-Kong, 2004
Réalisateur
 : Zhang Yimou
Acteurs : Zhang Ziyi, Andy Lau, Takeshi Kaneshiro
Durée : 2h00

L’histoire
Au IXe siècle, deux policiers tentent de démanteler l’armée de la Maison des Poignards Volants, qui se rebelle contre le gouvernement. Pour cela, l’un d’eux vient en aide à une aveugle liée à cette faction, et l’aide à s’échapper de prison, espérant qu’elle le conduira à son repaire et à son chef.


Zhang Yimou avait mis la barre haute avec Hero.
Même si le film n’a pas plu à tout le monde, il représentait un nouveau sommet en terme de beauté et de raffinement graphique. Le Secret des Poignards Volants, même s’il n’a pas à avoir honte, est largement un cran en dessous. Si certains plans sont beaux, ils sont loin de la minutie quasi maniaque de ceux de Hero. Mais le film se distingue par un autre aspect du film précédent du réalisateur chinois : si Hero était avant tout un film spirituel, l’esprit avant le cœur, le Secret… se veut beaucoup plus romantique, le cœur avant l’esprit. Même si on peut trouver des ressemblances, le moteur de ces films est très différent. Tout ça pour dire, avant de parler plus avant du plus récent, qu’avoir aimé ou non Hero n’implique pas obligatoirement d’aimer ou non le Secret des Poignards Volants.


Voilà tout de même un bien beau film.
La scène par exemple de passage de l’automne à l’hiver est tout à fait époustouflante. Chaque plan est ainsi bien composé, des chouettes coins de campagne, des forêts de toutes les couleurs (mais une couleur à la fois), une maison de plaisirs bigarrée. Mais cela n’empêche pas le film d’être plus terre à terre que Hero. Le Secret… est assez dynamique, y sacrifiant même au début son scénario qui se résume presque à une poursuite pour heureusement s’enrichir au milieu du film. Les héros n’ont pas de numéro d’acteur remarquable à jouer, mais restent crédibles et attachants. On suit donc cette romance un peu incongrue, agrémentée de combats défiant l’imaginaire. On regrette un peu un début un peu longuet (à part la scène du jeu de l’écho), et surtout une fin qui n’en finit pas de finir. Et on regrette aussi un peu de ne pas y croire.


Dans Hero
(bon, j’y reviens encore), les prouesses physiques improbables et acrobaties fantastiques restaient dans le ton du film, qui se voulait une épure ou un exercice mental. Voir des gens courir sur l’eau, s’envoler dans les bambous ou arrêter deux milles flèches avec un voile nous maintenait dans l’ambiance onirique et colorée du film. Ici, le récit étant beaucoup plus concret et matériel, oserais-je dire réaliste, toutes ces acrobaties inimaginables dépareillent un peu. Les lancers de ces fameux poignards, notamment, mettent à mal la crédulité du spectateur. Ils tournoient comme des boomerangs, volent apparemment sur des kilomètres avant de se planter dans le dos des méchants, ne ratent jamais leur cible, quitte à effectuer des trajectoires que la physique réprouve. On n’oubliera pas non plus quelques ralentis trop appuyés qui s’ingénient à justement faire remarquer l’irréalisme des combats. Entre la fantaisie des scènes d’action et le sérieux des scènes d’amour, on a du mal à trouver le ton juste, et le ridicule guette (notamment sur la fin, qui accumule les clichés maladroits un peu pataudement).


Le Secret des Poignards Volants apporte donc son lot de combats acrobatiques, de belles scènes, de romantisme, d’action et de drame, mais peine à en faire un film cohérent.
Si quelques scènes méritent à elles seules le déplacement (la maison de plaisirs ou la bataille dans les bambous), on regrettera que l’histoire d’amour ne prenne pas vraiment. Prenez ce qui vous plaît, laissez le reste.

A voir : pour certaines scènes superbes
Le score presque objectif : 7/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +2, il y a tout de même de quoi régaler le spectateur, même si tout n’est pas du même niveau

Sébastien Keromen