L'histoire :
Jan Svankmajer est l’un des cinéastes d’animation tchèques les plus importants de sa génération. La vision novatrice de cet artiste aux multiples talents, membre du groupe surréaliste de Prague, repousse les limites de notre imagination. Pour sa première édition DVD, l’éditeur Chalet pointu a choisi de présenter six courts-métrages réalisés par Jan Svankmajer de 1966 à 1989 : Et cetera, Historia naturae, L'appartement, Possibilités du dialogue, Jeux virils et Obscurité, lumière, obscurité.
Résumés des courts-métrages
Obscurité-Lumière-Obscurité (Tma-svetlo-tma ; 1989 ; 8 mn ; couleur) :
Un petit résumé des obsessions organiques de Svankmajer. L’homme qui se construit, se génère lui-même, cumule la glaise de la création et les organes déjà fabriqués tels que la langue, le cerveau etc… pour au final se trouver prisonnier.
Les possibilités du dialogue (Moznosti dialogu ; 1982 ; 11 mn 30 ; couleur) :
[Dialogue objectif / Dialogue passionné / Dialogue épuisant]. Probablement l’un des films de Svankmajer dans lequel les obsessions et le style du cinéaste sont exprimés avec le plus de brio. Pouvant par sa richesse engendrer de multiples lectures, ce chef-d’œuvre de l’animation a provoqué les foudres des autorités communistes tchèques de l’époque.
Et cetera (Et cetera ; 1966 ; 7 mn 15 ; couleur) :
L’homme est un animal brutal et présenté comme tel. Très graphique, ce film est un chef d’œuvre de simplicité apparente. La dénonciation qu’il recèle est caractéristique du pouvoir critique que le surréalisme peut développer à l’égard de la société et de la nature humaine ignorante.
L’appartement (Byt ; 1968 ; 12 mn 30 ; noir et blanc) :
C’est le conte surréaliste par excellence. L’homme est en prise avec l’absurdité du monde environnant, un monde agressif n’obéissant à aucune règle connue. Pris au piège, il n’a plus qu’à accepter son destin. Un film pourtant humoristique.
Jeux virils (Muzne hry ; 1988 ; 12 mn ; couleur) :
La cruauté et la critique de l’animalité de l’homme constituent la base de ce film très violent. Le mélange décor réel / personnages animé est exceptionnel.
Historia naturae (Historia naturae ; 1967 ; 9 mn ; couleur) :
En plusieurs volets, les prises de vue réelle et les photographies de planches animales s’enchaînent rapidement pour composer des tableaux graphiques avant de clôturer sur le gros plan d’un homme avalant une bouchée de nature indéterminée. Quelque soit l’animal, l’homme - en prédateur carnassier - finit toujours par manger le produit de la nature.
Critique subjective :
Né à Prague en 1934, Jan Svankmajer a étudié à l’Académie des Beaux-arts de 1950 à 1954 et à la faculté du Théâtre (département des marionnettes) d’où il sort diplômé en 1958. On retrouve dans ses films sa passion pour le graphisme, les collages, les animations d’objets en se qualifiant lui-même de « militant surréalisme ». Car Le surréalisme est au centre du travail de Svankmajer qui dit de l’imagination de ses films qu’ils est, naturellement plus proche du surréalisme sarcastique, représenté par des les auteurs comme Benjamin Péret, Karel Hynek, Vrastilav Effenberger.
Alors que ce créateur accomplit travaille depuis la fin des années 50, son œuvre est restée peu diffusée ce qui a changé brusquement an 1983 lorsque le public du festival international d’Annecy a découvert, son court-métrage intitulé Les possibilités du dialogue, grand prix du festival cette année-là. Jan Svankmajer a une production diversifiée où l’on compte des peintures, des sculptures, objets ou des collages. La méconnaissance de son travail venait en parti du manque d’ouverture du régime Tchécoslovaque qui a volé en éclat à la fin des années 80. Depuis son œuvre a été étudiée et Jan Svankmajer est reconnu comme l’un des maîtres de l’animation inspirant d’autres créateurs aussi diverses que Les frères Quay qui lui consacre le documentaire Le Cabinet de Jan Svankmajer en 1984,
Tim Burton (L’étrange Noël de Mr Jack) ou Daren Aronofsky (Pi, Requiem for a dream).
Terry Gilliam (
Brazil) dont on connaît la puissance d’évocation géniale place Les possibilités du dialogue parmi les dix meilleurs films d’animation de tous les temps.
Le maître confie ne pas se considérer comme un cinéaste d’animation car seul l’acte créatif l’intéresse. On retrouve cette manière de penser commune aux artistes plasticiens qui utilise les mediums et techniques pour s’exprimer différemment en choisissant les moyens les plus appropriés. Cette approche du cinéma d’animation explique probablement en parti la liberté créative qui irrigue sa production.
On retrouve les
obsessions de Jan Svankmajer pour la nourriture et l’activité d’ingestion d’aliments, de l’autre sous forme de biscuit découpées dans le visage de l’autre ou bouche à bouche. Jusqu'à la langue et au dentier à être presqu'ingérés par la tête de l'homme en construction dans le film Obscurité-Lumière-Obscurité. Humaine trop humaine est l’œuvre de Svankmajer dont la plupart des thèmes de prédilection renvoient au monde de l’enfance ce qui le pousse d’ailleurs à adapter assez librement et par deux fois Lewis Caroll avec la célèbre histoire de Alice aux pays des merveilles et Jabberwocky.
Pris entre la magie des objets du quotidien, ennemis potentiellement actifs et les machines mécaniques qui nous contraignent,
le monde de Jan Svankmajer est à voir les yeux grands fermés car comme le cinéaste le fait dire à Alice « vous devez fermer les yeux sinon vous ne verrez rien ».
Verdict :
Chalet Pointu nous fait un cadeau en éditant des courts-métrages de Jan Svankmajer qui est des cinéastes d’animation les plus importants de sa génération. Sa vision novatrice et inédite du monde est un véritable régal et résonne tel un hymne à la créativité dans un quotidien fini. Un DVD à posséder et visionner au plus vite pour une œuvre qui ne peut désormais plus être ignorer..