Portrait poétique et politique d’une banlieue ouvrière en mutation, De Cendres et de Braises nous invite à écouter les paroles d'habitants des cités des Mureaux, près de l’usine Renault-Flins. Qu’elles soient douces, révoltées ou chantées, au pied des tours de la cité, à l’entrée de l’usine ou à côté d’un feu, celles-ci nous font traverser la nuit jusqu’à ce qu’un nouveau jour se lève.
Parler de la banlieue sans sombrer dans les clichés d’usage, voilà la tâche que s’est fixé la réalisatrice et chercheuse Manon Ott. Et pour commencer, elle a décidé de nous raconter l’histoire de cette cité des Muraux, dont la naissance est intimement liée à l’usine Renault qui lui sert, en partie, d’horizon. Et puis l’usine se lançant dans une course à la performance inlassable, elle fit venir de nouveaux employés qui venus de pays lointain à la peau charbonneuse ou teintée par un soleil écrasant. Des employés qui quittèrent leur pays pour une vie meilleure et vinrent s’entasser dans des barres d’immeubles et créèrent ainsi une autre image de la cité. Les années et les décennies passèrent et le visage de cette cité changea, le regard de ses habitants aussi. Envies, ambitions et déceptions de voir cette usine les délaisser pour augmenter ses profits. Ce nouvel Eldorado, devins subitement la source des tourments et les habitants de la considérer comme un échec à défaut d’une victoire.
Et toute la symbolique et la beauté de ce documentaire tient en cette histoire. Car nous pouvons être rebuté par certaines paroles d’intervenants, mais en prenant un peu de recul, ils sont tellement porteurs de lumière, de rêves et d’évasion, qu’ils nous font voir la cité autrement. Il y a d’ailleurs ce jeune homme qui en introduction se ivre à une déclaration d’amour pour ce paysage gris de béton et de fumée d’usine voisine. Avec justesse et maladresse aussi, mais avec sincérité, il se livre à une jolie performance en amour pour ces barres où habitent des milliers de personnes de toutes origines, et qui gardent en leurs ventres, des bonheurs et des drames pour se muter en une vision différente de celle un peu étriquée des bien-pensants citadins. Ici on parle de souvenirs, de respect pour le sacrifice des anciens, d’ambitions, de déceptions mais jamais de renoncement. Ici les intervenants nous livrent une autre vision des Muraux, sans pour autant cacher ses plaies et ses envies que l’on comprenne que vivre dans une « Cité » n’est pas forcément synonyme de violence et de délinquance.
Hautement poétique surtout lorsque les habitants se livrent sur leur vie passée, les interventions de la municipalité qui leur a supprimé des buissons, par exemple, un élément du décor qui semble anodin à nos yeux mais si nécessaire, parce que synonymes de rires et d’insouciance. Des petits détails qui rendent ce documentaire si différent des autres et si touchant. Seul ombre au tableau, toutefois, une place assez anecdotique à la parole féminine qui aurait pu donner une vision supplémentaire et toute aussi nuancée de ce qu’est la vie dans cette des Muraux.