L’Assurance chômage semble vivre ses derniers soubresauts victime de l’Effet Bahamas, une mystérieuse épidémie qui pousserait les gens à partir sous les tropiques avec l’argent de la caisse. La disparition de la caisse serait-elle une destruction programmée ? En suivant la piste de l’argent et le récit de quelques rescapés, je m’emploie, moi chômeuse, à démêler les fils d’une fiction communément admise.
Toutes les personnes qui ont connu le chômage, ont eu affaire à un moment donné à l’absurdité de l’administration, à cette espèce de mille-feuille où il faut être armé psychologiquement pour pouvoir ne pas craquer. Et malgré les réformes, les beaux discours et peut-être les bonnes volontés, rien n’y fait, la descente est inexorable, les textes de lois, les règlementations, et autres décrets font que l’on se retrouve noyé et peut-être même exclu du système pour peu qu’un courrier arrive en retard ou pas à la bonne personne et encore plus lorsqu’une fiche de paye ou un papier st mal rempli. Il suffit parfois d’un tout petit rien pour que la machine s’enraye et que le bénéficiaire se retrouve sans ressource et démuni, dans une indifférence quasi-totale.
La réalisatrice Hélène Crouzillat (Les messagers), filme une mécanique complexe à travers un tableau qui se construit à mesure que les témoignages se succèdent. Un processus qui vient éclaircir et rendre l’ensemble plus compréhensif. Nous suivons alors une enquête, militante évidemment, où la réalisatrice vient mettre en lumière ‘l’absurdité et le cynisme d’un système capital pour travailleur, qui cotise d’ailleurs toute sa vie pour pouvoir en bénéficier en cas d’accident de la vie professionnelle, mais se retrouve, au final, la première victime de ce système. On pourra, bien sûr, s’interroger sur la parti pris, mais le résultat est un documentaire simple et nécessaire qui vient déconstruire un système complexe dans lequel évoluent un nombre impressionnant d’intervenant et où certains en profitent pour générer des profits, alors que le système est censé être vertueux, on se rend rapidement compte qu’il n’en n’est rien et que la spirale capitaliste a bien fini par avoir la peau de cette assurance chômage dont nous pouvions être fier.
Mais cela ne s’arrête pas là, évidemment, car le chômage concerne un nombre incalculable de gens, de corporations, d’artisans. Tout le monde est touché et le cynisme politique qui consiste à dire que les chômeurs sont des fainéants qui en profitent pour partir en vacances aux Bahamas (D’Où le titre) est une affabulation venue d’un politique qui a eut cette merveilleuse phrase créant un peu plus la fracture et la honte dans l’esprit de ceux qui sont victime d’un plan social, d’une restructuration ou juste d’un licenciement pour tout autre raison. Être chômeur n’est pas une fin en soi, et si quelques-uns (Un nombre infinitésimal), ont pu en profiter la très grande majorité le vit comme une honte, une injustice, que la complexité du système et l’absence de réponse adaptée, sans parler dans cette épée de Damoclès qui menace chaque fois de tomber pour de multiples raisons et priver son bénéficiaire d’un revenu font de l’Assurance Chômage et de la période qui l’accompagne, dans l’esprit d’un travailleurs, d’une période sombre qui peut amener au drame.
« L’Effet Bahams » d’Hélène Crouzillat est un documentaire forcément militant, mais qui vient remettre l’église au milieu du village, et amène le spectateur à se positionner, en décortiquant à la manière d’un puzzle, un système d’une rare complexité dont on sent que la fin est proche et où tout est fait pour exclure au lieu d’accompagner. Le résultat permet, tout de même à chacun de réfléchir, en fonction de ses convictions et de ses propres a priori, a ce qu’est devenu l’assurance Chômage et ce qu’elle est amenée à devenir.