L’histoire :
Autriche, début du 19ème siècle. Charmante femme vampire, Carmilla va tenter de se repaître du sang de ceux qui ont commis l’erreur de l’inviter dans leur demeure.
Critique subjective :
Avec The vampire lovers, le studio Hammer œuvre à nouveau dans un domaine qui lui est cher : le film de vampire. Si l’attachement de la compagnie britannique au mythe du suceur de sang ne date pas d’hier (Le cauchemar de Dracula, sa plus belle réussite en la matière, remonte à 1958), le traitement adopté cette fois-ci va fortement singulariser le métrage des précédentes productions maison.
Petit retour sur le contexte. Nous somme en 1970, la Hammer traverse une période charnière. L’âge d’or est terminé, voici le temps du déclin. Malmenée par la concurrence, la société, toujours mythique, n’en est pas moins en perte de vitesse. Un constat d’autant plus douloureux que ses productions baissent en qualité. Pour essayer d’inverser la tendance, ou au moins d’endiguer le phénomène, les dirigeants cherchent des concepts novateurs et explorent de nouvelles pistes, comme des coproductions assez improbables avec l’Allemagne ou Hong-Kong (Les 7 vampires d’or, en partenariat avec le studio Shaw Brothers). Autre solution : injecter une bonne dose de sensualité, miser sur un érotisme plus prononcé. Racolage de la dernière chance pour sauver le navire ? Non, plutôt une accentuation de certains éléments déjà présents en filigrane, une mise en exergue favorisée par un contexte de libération des mœurs. Et puis comment nier que les grands mythes du fantastique, ce terreau fertile sur lequel s’est développé la compagnie, possèdent un aspect « charnel », sinon une charge érotique sous-jacente ?
Adaptation du roman Carmilla (Sheridan Le Fanu – 1871) par le scénariste Tudor Gates, le script de The vampire lovers est confié à Roy Ward Baker. Réalisateur éclectique œuvrant pour la petite lucarne (Chapeau melon et bottes de cuir, Le Saint) et le grand écran (Atlantique latitude 41°, Le cavalier noir), Baker avait alors déjà travaillé sous la bannière de la Hammer (Les monstres de l’espace en 1967) et livrera d’autres longs-métrages pour le studio (Les cicatrices de Dracula, Les 7 vampires d’or) auquel il fera malgré tout quelques infidélités avec son principal concurrent, la firme Amicus (chez laquelle il signera les films à sketches Asylum et Le club des monstres). A la « retraite » depuis 1992, Roy Ward Baker s’apprête, au moment de l’écriture de ces lignes, à fêter ses 93 ans.
Retour en 1970. Alors âgé d’une cinquantaine d’années et rompu aux plateaux de tournage, le metteur en scène, appliqué, fait de The vampire lovers un film d’épouvante gothique à l’imagerie purement « Hammerienne ». Décors, costumes, photographie, ambiance … tout y est, y compris Peter Cushing, grande figure du studio qui incarne ici un personnage assez anecdotique. Là où le film se singularise réellement, c’est dans sa façon de mettre l’accent sur le pouvoir de séduction du vampire, ou plutôt de « la » vampire (la plantureuse Ingrid Pitt), une créature particulièrement friande de proies du même sexe (les principaux personnages de The vampire lovers sont d’ailleurs essentiellement féminins). Viendront ainsi des scènes de saphisme, l’amour lesbien n’étant autre que la colonne vertébrale du métrage. A noter que si le titre pousse donc l’érotisme à un degré jusqu’alors inédit dans les productions Hammer, celui-ci n’est jamais vulgaire, Baker mettant un point d’honneur à ne pas rompre avec ce côté classieux qui constitue l’une des marques de fabrique du studio britannique.
Verdict :
Production Hammer sexuée comme rarement, The vampire lovers reste, quarante années après sa sortie, un film intéressant (malgré un côté un peu statique) qui, tel un vampire, a traversé les années sans prendre une ride.