Depuis 18 ans je filme Pénélope, jeune adulte porteuse d’autisme. Un jour j’ai ouvert le placard qui contenait des cassettes DV et des bobines super 8. Ça m’a presque crevé les yeux. Il fallait rassembler toutes ces images. Pénélope mon amour trace le parcours d’une mère et de sa fille à travers les années. Il raconte différentes étapes : le choc du diagnostic, la déclaration de guerre, l’abdication des armes, pour finalement accepter et découvrir un mode d’existence autre. Pénélope ne cesse d’acclamer ce qu’elle est, je ne cesse de questionner qui elle est. La réponse à la question est précisément dans cette quête infinie. Tout m’est renvoyé en miroir. Ainsi, n’est-ce pas Pénélope qui par ricochet me dit qui je suis ?
Pendant près de 18 ans, la réalisatrice Claire Doyon (Les Lionceaux) a filmé sa fille Pénélope. Petits instants volés d’une intimité familiale, moments suspendus à sa vision cloisonnée dans l’œil de sa caméra. Pénélope, a une particularité, elle est autiste. Du coup ces instants captés par la caméra, deviennent un témoignage temporel de cette existence liée à une spécificité, le regard d’une mère plein d’amour, et parfois de détresse de voir sa fille perdre ses fonctionnalités cognitives, mais celui aussi de Pénélope, dans ces moments de joies immenses, le témoin d’une famille qui vit autour de cette enfant, pas comme les autres, mais tellement plus rayonnante dans ses rapports. En compilant ces bouts de films de famille, la réalisatrice nous interroge sur le rapport à l’autisme et sur ce combat des enfants qui en sont porteurs tout comme sur celui des parents qui voudraient tellement que l’enfant se défasse de ce poids. C’est exactement le sujet de « Pénélope mon amour ».
A travers le témoignage de ces images, de ces films, la réalisatrice nous livre un regard attendrissant et sans concession sur l’autisme, vu de l’intérieur. Avec son regard, ces moments de vie, de la plus petite enfance à l’adolescence, nous croisons le chemin de Pénélope, de sa maman et de sa voix Off, qui peut être pesante et donner une mauvaise interprétation, tant on y sent de la tristesse, de l’épuisement, alors que les mots disent le plus souvent l’inverse. On y entend l’amour, toujours, on y voit la fierté des petites victoires à chaque plan, et parfois la détresse de devoir caler sa vie, d’y mettre une parenthèse pour vivre au rythme de Pénélope, qui peut parfois passer 15 jours ans dormir la nuit. Ca peut parfois paraître surprenant qu’une mère se livre autant et qu’elle livre autant son enfant porteur d’autisme, mais ce que l’on retient, et c’est tout le but de ce film, c’est tout cette amour, toute cette attention portée à l’enfant et l’inverse qui se voit également en permanence, livre ici, un visage sans concession de l’intérieur, de ce handicap (Même si ce mot semble toujours connoté négativement !)
Avec « Pénélope Mon Amour », Claire Doyon ouvre, de l’intérieur,l’autisme au monde. Elle illustre avec tendresse et sans concession son cheminement, son combat de tous les jours et surtout celui de Pénélope, sa fille. A travers des films de famille, et des tranches de vie, la réalisatrice nous plonge dans les méandres d’un handicap envahissant pour l’enfant comme pour le reste de la famille, mais qui n’empêche jamais l’amour de trouver sa voie. Et même si parfois les parents ont besoin de se séparer de leur fille pour pouvoir vivre un peu à nouveau, que cela ressemble à un déchirement, il n’y a rien de choquant, à cela, bien au contraire ! Alors on regarde, on s’interroge, on sourit et on s’agace de cette voix Off, qui vient donner une tonalité sombre à ces moments de vie dont l’amour transpire à chaque plan.