Eva, gardienne de prison exemplaire, fait face à un véritable dilemme lorsqu'un jeune homme de son passé est transféré dans l’établissement pénitentiaire où elle travaille. Sans dévoiler son secret, Eva sollicite sa mutation dans l'unité du jeune homme, réputée comme la plus violente de la prison.
L’univers carcéral fascine le réalisateur danois Gustav Möller. Il trouve cet univers très cinématographique, car on y trouve toutes sortes de personnages et donc de contradictions et de comportements extrêmes, exacerbés par l’enfermement, la privation de liberté et la violence qui habite un certain nombre de ceux qui évoluent dans cet espace restreint. Pour écrire le scénario de « Sons » avec son scénariste Emil Nygaard Albertsen (The Guilty), ils ont interrogé des prisonniers et des gardiens dans des prisons afin de cerner la psychologie de ce qui allait devenir leurs futurs personnages principaux et notamment cette dualité presque inversée qui va être au cœur de l’intrigue de ce film, violent, touchant et puissant.
Car ce qui surprend d’emblée avec « Sons », c’est la manière dont le réalisateur s’est emparé de l’histoire et a inversé les rôles. Eva est une gardienne de prison, mais de par son travail, son passé et surtout la mise en scène de Möller, on comprend très vite qu’elle est également une prisonnière de cet établissement. On ne la voit jamais dans vie privée, jamais habillée autrement que dans on uniforme et surtout on ne la voit jamais en dehors de cette prison. A travers, elle le réalisateur nous emmène dans la psychologie de ces hommes et de ces femmes qui travaillent dans cet univers de violence et de peur, où tout le monde essaye, tant bien que mal de garder un équilibre fragile qu’un grain de sable peut vite faire flancher. Et c’est exactement ce qu’il va se passer lorsque Mikkel va arriver dans l’univers d’Eva.
Son passé va lui sauter à l’esprit avec une telle violence qu’elle va se laisser aller à la dérive, en se laissant porter par sa colère et par cette obsession qui va naitre. Avec une maturité évidente et un sens du rythme maitrisé, Gustav Möller nous tient en haleine et nous invite à réfléchir à la place d’Eva, de ce que nous voudrions faire, de ce que nous pourrions faire et jusqu’à quelle limite. Le réalisateur n’est pas dans le jugement, mais il s’amuse continuellement à inverser les rapports de forces et à provoquer des réactions épidermiques et contradictoires chez le spectateur.
Sidse Babett Knudsen (L’hermine) est d’une sobriété et d’une force incroyable. L’actrice avec très peu de mots, joue en permanence sur les regards, la position du corps et sa façon de se déplacer, les gestes qu’elle utilise font passer tout ce qu’il faut pour que le spectateur puisse s’identifier et comprendre la psychologie d’Eva. Face à elle, Sebastian Bull Sarning (La Chasse) fait partie de ces acteurs dont la force physique semble évident mais qui sont capable de nuancer leur jeu pour faire apparaître la fêlure. Une distribution remarquable pour un film juste et touchant qui peut aisément rejoindre le panthéon des films qui traite de ce sujet difficile, à l’instar de « Le Fils » (2002) des frères Dardenne.