Alma, seule dans sa grande maison en ville, et Mina, jeune mère dans une lointaine banlieue, ont organisé leur vie autour de l’absence de leurs deux maris détenus au même endroit… A l’occasion d’un parloir, les deux femmes se rencontrent et s’engagent dans une amitié aussi improbable que tumultueuse…
Le nouveau film de Patricia Mazuy, a qui l’on doit notamment l’excellent « Paul Sanchez est revenu » en 2018, semble vouloir se lire sous plusieurs angles : La solitude, la différence de classes et les rôles inversés. Car le scénario qu’elle a signé avec ses coscénaristes Pierre Courrège (Un Homme d’Etat) et François Bégaudeau (Mektoub My Love) devait, au départ, s’intéresser aux femmes des maisons d’accueil, entendre par cela les locaux accolés aux prisons et aux parloirs où les familles des détenus sont reçues et un échange et une écoute sont privilégiés, afin d’accompagner les femmes dans cette vie liée à l’incarcération du mari, du fils ou du frère. Venu d’abord de Pierre Courrège, le scénario arriva sur le bureau de la réalisatrice qui le remodela avec l’aide de Bégaudeau qui avait déjà participer à l’écriture originale. En se l’appropriant, Patricia Mazuy, va légèrement déplacer le regard de sa caméra pour s’intéresser de plus près à ces deux femmes venues de milieux sociaux bien différents, qui vont venir combler le vide de chacune par une présence, une écoute et une absence de jugement réel. C’est également l’occasion, pour la réalisatrice, d’inverser les rôles et de mettre les fers aux hommes et la liberté aux femmes.
Sans, pour autant, empêcher certains clichés, le scénario va alors parler de solitude, d’bord, celle de cette femme bourgeoise, dans une grande maison vide, qui se retrouve comme emprisonnées dans les murs de cette prison dorée, pendant que son mari purge sa peine. Et puis celle de cette jeune femme maghrébine qui, avec sa fille, lutte pour ne pas se noyer dans cette errance que la détention de son mari provoque, d’autant que les amis de ce dernier, ne semblent pas vouloir relâcher la pression. La rencontre de ces deux femmes va venir combler les trous d’une existence mise en errance par la faute de leurs hommes. Elles font alors preuves de force, de faiblesses, mais surtout de partage et d’écoute. L’une venant combler la solitude de l’autre. Ce qui est intéressant dans le scénario de « La Prisonnière de Bordeaux » c’est que les milieux sociaux explosent autant qu’ils restent ancrés dans le parcours de ces femmes. Chacune essayant de traverser cette période avec le moins de dégâts possible.
Et dans une mise en scène soignée, la réalisatrice va alors chercher à conserver un rythme lent qui ne viennent pas perturber la lecture de son intrigue et vienne ainsi peindre des personnages plus complexes qu’ils n’y paraissent avec leurs forces et leurs faiblesses. Alors, bien sûr, nous aurions préféré que les rôles soient plus inversés et que, pour une fois, la bourgeoise soit d’origine Maghrébine et que la désœuvrée soit Franco-Française, mais les clichés ont la peau dure, mais l’ensemble parvient à nous captiver et à nous faire réfléchir sur la fragilité de nos existences et plus particulièrement de nos choix dans la vie dont le répercussions peuvent être dramatiques, sur soi, bien sûr mais surtout sur les proches qui n’ont rien demandé et se retrouvent à devoir assumer les tout autant que le responsable de la faute. Patricia Mauzy confronte ses deux personnages et les oppose pour mieux les rapprocher.
Bien sûr la réussite du film tient aussi beaucoup aux prestations de ses deux actrices principales : Isabelle Huppert (La Daronne) et Hafsia Herzi (Mektoub My Love). Les deux actrices rivalisent de précision, dans des rôles qu’elles maitrisent parfaitement, ce qui pourrait aussi en faire leur premier défaut, tant elles ne nous surprennent pas. Mais leur collaboration fait des étincelles et parvient à nous entrainer dans cette histoire de femmes fortes et déterminées à s’en sortir. Les deux comédiennes captent littéralement l’œil de la caméra pour mieux nous entrainer dans un univers qui nous est inconnu. Dommage, encore une fois que « La prisonnière de Bordeaux » n’inversent pas plus les rôles et se laisse parfois entrainer dans des clichés d’usages.