Emmanuelle est en quête d’un plaisir perdu. Elle s’envole seule à Hong Kong, pour un voyage professionnel. Dans cette ville-monde sensuelle, elle multiplie les expériences et fait la rencontre de Kei, un homme qui ne cesse de lui échapper.
Ce fut le film érotique et non « Pornographique » comme on l’entend partout, alors les deux styles sont radicalement éloignés, l’un cherche avant tout à magnifier les scènes de sexe alors que l’autre est une vision tronquée de la relation sexuelle destiné à un public souhaitant éveiller un désir ou assouvir une pulsion. La frontière est fine, mais il est plus facile de trouver de l’art et de l’esthétisme dans le film érotique que dans le film pornographique. « Emmanuelle » est donc le film érotique étant resté le plus longtemps à l’affiche. Un phénomène en 1974, au point que le film de Just Jaeckin faisait parti des arrêt prévus par les Tour Opérator. Un cas d’école d’autant que l’œuvre du cinéaste fut tournée dans les conditions du tournage clandestin, avec un montage et post production complètement hallucinante.
Toujours inspiré comme son prédécesseur du roman d’Emmanuelle Arsan sorti en 1959, le film d’Audrey Diwan a décidé de s’éloigner du film érotique pour se rapprocher du livre et ainsi en sortir une œuvre plus féministe, qui parle de la femme, de désir et de son éveil à travers des rencontres et un jeu de dominant dominé, assez intéressant parce que quasiment passif et jouant énormément sur les regards et sur les postures. C’est un choix audacieux qui ne manque pas d’intérêt et arrive même à trouver sa voie pour exister en dehors de son illustre prédécesseur. Une mise en scène plus pudique qui n’élude le principe même du roman d’Arsan en laissant son héroïne s’éveiller aux désirs et à ses plaisirs, à ses pulsions.
Seulement voilà, il est bien difficile, voire quasiment impossible, de s’émanciper du film de Just Jaeckin tant il reste, à tort ou à raison, accroché à la mémoire collective. Parce que Sylvia Kristel, est devenue une icône et que le l’aspect érotique est une composante indissociable du personnage et de son histoire. Du coup lorsque l’on retire cette composante pour en faire un film plus proche du roman et certainement plus éloigné de l’érotisme, « Emmanuelle » devient un film qui tire sur la longueur et dont on a du mal à comprendre sa finalité. Car, il y a, bien sûr, cette femme libérée et en même prisonnière de son envie de retrouver ce désir qui lui manque tant et qu’elle va retrouver, d’une certaine manière, à travers les apparitions de Keï, cet homme énigmatique qui va lui échapper constamment jusqu’à devenir son obsession. De contemplatif, le film devient bavard et cherche plus a expliquer la psychologie des personnages dans le détail qu’à l’illustrer.
Et la mise en scène d’Audrey Diwan est intelligente, car elle aborde la sensualité avec une pudeur remarquable, qui fait que le centre même de l’histoire n’est pas mis de côté, mais il manque ce bazar, cette sorte de clandestinité, qui faisait de son modèle un film à part presque hors du temps. Ici, tout est travaillé, stylisé, rien n’est mis à l’écart et tout de la lumière à la couleur nous prends par la main et nous amène là où la réalisatrice veut nous emmener. Nous sommes voyeurs sans être voyeurs et toute cela, sans que cela ne soit non plus un objet de rejet, créé une frustration. De la même manière que lorsque dans un autre genre, Ridley Scott annonce faire un film sur « Robin des Bois » et qu’il nous raconte une autre histoire que celle à laquelle on s’attend. Avec « Emmanuelle », Audrey Diwan se retrouve dans la même situation en faisant un remake, qui n’en n’est pas un, du film érotique le plus célèbre au monde.