Melissa Lucio est la première femme hispano-américaine condamnée à mort au Texas. Accusée d’avoir tué sa fille de deux ans, cette mère pauvre et droguée, coche toutes les cases de la coupable idéale. Pourtant, son histoire qui regorge de zones d'ombres, va se révéler bien plus complexe qu’elle n’y paraît…
La peine de mort est un débat sensible aux Etats-Unis. Certains états y ont renoncé quand d’autres s’y accrochent comme une moule à son rocher. L’un des plus emblématiques est évidemment celui du Texas, dans lequel tout prisonnier condamné à mort a très peu de chance de voir sa peine annulée. C’est également un état qui réagit énormément aux symboles, aux exemples pourrions-nous même dire. Y compris lorsque cela pose questions et pas des moindres. On se souvient des cas de Rodney Reed en 1998, ou encore celui d’Alfred Dewayne Brown en 2003, pour ne citer qu’eux.
Celui de Mélissa Lucio est différent et pourtant pas tant que cela. Différent car il s’agit de la première femme condamnée à mort, mais similaire, car elle est faite partie de ces catégories défavorisées souvent victimes d’erreur judiciaire mais dont la condition sociale et financière ne permet pas de s’assurer une défense digne de ce nom. Ajoutez à cela une justice qui a tendance à être aveugle et implacable et vous comprendrez rapidement que tout se soit joué en quelques instants pour cette femme. Droguée et sans argent, cette femme vient de passer 13 années dans le couloir de la mort pour le meurtre de sa petite fille de 2 ans. Tout a poussé les policiers chargés de l’enquête à incriminer cette femme, qui après plusieurs longues heures d’interrogatoire a fini par avouer, seulement lorsque l’on s’intéresse un peu plus à son histoire, il apparaît une tout autre vérité.
Par le hasard d’un autre documentaire sur les femmes en prison aux Etats-Unis, la rencontre entre Melissa Lucio et la réalisatrice Sabrina Van Tassel (La Cité Muette) a permis de mettre en lumière le parcours de cette femme et surtout la contre-enquête qui vient mettre en lumière une vérité bien différente de celle voulue par l’état du Texas. Une vérité qui montre, notamment, les méthodes de la police lorsqu’elle arrête la jeune femme, mais également le désastre familial et personnel. Assez froidement, et sans concession, la réalisatrice laisse parler les différentes parties et déroule son propos à mesure qu’il se découvre. Sans chercher absolument à convaincre, elle va donner la parole à tous ceux qui ont approché de près ou de loin l’affaire, y compris lorsque cela est inconfortable comme l’avocat chargé de la défense de Melissa au moment du procès qui semble n’avoir pas fait grand cas de la jeune femme.
« L’Etat du Texas contre Melissa » c’est une plongée froide et implacable dans le système judiciaire américain, mais surtout Texan, dans ce qu’il a de plus sombre. A travers le parcours et les éléments de cette affaire, nous nous rendons vite compte que Melissa, Hispano-Américaine, mère pauvre de 14 enfants, prise au piège de la drogue, n’avait aucune chance de prouver son innocence, face à un système gangréné par le chiffre, l‘ambition et le symbole que cela représentait. Agissant comme un coup de poing en plein dans l’estomac, ce documentaire est également une sorte d’avertissement volontaire ou non aux dérives que peuvent prendre nos institutions lorsqu’elles se collent à l’exemple américain. Le documentaire est aussi captivant qu’effrayant et même si parfois le discours semble manquer de nuance, il n’en demeure pas moins une réussite lorsqu’il s’agit de mettre en lumière cette terrible histoire d’erreur judiciaire qui semble bien avoir du mal à émouvoir les autorités