Suite à la révolution syrienne, le régime de Bachar Al-Assad assiège le quartier de Yarmouk (banlieue de Damas en Syrie), plus grand camp de réfugiés palestiniens au monde. Yarmouk se retrouve alors isolé et le réalisateur témoigne des privations quotidiennes, tout en rendant hommage au courage des enfants et des habitants du quartier.
Il y a des films qui vous déchirent le cœur ! De ces films qui vont par leur puissance narrative vous entrainer dans l’horreur la plus absolu et nous interroger directement au plus profond de nos âmes, mais il y a ces films qui vont vous cueillir avec intelligence, et distiller volontairement ou non un discours d’une incroyable vérité. Avec « Little Palestine » du réalisateur Abdallah Al-Khatib, nous sommes clairement dans ce cas de figure ! Et pourtant, de la violence nous en avons vu, parler de la maltraitance des enfants aussi de nombreuses fois sur les écrans, avec de jeunes acteurs fabuleux, qui savent pleurer sur commande. Mais ici nous sommes bien loin de là, très loin en fait ! Ce qui choque de prime à bord dans ce film c’est la détresse de ces gens palpable autant que leur soif de survie. Elle nous plonge dans un siège où chacun tente de survivre, de trouver un sens à tout cela, de garder le peu de soleil qu’il reste dans leur cœur. Dés la première scène le ton est donné, on y voit ce jeune homme présenter sa carte de membre des Nations Unis en criant qu’il démissionne de ses fonctions. Car l’institution est impuissante face à ce siège et au pouvoir d’Assad, soutenu par le Kremlin. Dans ce documentaire tourné au jour le jour, au cœur du siège, par des habitants qui le vivent, nous voyons des femmes témoigner, on y voit la souffrance, le refus parfois de survivre, comme cette femme qui refuse de s’alimenter, notamment une soupe de Cactus. Et puis il y a les enfants, s’accrochant à la magie d’un ballon rouge qui vole, comme un espoir de liberté, leurs jeux, leur innocence et leurs rires qui viennent se heurter à des phrases déchirantes dites dans un éclat de rire : « Nous mangeons la nourriture des vaches ! ».
Car ce que ce documentaire montre à l’écran ce sont ces privations que subissent les habitants de Yarmouk, à commencer par l’eau, et les produits de première nécessité pour manger. Dans un désarroi le plus absolu, ils se sont résolus à manger les cactus, et les enfants à ramasser l’herbe pour la manger. Il y a le regard de cette petite fille affamée qui ne s’intéresse pas aux facéties de ses camarades devant la caméra d’Abdallah, mais préfère se concentrer à son ramassage d’herbe. L’œil du cinéaste se détache alors des garnements pour s’attarder sur cette enfant dont on perçoit douloureusement la souffrance. Touchant, déchirant, les mots ne sont pas assez fort, et le réalisateur possède l’intelligence de ces témoins qui préfèrent laisser parler les images, ou laisser transparaitre au détour d’une conversation, d’un témoignage ou simplement d’un plan tout ce que les mots ne peuvent expliquer.
Dès le début du siège en 2013, la mère du réalisateur e met au service des habitants, tente de les réconforter, de les soigner, de les aider. Elle distribue ses ballons aux enfants comme pour conserver leur innocence et leur joie et tente par tous les moyens de garder espoir. Elle tente de toujours trouver le mot qui viendra apaiser la souffrance ou l’impatience que ce siège soit levé. Malgré la faim, la privation, la douleur, les habitants de Yarmouk restent dignes et survivent avec une force qui appel au respect et à la réflexion sur nos conditions de vie dont nous nous plaignons, tellement. A Yarmouk, les enfants rêvent de manger du pain ou du sucre, tout ce qu’ils n’ont plus, mais gardent ces sourires et cette énergie qui, forcément, vient faire écho dans nos esprits.
Si vous ne devez voir qu’un film cette année, il faut que ce soit « Little Palestine ». Ce film vous marquera encore longtemps après le générique de fin. Les regards, les sourires des enfants, la détresse et la force des adultes, ces petites scènes qui viennent vous cueillir avec une violence inouïe comme celle de ce vieil homme qui tente de récupérer les ultimes restes dans un verre asséché, ou ce petit garçon qui cherche des graines au milieu des cailloux. Et puis il y a cet épuisement et cette force de rester vivant, de ne pas s’affronter de rester uni dans la douleur. Le réalisateur montre le siège de Yarmouk dans toute son horreur, mais illumine son propos du regard et de la force de ces enfants qui ne cessent de rester des ilots de lumière.