1948. Accusé par la justice française d’avoir collaboré avec les Nazis, Louis-Ferdinand Céline s’est exilé au Danemark avec sa femme, Lucette. Milton Hindus, jeune écrivain juif américain, qui l’admire et le soutient avec ferveur, le rejoint au fin fond de la campagne danoise, avec l’intention de tirer de leur rencontre un livre de souvenirs. De la confrontation entre les deux hommes, personne ne sortira indemne…
Ne le cachons pas ! Les différentes polémiques qui ont tourné autour de l’auteur de « Voyage au bout de la nuit », font forcément craindre le pire lorsque l’on entend parler de ce film autour de la rencontre entre le maître et un jeune écrivain, juif de surcroît, qui avait mis toutes ses forces pour laver la notoriété de son auteur favoris. Car il faut bien le dire tous les ingrédients sont là pour créer le malaise, soit une trop grande complaisance, soit au contraire un jugement beaucoup trop tranché pour être juste avec le sujet.
Car si les travers de l’auteur sont évident, notamment son aversion presque violente pour les juifs, il n’en demeure pas moins un miroir, exagéré certes, d’une France Pétainiste, foncièrement antisémite, et qui ne parvient pas, même encore de nos jours, à en assumer ses travers. Difficile alors de ne pas s’inquiéter d’un film qui voudrait ne traiter que de ça, juste pour mettre en lumière le côté obscur de cet écrivain traduit dans le monde entier en éludant son œuvre. Mais ce serait sans compter sur l’intelligence de la scénariste Marcia Romano (La tête haute) et du réalisateur Emmanuel Bourdieu (Un conte de Noël) qui tisse un scénario toute en nuance et en dureté autour de cette rencontre improbable entre un homme exilé pour une supposée collaboration avec le régime nazis et un jeune écrivain éblouit par l’œuvre de l’artiste qui a mis son honneur en jeu pour sauver celui de son maitre, avec forcément un jeu de dominant dominé à la clé.
Et c’est bien toute l’intelligence du scénario et de la mise en scène que de mettre en avant les différentes aspirations qui unissent les uns et les autres dans cette affaires. Hindus, poussé par une soif d’apprendre de son maître, connaitre un peu plus le cheminement créatif de cet auteur majeur dans la sphère littéraire mais qui va se heurter au caractère difficile de Céline, avec ses grandes tirades outrancières sur la communauté juive et sur les événements tragiques de la seconde guerre mondiale. Un écrivain puissant, novateur pour son époque mais autant repoussant par ses excès de colères, sa paranoïa et son goût prononcé pour torturer psychologiquement son jeune apprenti. De tout ça, le réalisateur Emmanuel Bourdieu ressort un film puissant qui met en lumière toute cette dualité qui sévissait en ce personnage de Céline, et pour cela les deux auteurs ont eu l’excellente idée de mettre au centre de ce duo, Lucette, la femme de Céline et de lui donner une force de persuasion sur les deux qui donne encore plus de profondeur à l’ensemble.
Alors bien sûr, ce film ne serait pas aussi réussit sans la prestation remarquable de Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf) tout d’abord, dont l’incarnation de l’écrivain, ne passe pas forcément par une transformation physique remarquable, même si un effort a été fait de côté-là, non c’est du côté de l’intonation du jeu, de cette capacité à passer de la douceur à la fureur sans sourciller beaucoup, un charisme qui permet de donner encore plus de profondeur à ce jeu fourmillant de bonnes idées, qui ne va jamais dans la caricature gratuite, mais qui met au contraire tout son paradoxe au service d’un personnage hors du commun. Et puis il y a
Géraldine Pailhas (Jeune & Jolie), une actrice sensitive qui a su avec brio prendre toute la distance nécessaire avec son personnage pour lui conférer une droiture et une force qui vient en total contrepoids de la fureur désordonnée de Céline et du jeune Hindus, sobrement interprété par
Philip Desmeules (Désaccord Parfait).
En conclusion, « Louis Ferdinand Céline », nous offre l’un des films les plus aboutis sur le personnage controversé de Céline. Le scénario a l’intelligence de traiter tout en nuance cet auteur reconnu pour son œuvre mais dont les penchants violemment antisémites ont aidé à rendre beaucoup moins sympathique.