L'histoire :
Afghanistan, début du régime des talibans. Une jeune fille de 12 ans vit seule avec sa mère et sa grand-mère. Pour survivre, la mère n’a d’autre solution que de travestir sa fille : désormais, elle sera un garçon et s’appellera Osama.
Osama retrace le tragique destin d’une petite fille aux prises avec l’injustice et le fanatisme religieux.
Critique subjective :
Siddiq Barmak est né en Afghanistan le 7 septembre 1962. Il obtient sa maîtrise de cinéma à l’Université de Moscou en 1987. Depuis il a beaucoup œuvré pour le cinéma afghan, avant et après l’ère Taliban, notamment en écrivant de nombreux scénarios et en réalisant plusieurs courts métrages en Afghanistan. Il a également présidé une organisation gouvernementale, Afghan Film Organization, de 1992 à 1996. A l’avènement du régime taliban, il s’exile au Pakistan. Lorsque le régime tombe, il revient au pays et reprend les rênes de l’ Afghan Film Organization, jusqu’à fin 2003. Il crée ensuite la société de production Barmak Film. Osama est son premier long métrage de fiction. Tous ses travaux ont été confisqués pendant la période des talibans.
Depuis avril 2003, Siddiq Barmak a accepté de présider l’ACEM (Afghan Children’s Education Movement), qui soutient les projets dans les domaines de la littérature, de la culture et des arts.
Osama est le premier film afghan présenté au Festival de Cannes et c’est aussi le 43 ème film du cinéma afghan. Projeté en 2003 sur la Croisette dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs, Osama y a décroché une mention spéciale du jury de la Caméra d'or, attribuée cette année-là à Reconstruction (2003) de Christopher Boe.
En 2004, Osama a obtenu le Golden Globes du Meilleur film étranger. Le film a par ailleurs reçu en 2003 le Prix de l'AFCAE (Association Française des Cinémas Art et Essai), ainsi que la médaille Fellini de l'Unesco (Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Société et la Culture)
Siddiq Barmak a également été aide de camp du Commandant Massoud, héros national afghan pendant la guerre contre l’Union Soviétique et qui a également résisté aux talibans. Il nous raconte dans les bonus à quel point le commandant Massoud était cinéphile et aimait à se cultiver; il avait une passion pour l’art et le cinéma. Il avait une collection de 300 à 400 films parmi lesquels ses films préférés comme
Spartacus dont il parlait beaucoup, les 400 coups de
Truffaut, des films de
Oliver Stone ou encore une cassette de Casablanca d'
Orson Welles qu’il aimait beaucoup aussi. Massoud parlait même d’écrire un scénario que Siddiq Barmak réaliserait. Mais à voir l’état des ruines du cinéma que visite Siddiq Barmak dans le portrait de marina et l’émotion que ces ruines provoque chez lui, on se dit que peut-être les cinémas meurent aussi.
Le film Osama découle d’un article écrit par un professeur de Kaboul sur lequel le réalisateur est tombé par hasard dans un journal afghan à Peshawar. Dans cette lettre était racontée l’histoire d'une petite fille désirant plus que tout aller à l'école alors que l'on était en plein régime taliban et que c'était interdit. Pour parvenir à ses fins, elle s'était fait couper les cheveux et portait des vêtements de garçon. Il a traîné cette histoire douloureuse avec lui pendant deux ans avant que la chute des talibans ne lui permette de la réaliser.
Le projet de scénario initial s’intitulait Rainbow car une légende afghane dit que vous découvrez la liberté en passant sous un arc en ciel. La jeune fille devait passer sous l’arc en ciel et enfin devenir libre mais cette version s’est avérée être trop optimiste par rapport à la réalité de l’après Taliban et il n’en reste plus qu’une allusion dans une scène où l’arc-en-ciel apparaît mais point d’optimisme prématuré.
Le réalisateur a rencontré entre 3000 et 3400 filles dans des écoles avant de tomber sur Marina, une jeune mendiante appartenant à une famille nombreuse. Cette jeune fille a été très sollicitée sur le plan émotionnel puisqu’elle devait incarner un personnage dont le quotidien ressemblait énormément au sien.
Le tournage porte une charge émotionnelle directement liée à la dimension presque documentaire de Osama qui est un premier pas vers la liberté retrouvée de l’Afghanistan et un nouvel avenir.
Suivant la formule de Jean-Luc Godard, le choix de la manière de poser la caméra est morale ce qui conduit le réalisateur à éviter le close up en usant de plans moyens ou de plans larges afin que l’histoire soit perçue non pas comme le portrait de marina mais comme un point de vue général sur le peuple Afghan. Ainsi 90% des plans sont des plans fixes sans mouvement afin de montrer le côté figé des gens sous les talibans dont le réalisateur voulait faire comprendre à quel point ils avaient arrêté le temps. Suivant cette logique seul le plan d’introduction, filmé par un journaliste est très mouvementé. Le regard du réalisateur s’est aiguisé en côtoyant des personnalités passionnées comme Le Commandant Massoud mais également en travaillant en tant que Chef-opérateur de la jeune mais néanmoins brillante réalisatrice Iranienne
Samira Makhmalbaf.
Verdict :
Un film qui marque la renaissance du cinéma Afghan et qui témoigne très rapidement après l’obscurantisme talibans de ce que les hommes ne doivent pas faire de l’islam. Où il y a du cinéma il y a de la liberté et Siddiq Barmak aime à penser qu’il y a de nombreuses histoires à raconter en Afghanistan. Cependant tout est à reconstruire.
On a une très bonne image, nette brillante et bien contrastée. La compression est impeccable. On a une image qui est aussi réussi que celle du film
A 5 heures de l'après midi de la jeune réalisatrice Iranienne Samira Makhmalbaf dont on se rappelle la beauté étonnante et paradoxale d’un vêtement à la fonction aussi laide que la bourca.
On doit probablement cette qualité à une lumière plutôt favorable en Afghanistan mais surtout au talent du chef-opérateur qu’est Siddiq Barmak. En effet, il est aussi le chef-opérateur attitré de
Samira Makhmalbaf, avec qui il a collaboré sur La Pomme, Le Tableau noir, et
A cinq heures de l'après-midi, ainsi que le court-métrage qu'elle a réalisé dans le cadre du projet 11'09''01 september 11.