On connaît James Ivory pour des œuvres aussi intimes que grandioses que sont "Retour à Howards End », « Les Vestiges du jour » ou encore « Chambre avec vue ». Mais en s’intéressant un peu plus à sa filmographie on découvre un style et une vision de la société du début du siècle incomparable. Avec un regard à la fois acerbe et tendre, le réalisateur, filme avec brio les solitudes en multitudes des personnages, qu’ils soient aristocrates déchus ou serviteurs prisonniers de leurs principes, James Ivory ne perd rien et sa caméra se love dans l’esprit de ces âmes à la dérive.
Magicien de l’image et parfait connaisseur des techniques qui grandissent les personnages et les lieux qui illustrent ses histoires, James Ivory s’est constitué une filmographie hors norme et hors du commun. Sans sombrer systématiquement dans les extrêmes auxquels nous ont habitué certains de ses confrères tels que Stanley Kubrick (Orange Mécanique, 2001 l'odyssée de l'espace) ou encore des ténors du cinéma Italien comme Pasolini (Salo ou les 120 journées de Sodom), le réalisateur américain aime filmer les gens et sombrer leurs âmes pour mieux en exprimer les fêlures. A la manière d’un Fellini (La Dolce Vita), James Ivory dépeint les sociétés aristocratiques ou marginales de ce début de siècle avec une finesse et un doigté qui sont toujours propres aux grands réalisateurs.
MK2 par le biais de cette collection, nous permet de découvrir le talent déjà bien prononcé de ce réalisateur américain aux accents si européens. Par un choix particulièrement judicieux, la société de production nous offre le meilleur des débuts de James Ivory. Une collection qui commence par « Savages », réalisé en 1972. Après le raffinement de ses films indiens « Shakespeare Wallah » ou « Chaleur de poussière », le réalisateur nous offre une incroyable réfléxion sur le choc des civilisations, en opposant un clan primitif, au luxe d’un château anglais et à l’impacte que cela provoque sur les membres du clan. Réalisé avec intelligence et finesse, ce film est aussi troublant que saisissant.
Ensuite, on pourra découvrir « Roseland » réalisé en 1977, qui est une magnifique biographie du plus ancien et du plus renommé dancing de New-York. Considéré comme un film de référence aux Etats-Unis et en Angleterre, « Roseland », est en effet saisissant de justesse et subtilement interprété par Geraldine Chaplin (Le docteur Jivago) et Christopher Walken (Dead Zone).
Puis « Les Européens », réalisé en 1979. Un film marquant dans la carrière du réalisateur puisqu’il lui ouvrit les portes du festival de Cannes, où il fit partie de la sélection officielle, et une nomination aux Golden Globes dans la catégorie « Meilleur film Etranger ». Adapté du roman de Henry James, « Les Européens » brille par son humour et sa justesse, au point de nous faire presque sentir la cire des bois qui composent les grandes maisons, la douceur des taffetas et des mousselines etc…
« Jane Austen in Manhattan» réalisé en 1980, sans changer les repères qui composent le cinéma de James Ivory, est celui qui sort le réalisateur des films en costume pour suivre deux troupes de théâtre qui tentent de monter une pièce de Jane Austen. Un film porté par un scénario infaillible qui s’avère être une profonde réflexion sur la solitude des acteurs et sur l’esprit du théâtre même.
Enfin « Quartet », réalisé en 1981, annonce le succès non démenti à ce jour que le réalisateur connaîtra avec « Chambre avec vue », ou encore « Retour à Howard ends ». Au travers d’un quadrille dans le Paris de l’âge d’or, celui, décrit si souvent par Hemingway, James Ivory nous offre une nouvelle fois, une passionnante plongée dans l’esprit souvent décalé de ces êtres passionnés par la nuit, mais dont la fragilité tant mental que physique, peut souvent apparaître au grand jour, à la suite d’un incident. Le film bénéficie des impeccables interprétations d’Isabelle Adjani (La reine Margot) et d’Anthony Higgins (Les aventuriers de l’arche perdue), qui font de ce couple une véritable référence cinématographique.
En conclusion, une superbe collection, qui nous permet de découvrir le cheminement d’un cinéaste vers l’apogée de son œuvre. C’est aussi une collection qui nous permet de découvrir un véritable cinéaste de talent, avec un regard aussi perçant qu’un peintre face à son modèle. Ses films sont des œuvres majeures et MK2 vient de lui redonner ses lettres de noblesses. A découvrir donc ou a re-découvrir !