Requiem for Billy the Kid

L’histoire :

S’aventurant sur les traces de Billy the Kid, la documentariste Anne Feinsilber questionne l’un des plus célèbres mythes américains.

Critique subjective :

Si l’on en croit la version historique, William Bonney, alias Billy the Kid, est mort en 1881 à Fort Sumner, comté de Lincoln, USA. Le Kid avait 21 ans, il fut abattu par le shérif Pat Garrett, son ancien ami. L’histoire est connue et a même été abordée à plusieurs reprises par le cinéma (citons Le gaucher d’Arthur Penn et Pat Garrett et Billy the Kid de Sam Peckinpah). Surprise donc avec Requiem for Billy the Kid, un métrage qui part du postulat suivant : est-ce bien la vérité ?

Sorte de western documentaire, le film d’Anne Feinsilber est un objet cinématographique étrange qui nous fait partager une enquête menée par une poignée de shérifs américains (dont certains sont les successeurs de Pat Garrett). Si l’on y regarde de près, un certain nombre d’incohérences restent attachées aux circonstances de la mort de Bill Bonney. Les témoignages et les preuves se contredisent. Garrett aurait pu tuer quelqu’un d’autre et maquiller le meurtre ; le Kid vivre plus longtemps. Il faut dire que même la pierre tombale officielle de Bonney à Fort Sumner laisse planer le doute, la date de mort étant en partie effacée : 18… Ailleurs, au Texas, une autre tombe est présentée aux touristes comme celle du « vrai » Billy the Kid. Question : le Kid est-il réellement mort à Fort Sumner sous les balles de Pat Garrett ? Réponse : impossible d’être catégorique. Requiem for Billy the Kid n’a d’ailleurs pas la prétention d’apporter une réponse définitive. Il nuance sans forcément chercher à déconstruire.

L’Amérique aime à revisiter son histoire et le western reste le genre idéal lorsqu’il s’agit de s’interroger sur ses propres mythes (exemple ultime : L’homme qui tua Liberty Valance). Pour son documentaire, Anne Feinsilber reprend donc l’imagerie du western, s’approprie son langage cinématographique. Longs panoramiques et autres travellings déroulent lentement de vastes étendues désertiques. Les décors naturels semblent vides, le Kid et ses contemporains ne sont plus là. On se console avec des intervenants dont les visages burinés et tannés par le soleil évoquent des seconds couteaux dans un western transalpin.
Si l’on peut déplorer un petit parti pris bancal (le parallèle entre Billy the Kid et Arthur Rimbaud apparaît tiré par les cheveux), les choix formels emportent donc l’adhésion. Le fait que la narratrice devise avec la voix âgée d’un Kid fantomatique (timbre râpeux de l’acteur Kris Kristofferson qui, en 1976, interprétait déjà le personnage chez Peckinpah) s’impose naturellement. Même constat pour l’alternance entre format 35 millimètres (séquences évoquant le passé) et DV (scènes ancrées dans le présent).

Verdict :

Documentaire très « cinématographique », Requiem for Billy the Kid s’impose comme une œuvre foncièrement onirique. Une réussite.

Une image très satisfaisante. Le travail du directeur de la photographie (Patrick Ghiringhelli) a été traité avec les meilleurs égards. Les passages en 35 mm permettent d’apprécier une colorimétrie pointue, les séquences en DV une compression furtive. Un rendu visuel qui frise la perfection.

Deux pistes Dolby Digital 5.1 à la hauteur. Si le film n’est pas du genre détonant, le 5.1 procure néanmoins un son enveloppant. Savant dosage entre les différents éléments sonores et clarté sont de la partie. Si la VF est de très bonne qualité (le choix d’Arthur H pour la voix off du Kid est parfait), on préfèrera néanmoins une VO qui nous permet d’apprécier le timbre pénétrant de Kris Kristofferson.