L'histoire :
Aditya et Suhani s’aiment. Pourtant, tout oppose les deux amants. Lui est issu d’une famille aisée, elle, beaucoup plus modeste. Lorsqu’ils décident d’annoncer leur amour, leurs familles s’y opposent et le jeune couple est obligé de se marier secrètement. Contrainte de dévoiler la vérité à ses parents, Suhani attire les foudres sur elle. Rejetés, Aditya et Suhani semblent pourtant résolus à vivre pleinement leur amour...
Critique artistique :
Pour son premier long-métrage, le réalisateur Shaad Ali signe Shaathiya, remake Bollywoodien du film tamoul Alaipayuthey (2000) du réalisateur Mani Ratnam. Alaipayuthey est typiquement un film de Kollywood car produit en langue tamoule à Chennai (anciennement Madras), dans le sud de l'Inde. Bien que les deux films soient tout deux des romances sociales, Shaathiya est typiquement bollywoodien avec ses interrogations entre tradition ancestrale et modernité et reprend la plupart des recettes du genre tel que l'a imposé
Yash Chopra notamment à savoir les paysages romantiques, des costumes somptueux et des chansons entraînantes, autant d'éléments devenus incontournables dans les productions de Bollywood. Si Saathiya signifie « L’âme sœur », Alaipayuthey signifie « Vagues » ce qui colle aux deux scénarios d’une manière un peu plus pertinente que ne le fait Saathiya. En effet, l’histoire suggère que l’existence serait constituée d’une multitude d’événements arrivant par vagues successives, le ressac d’une vie baignée de sel et d’azur, soumise aux intempéries comme autant d’imprévue. L’imprévue surgit d’ailleurs très tôt dans le scénario de Saathyia où un long travelling accompagne Aditya, insouciant sur sa moto, écoutant de la musique alors qu’il se rend à la gare où il attend ordinairement Suhani qui tarde à arriver. A l’attente de Aditya, le scénario répond en nous propulsant dans le passé par un flash-back, figure de style canonique pour remonter à la source de la rencontre amoureuse.
Saathyia est tout aussi riche en émotion que
Veer-Zaara du réalisateur
Yash Chopra, par ailleurs producteur de Saathiya qui a recu 6 Filmfare Awards dont ceux de la mise en scène et de la musique. On y retrouve, une certaine qualité mélodramatique qu’apprécie explorer Yash Chopra au travers de récits qui décrivent le trouble et la complexité des rapports amoureux confrontée à l’autorité parentale et à la pression sociale exercée par le poids de la tradition. Il s’agit véritablement d’un mélodrame social et culturel, mis en image de manière très moderne tout en s’appuyant sur de jeunes acteurs comme le sémillant Vivek Oberoi (Company(2002), Dum (2003), Omkara (2006)) qui incarne Aditya Sehgal ou la magnifique
Rani Mukherjee (La Famille Indienne(2001), Veer-Zaara (2004), Black (2005)) interprétant le rôle de Suhani Sharma qui lui a permis de faire son arrivée sur le devant de la scène. La superbe musique de Allah Rakha Rahman (Lagaan(2001), Swades (2004)) à qui l’on doit notamment le thème « Bombay » sur
Lord of war (2005) et qui a également signé la bande originale de Alaipayuthey achève de donner à Saathiya une dimension lyrique vibrante et authentique. Il faut en convenir, la musique des films bollywoodiens joue toujours un rôle important dans la réussite de leur lancement puisqu’elles sont diffusées à la radio avant la sortie en salle mais quand la Bande originale est réussit comme sur Shaathiya ou Veer-Zaara on aboutit à un résultat très appréciable voire enthousiasmant.
Il faut dire que Saathiya fait partie de ces films qui tout en empruntant les recettes d’un genre parvient à mettre en avant des qualités propres. Le fond de l’histoire ressemble au mélodrame de Roméo et Juliette, la mort en moins. Il s’agit surtout d’une histoire d’amour entre deux jeunes gens décidés à s’aimer en dépit des obstacles ce qui ressemble à beaucoup d’autres scénarios à la différence que Aditya (Vivek Oberoi) et Suhani (Rani Mukherjee) vont se marier en cachette sur fond de lutte des classes (même si les classes appartiennent plutôt au haut du panier sans doute pour coller au genre inspiré par les films de Yash Chopra). La famille de Aditya est plus aisée que celle de Suhani et la rencontre entre leurs parents va mal tourner à cause d’une susceptibilité du père de Suhani et d’une maladresse du père de Aditya relative à leur appartenance sociale. En dépit de ces difficultés et comme pour remplir le programme contenu dans le titre du film - Saathiya pouvant être traduit par «L'âme sœur» - les deux jeunes gens vont se guetter comme des âmes sœurs avant de se marier puis d’emménager ensemble. Comme l’histoire de Saathiya raconte ce qu’il se passe après le mariage, le succès du film est lié à sa capacité à représenter une nouvelle génération d'histoires qui s'intéressent à l'après mariage et la vie maritale en générale.
Si les films Bollywwodiens aboutissent souvent à un mariage, ici Shaad Ali (inspiré par le maître Mani Ratnam) met le doigt sur la vie commune d’un couple marié, visant sans doute le jeune public indien, plus ouvert et moderne, et à même de se reconnaître dans les personnages interprétés par Rani Mukherjee et Vivek Oberoi. On remarque d’ailleurs que si le couple se marrie en catimini, la réalisation n’en fait pas grand cas et passe à l’après mariage très vite, laissant de côté les possibilités de mise en scène chargée avec chorégraphie, musique et décors colorés de circonstances. Une bonne partie du film consiste à montrer le couple aux prises avec l’ennui, la routine qui s’installe et les disputes qui démarrent souvent pour des raisons insignifiantes comme la jalousie. Ce passage rapide sur le mariage pour laisser la place à la vie conjugale fait penser à Kabhi Kabhie (1976) où Yash Chopra avait décidé après coup d'attaquer très vite la narration de la vie des deux amants séparés, ce qui avec le recul a permis au film de rencontrer le succès. Il est vrai que cette incursion dans ce qui est censé constitué un paradis, un long fleuve tranquille prend le genre à contre-pied et semble marquer une volonté de créer un cinéma plus réaliste qui conserverait cependant les ingrédients qui font le charme et le succès de Bollywood.
Verdict :
Après avoir découvert les éditions DVD de Kabhi Kabhie, Dil to Pagal Hai et le très séduisant Veer-Zaara de Yash Chopra, visionner Saathiya qui suit les mêmes codes reste un plaisir si on aime les films de Bollywood. Au-delà des romances aux fins heureuses convenues, Saathiya explore avec sincérité et complexité les rapports amoureux d’une jeunesse insouciante tout en s’attardant sur la vie du couple après le mariage. Une très belle romance sociale à cheval sur les codes envoûtants du genre et sur une forme de réalisme sans doute plus proche de la jeunesse indienne actuelle.