L'histoire :
Amit (Amitabh Bachchan) est un garçon sensible, poète et amoureux de Pooja. Les deux amants rêvent d’une vie parfaite jusqu’à ce que le destin en décide autrement. Pooja doit se plier aux vœux de ses parents et épouser Vijay (Shashi Kapoor). S’éloignant peu à peu du monde dans lequel il espérait s’épanouir, Amit délaisse son premier amour et décide d’épouser malgré tout Anjali. Pourtant, il est des destins qui doivent, un jour ou l’autre, se recroiser…
Critique artistique :
Un an après le succès commercial de Deewaar(1975), Amitabh Bachchan (Mohabbatein (2000), La Famille indienne (2001)) retrouve le cinéaste Yash Chopra dans Kabhi Kabhie (1976) que l’on peut traduire par « quelques fois ou parfois », un film que le réalisateur considère comme d’art et d’essai. Aux côtés de Rakhee Gulzar (Trishul (1978)) qui incarne le personnage de Pooja, l’acteur de Sholay trouve ici l’un des plus beaux rôles de sa carrière, car rompant avec son image de « jeune homme en colère » qu’il a gagné en jouant de nombreux rôle violent. Récompensé par 4 Filmfare Awards, dont celui de la Meilleure Chanson Originale pour Sahir Ludhianvi, ce film culte est une référence pour le réalisateur Karan Johar, qui rendra hommage à Yash Chopra, 26 ans plus tard, avec le film La Famille Indienne (2001) dont le titre original Kabhi Khushi Kabhie Gham signifie « parfois heureux, parfois pas ». Dans la distribution de Kabhi Kabhie, on compte par ailleurs Shashi et Rishi Kapoor qui appartiennent à une grande famille du cinéma Bollywoodien ainsi que l’actrice Waheeda Rehman (Coolie (1983)) et Neetu Singh qui incarne la fille de la femme de Amit. En plus d’une belle sélection de star de l’époque, Kabhi Kabhie bénéfice de très belles chansons composées par Khayyam dont Main pal do pal ka shaayar hoon qui est tout aussi poétique que le texte du poème Kabhi Kabhie récité ou chanté tantôt par Amit tantôt par Pooja et que l’on doit au poète et parolier Sahir Ludhianvi (1922- 1980).
L’histoire se passe en 1976 et naturellement on retrouve la mode des années 70 qui ne varie pratiquement pas au cours du film dont l’histoire se déroule sur plus de 20 ans. Comme il s’agit d’une fiction, l’anachronisme ne saute pas à l’esprit probablement parce que l’on s’attache surtout à l’aspect physique des personnages. Ce qui est plus flagrant c’est le manque de dextérité du chef opérateur qui donne de gros coup de zoom, les travelling qui manquent de souplesse, la scène d’action finale accélérée ou le jeu d’acteur sur jouer de Shashi et Rishi Kapoor qui peuvent faire sourire. On sait que les films tiennent à peu de choses et Kabhi Kabhie a bien faillit ne pas être montrer en salle, car lors du montage, Gulshan Rai le producteur de Yash Chopra à l’époque, lui a dit que ce film qui montre Amitabh Bachchan, après Deewaar, en père de famille moustachu ne marcherait pas et qu’il devait laisser tomber car la production en avait les moyens. A l’époque Amitabh Bachchan venait de tourner dans Deewaar de Yash chopra et plusieurs films où il interprétait des rôles violents qui lui valurent l'épithète de « Angry Young Man ». Le voir dans un rôle de poète lyrique créait un choc et Kabhi Kabhie qui était un titre peu commercial pour un film amena pourtant une bouffée d’air frais et de romance entre les deux films commerciaux contemporain de l’époque que sont Deewaar (1975) et Trishul (1978).
Kabhi Kabhie se divise en quelque sorte en trois parties dont la première très courte (10 mn environ) est très poétique avec Amitabh Bachchan, poète déclamant avec insouciance des vers d’un romantisme exacerbé à sa bien-aimée qui boit ses paroles, une seconde qui se déroule de la 10ème à la 24ème minute et montre le mariage de Pooja et de Vijay entourés de décorations rutilantes avec lesquelles tranche la tristesse de la mariée et la troisième partie qui montre la vie qui succède au mariage de Pooja et donc à leur séparation. On a droit dès les premières minutes à une scène de séduction délicieuse entre Amitabh Bachchan et Shashi Kapoor à laquelle succède de charmantes scènes où l’on voit le couple s’enlacé, s’embrassé tendrement et parfois courir ensemble tels Radha et Krishna, couple divin représentant la passion et offrant de nombreuses nuances érotiques dont l’amour à la fois charnel et spirituel est censé avoir atteint l’apogée absolue pour les mortels et les dieux. Il faut noter l’ambiance assez étonnante des scènes qui décrivent le mariage de Pooja et Vijay. On y retrouve un faste qui fait penser à celui qui se retrouve dans certains films comme Devdas mais l’attitude de soumission complète et totale de la mariée à son mari à de quoi faire frémir aujourd’hui.
Kabhi Kabhie se démarque des autres très nombreux films indiens qui abordent le thème du mariage arrangé voire forcé en montrant un prétendant qui renonce non seulement à son amour au lieu de se battre mais décide de surcroît de renoncer à la poésie, pour laquelle il est particulièrement doué. En avançant dans l’histoire on se dit que le scénario écrit par Pamela Chopra (l’épouse du réalisateur) s’avère plutôt élaboré et cruel lorsque Vijay, le mari de Pooja lui demande de lui chanter le poème Kabhi Kabhie, dédié initialement à Pooja par Amit. On n'est cependant pas au bout de nos surprise car l’histoire se complexifie par la suite au point qu’à la trame initiale, se rajoute une autre histoire concernant la fille cachée d’Anjali, l’épouse d’Amit qui part à la recherche de sa mère biologique. Cette deuxième intrigue (qui suffirait à donner la matière à plusieurs épisodes d'un soap opéra) prend suffisamment d’importance dans le scénario de Kabhi Kabhie pour en devenir l’histoire principale, un peu comme la conséquence de l’histoire malheureuse d’Amit et Pooja qui chanteront à jamais : Kabhi Kabhie, « Parfois, au fond de mon cœur je m’interroge » …
Verdict :
Kabhi Kabhie et un film culte de la filmographie de Yash Chopra, certes un peu daté mais intéressant à regarder pour comprendre d’où vient le cinéma romantique de films comme Veer-Zaara ou Saathiya. Cependant, compte tenu de l’ambiance années 70 qui reste la même au cours de l’histoire qui s’étend sur plus de 20 ans, il vaut mieux être fan du cinéma Indien ou de Yash Chopra pour pleinement apprécier ce film qui souffre de quelques maladresses techniques et dont le jeu d’acteur parfois sur jouer peut faire sourire.