L'histoire :
Rahul, célèbre metteur en scène de spectacles musicaux, décide d’élaborer un nouveau show autour du personnage de Maya, l’icône féminine de ses rêves. Mais Rahul ne croit pas en l’amour et préfère provoquer sa première danseuse et amie Nisha qui, depuis longtemps, est secrètement amoureuse de lui. Lorsqu’une terrible blessure empêche celle-ci de continuer les répétitions, Rahul doit faire un choix et décide de proposer le rôle à la délicate Pooja, qui refuse dans un premier temps…
Critique artistique :
Dil To Pagal Hai explore les pistes de la comédie musicale hollywoodienne contemporaine, marquant ainsi le passage de l’industrie cinématographique indienne à l’ère d’une certaine modernité plus proche de celle de l’occident. On peut mesurer l’évolution des mœurs indiennes à l’aune de son cinéma et des représentations de l’amour et du couple qu’il véhicule. Dil To Pagal Hai (1997) est le 20ème film du réalisateur Yash Chopra qui a largement contribué à fonder le style bollywoodien en signant des films comme Kabhi Kabhie - Love Is Life (1976) Veer-Zaara (2004) et Dil To Pagal Hai (1997) qu’il a aussi co-produit avec d’autres films tels que Mohabbatein (2000),
Saathiya (2002) ou Dhoom (2004). De l’avis du réalisateur Karan Johar (Kuch Kuch Hota Hai (1998)), il serait le réalisateur indien le plus romantique mais également un réalisateur d’avant-garde quand il réalise Ittefaq (1969), le premier film sans chanson et la chronique sociale Dharmaputra (1961). Pour ce film,
Yash Chopra, s’est entouré de
Shahrukh Khan, de Madhuri Dixitet et de la jeune Karisma Kapoor pour donner un souffle nouveau à Bollywood, où paillettes et chorégraphies semblent tout droit sorties des plus grands shows de Broadway.
Le mélange des styles musicaux traditionnels et occidentaux qui est déjà très poussé dans Dil To Pagal Hai participe en particulier d’un effort de la chorégraphe Farah Khan (
Le mariage des moussons (2001), New York masala (2005)) qui s’est occupé des danses modernes et dont l’objectif et de « faire entrer les traditionnels morceaux musicaux dans la culture contemporaine, en rendant les mouvements plus dynamiques, et parfois en multipliant les figurants pour imiter les grands shows...sans pour autant céder à une uniformisation ou une globalisation façon MTV ». Au cours des années 60 et 70, Yash Chopra introduit des idées novatrices dans ses films : paysages romantiques, costumes somptueux et chansons entraînantes, autant d'éléments qui deviendront incontournables dans les futures productions de Bollywood. La politique commerciale de
Yash Raj Films semble de plus en plus agressive et s’aventure de plus en plus hors des frontières indiennes autant en Europe pour tourner les fameuses scènes montagneuses découlant d’un exotisme renversé popularisé par
Yach Chopra depuis les années 60/70 qu’aux Etats-Unis ou au canada avec des films comme New York Masala (2004) de Nikhil Advani ou Ta Ra Rum Pum (2005) de Siddharth Anand. Ta Ra Rum Pum est l’une des dernières productions de Yash raj Films, avec Rani Mukherjee dans le rôle de la femme d’un coureur automobile qui part à la conquête du monde fermé des courses automobiles NASCAR aux Etats-Unis. La bande-annonce laisse penser qu’il s’agit d’un crossover entre Jours de tonnerre (1990) de
Tony Scott et Cars (2005) pour le look de la voiture ; il semble s’agir d’un film conçu autant pour le marché indien que pour l’exportation avec un casting américano-indien.
Shahrukh Khan, acteur et producteur a gagné de très nombreux prix dont six récompenses cinématographiques en tant que meilleur acteur notamment dans Dil To Pagal Hai(1998), Kuch Kuch Hota Hai(1999), Mohabbatein, Devdas (2002) ou Swades(2005). A ses côtés,
Madhuri Dixit qui était une immense star au début des années 1990, a été considéré par certains comme une réincarnation de l'actrice Madhubala (Mahal (1949), Amar (1954), Mughal-e-Azam (1960)) à la suite du succès du film Ram Lakhan (1989). Elle connaît un succès grandissant avec Parinda (1986) puis Dil (1990), film pour lequel elle obtient le Filmfare Award de la meilleure actrice avant de tourner le film Beta (1992) qui obtient 4 Filmfare Awards, dont ceux de la meilleure actrice pour Madhuri et du meilleur acteur pour son partenaire, Anil Kapoor. Karisma Kapoor qui interprète la première danseuse de Rahul, appartient à une grande famille du cinéma Bollywoodien et est la petite fille de l’acteur, producteur et réalisateur Raj Kapoor, la fille de Babita et de Randhir Kapoor, deux acteurs de Bollywood. Ces principaux succès sont Raja Hindustani en 1996, Dil To Pagal Hai en 1997 et surtout Fiza en 2000. Ce trio d’acteurs de qualité constitue une distribution de choix pour figurer dans Dil To Pagal Hai l’un des films les plus intéressants de Yash Chopra qui y prend acte de l’évolution de la société indienne depuis l’époque de
Kabhi Kabhie (1976).
On y retrouve donc un mélange des vieilles recettes des films romantiques bollywoodien auxquels
Yash Chopra nous a habitué et une actualisation des costumes, chorégraphies, rythmes musicaux et des modes d’expression de la rencontre amoureuse notamment. Dans Kabhi Kabhie (1976), les sentiments étaient contrariés car les mariages souvent arrangés sans aucun espoir de se dérober au destin amoureux décidé par les parents, dans Dil To Pagal Hai (1997) la situation a déjà beaucoup évolué et les amours sont contrariés surtout par l’envie de faire plaisir aux parents, comme si il restait un complexe découlant du mariage arrangé ancienne mode tandis que dans
Saathiya (2002) le poids de la famille opposée au mariage de Aditya et Suhani provoquera leur fuite hors du cocon (du carcan ?) familial afin de pouvoir vivre leur amour, marquant ainsi la rupture entre la tradition et la modernité qui laisse aux enfants la possibilité de choisir leurs partenaires. D’une certaine manière
Veer-Zaara (2004) va beaucoup plus loin en permettant cette fois l’existence d’un couple mixte où les deux amoureux n’ont pas la même nationalité et la même religion mais résiste à tout, y compris au temps qui passe, à la pression sociale du mariage arrangé et surtout aux différends politiques entre L’inde et le Pakistan.
Avec ses ballets modernes accompagnés de la musique très efficace de Uttam Singh et des chorégraphies dynamiques digne d’une vraie comédie musicale, sa jeunesse proche de celle des pays occidentaux dont elle arbore à peu près les mêmes artifices et gadgets, la voiture branchée de Rahul, les vêtements de sports en tissus synthétiques ou la fête de la Saint Valentin que Pooja prépare en se rendant dans un magasin, Dil To Pagal Hai révèle la contemporanéité d’au moins une partie de la jeunesse indienne. Il est certain que le mode de vie décrit dans Dil To Pagal Hai correspond à une catégorie aisée de la population, peut-être est-ce un reflet de la vie de l’élite du monde du spectacle indien à laquelle appartient Yash chopra. De nombreux autres indices témoignent sinon de l’ouverture de l’inde à la culture occidentale et mondialisée, de son attrait pour certaines manifestations de l’occident. On peut à ce titre voir une grande reproduction lumineuse d’un paysage montagneux enneigé(144mn) qui fait beaucoup penser à ceux des alpes suisses, que
Yash Chopra a introduit dans l’iconographie des films bollywoodiens, produisant par là une sorte d’exotisme renversé d’un point de vue d’occidental. Les tournages se succèdent ainsi en Europe depuis quelques années pour ramener les fameuses et exotiques images de paysages montagneux.
Verdict :
Si vous aimez les films bollywoodiens qui savent vous enivrer de musiques, de chorégraphies et de couleurs chatoyantes pour dépeindre des histoires d’amours dignes des plus grands drames romantiques, Dil To Pagal hai devrait vous plaire d’autant qu’il s’agit d’une réalisation de yash Chopra, un des maîtres du genre. La présence de Shah Rukh Khan est plutôt un bon signe compte tenu de son expérience d’autant que les actrices Madhuri Dixit et Karisma Kapoor remplissent parfaitement leurs rôles respectifs dans ce mélodrame qui explore les pistes de la comédie musicale hollywoodienne contemporaine.