Resident Evil 4, c’est avant tout un pari fou de la part de Capcom. Alors que l’éditeur est mondialement connu pour ses suites interminables n’apportant que quelques options par-ci par-là d’un épisode à l’autre, Capcom décidait de revoir totalement son survival-horror. Il faut dire que celle-ci commençait à s’essouffler avec un Resident Evil 0 sympathique mais qui ne révolutionnait aucunement le genre et des deux épisodes de Resident Evil Outbreak dont la sortie en Europe fut un véritable fiasco car amputés du mode en ligne.
Capcom devait donc réagir et Shinji Mikami, le réalisateur de la série (et du présent épisode) le fit de la plus belle des manières, n’hésitant à repenser totalement la saga tout en conservant l’esprit du jeu. Si Resident Evil 4 est beaucoup moins impressionnant aujourd’hui, le plus beau titre de la Game Cube (avec Twilight Princess) demeure très efficace encore maintenant. Comme souvent sur les portages Wii, il ne faut pas s’attendre à une évolution graphique. Resident Evil 4 n’échappe pas à la règle. Tant pis.
Révolution
Dès son introduction (l’une des plus mémorables de l’histoire du jeu vidéo), Resident Evil 4 prend le joueur à la gorge et le plonge directement dans le feu de l’action pour ne quasiment jamais le relâcher. Premier gros changement, la série opte pour une nouvelle vue, entre celle à la troisième personne et la vue subjective. La caméra se place en fait au-dessus de l’épaule droite de l’agent spécial Leon S. Kennedy, envoyé par le gouvernement pour localiser, récupérer et ramener Ashley, la fille du président des Etats-Unis, repérée quelque part en Europe. Fini les angles de caméra (parfois irréalistes) où les zombies attendent patiemment le joueur hors champ. On aurait pu croire que l’on perdait là une partie de ce qui faisait le sel de la série (la peur de changer d’angle) mais la nouvelle vue adoptée par le titre conserve in fine parfaitement cet aspect puisque le joueur est cette fois-ci totalement dans la peau du personnage qu’il contrôle et est donc réduit à son seul champ de vision.
Aucun temps mort
Tel un reporter de guerre, le joueur se retrouve dans une forêt sinistre à l’ambiance poisseuse. Très vite, l’agent fait la connaissance d’un autochtone peu accueillant qui l’oblige à lui tirer dessus. D’autres villageois vociférants des insultes dans un patois local approchent rapidement et le joueur se sent alors rapidement assiégé. Il n’y a pas d’autres choix que de tirer sur tout ce qui bouge pour s’en sortir vivant. L’action est dynamique, furieuse, incessante et jouissive. Le village rencontré au bout de quelques minutes de jeu est un terrain de jeu incroyablement riche où le joueur est constamment sollicité par ses habitants. Leon peut heureusement grimper un peu partout pour se cacher ou se trouver un meilleur angle de vue mais jamais le joueur ne se sentira totalement à l’abri. On est constamment aux aguets, à l’affût, prêt à sauter à travers une fenêtre pour se sortir d’un sale guêpier. Le décor est un modèle du genre et contribue à plonger le joueur dans une région rurale crasseuse, boueuse, bref, tout sauf accueillante.
Hommage au cinéma
Disons le tout net, les deux premiers chapitres de Resident Evil 4 sont les meilleurs. La plongée asphyxiante, l’action d’une rare intensité et la folie des villageois rendent l’expérience unique. Un passage inspiré du cinéma de Romero est anthologique, à savoir lorsque les personnages du jeu se retrouvent enfermés dans une petite maison, entourés de tous les villageois qui pénètrent petit à petit par les fenêtres du bâtiment. Les clins d’œil au cinéma d’horreur et plus particulièrement à la série B sont d’ailleurs nombreux, de Peter Jackson à John Carpenter en passant par Tobe Hopper sans jamais que le titre ne perde de sa singularité. Ces clins d’oeil s’étendent aussi au jeu vidéo avec l’utilisation de Quick Time Event (Shenmue) et d’une sorte de codec à la Metal Gear Solid utilisé ici à des fins scénaristiques uniquement, comme les talkies-walkies pouvaient l’être dans les précédents épisodes. Resident Evil 4 partage d’ailleurs avec la série de Hideo Kojima, cet amour pour un certain cinéma, de la série B à la grosse production hollywoodienne.
Soyez rassurez, si les deux premiers chapitres sont proches de la perfection, le reste de l’aventure, bien que légèrement plus faible, demeure incroyablement prenante et au-dessus de la majorité de tout ce que l’on peut voir sur le marché. Certaines scènes sont par ailleurs sublimes comme ce passage dans le labyrinthe du château ou la séquence où le joueur est propulsé dans la peau sans défense de la jeune Ashley. Sur la fin, le titre renoue avec la jouissance des deux premiers chapitres dans un final toujours à la limite de l’abracadabrant. Le scénario n’est à ce propos pas le point fort du titre avec une histoire qui peine à se relier avec les précédents épisodes. De même, la secte religieuse présente dans le jeu n’est pas forcément du meilleur goût avec des moines qui semblent avoir pris des cours de maquillage avec Dark Maul de Star Wars. Peu importe au final, seule l’action non stop intéresse Mikami et de ce point de vue, Resident Evil 4 est simplement un modèle du genre.
Une maniabilité parfaitement intégrée
Un mot sur la jouabilité qui reste l’unique nouveauté apportée par cette version. Le passage à la Wiimote s’effectue ainsi sans problème. Mieux encore, il apporte une touche de réalisme très appréciable et rend l’expérience encore plus prenante. A l’aide du pointeur et d’une cible agrandit pour l’occasion, le joueur peut tranquillement ajuster l’ennemi pour effectuer des headshots mortels. Le jeu devient même plus précis que l’original et certains passages un peu difficiles deviennent dès lors plus aisés. En outre, la position des commandes est remarquablement répartie entre le Nunchuk et la télécommande de la Wii. Il suffit d’un court temps d’adaptation avant d’avoir totalement assimilée la maniabilité du titre et prendre un immense plaisir.
Il est rare de voir des séries oser repenser entièrement leur gameplay pour redorer le blason d’une saga qui commençait à se répéter et s’épuiser. Resident Evil 4 en fait partie. Terminé les chargements entre chaque porte, dorénavant Leon a la possibilité de les ouvrir à grand coup de pied pour surprendre l’adversaire. Un geste plein de sens qui montre le tournant pris par la saga qui en a fini avec ses vieux démons. Et si cet épisode Wii n’apporte pas grand-chose par rapport aux autres versions, celui-ci reste néanmoins le plus complet grâce à sa nouvelle jouabilité. Peut-être un peu juste pour ceux qui ont déjà joué au titre, Resident Evil 4 n’en demeure pas moins l’un des plus grands titres de l’histoire du jeu vidéo.
Si on ne constate aucune évolution entre la version Game Cube et celle sur Wii ici, le titre fait pourtant bonne figure sur la dernière née de Nintendo. Bien sûr, face aux derniers jeux nouvelle génération, le titre ne fait pas le poids mais Resident Evil 4 reste une valeur sûre dont on apprécie l'ambiance. Les décors ruraux sont d'un fort réalisme et les textures d'ensemble sont très travaillés.
Comme toujours dans cette série, l'environnement sonore joue un grand rôle pour insuffler frayeur et sursaut aux joueurs. Les cris des villageois au loin, le sifflement du vent, les hurlements des monstres en tous genres ainsi que la voix des différents protagonistes, tout est très bien rendu et contribue à l'immersion du joueur.