L’histoire :
Duo sanglant, Martha Beck et Raymond Fernandez dépouillent et tuent des femmes rencontrées par le biais des petites annonces.
Critique subjective :
Initialement réservée à Martin Scorsese (qui sera remplacé au terme d’une semaine de tournage pour cause de choix formels vivement désapprouvés par la production), la réalisation des Tueurs de la lune de miel (The honeymoon killers) finira par échoir à Leonard Kastle, dont ce sera l’unique long-métrage. Fraîchement accueilli au moment de sa sortie (surtout aux Etats-Unis), le titre sera progressivement reconnu, allant même jusqu’à décrocher, des années plus tard, ses gallons de film majeur du cinéma indépendant US des seventies.
A l’origine du film, il y a une histoire vraie : celle de Martha Beck et Raymond Fernandez. Un couple sanglant (phénomène rare) qui tuera une vingtaine de femmes entre 1947 et 1949. Après avoir reconnu trois meurtres, les amants homicides seront condamnés à mort, puis exécutés le 8 mars 1951 sur la chaise électrique de la prison de Sing Sing. Documenté, le scénario de Honeymoon killers reprend cette sombre histoire en jouant la carte de l’authenticité.
Infirmière obèse et acariâtre, Martha Beck (Shirley Stoler, plus vraie que nature) vit avec sa vieille mère gâteuse et rêve du Prince charmant. Ray Fernandez (Tony Lo Bianco, habité) est un Don Juan de pacotille doublé d’un être pétri de roublardise. Menteur invétéré et arnaqueur à la petite semaine, il a pour terrain de chasse les annonces matrimoniales, qui lui permettent d’escroquer veuves et femmes célibataires. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Martha, mais les choses ne vont pas tourner comme d’habitude. Elle est folle de lui, il finit par s’éprendre d’elle. Lorsque Ray lui avoue ses honteuses activités, Martha s’accroche tout de même, épouse Ray puis l’aide à perpétrer ses forfaits, l’accompagnant désormais en se faisant passer pour sa sœur. Une mécanique inexorable se met en place, l’union Beck / Fernandez sera terrible (les proies sont dorénavant tuées après avoir été dépouillées). La liaison va exacerber le côté trouble de la personnalité de chaque individu (dont aucun n’a commis un meurtre auparavant), et particulièrement celle de Martha Beck, véritable ogresse désagréable et irascible. Jalouse aussi, plus que tout. Difficile, dès lors, de participer à ces escroqueries qui la poussent à voir celui qu’elle aime feindre l’amour envers d’autres femmes.
Formellement, Leonard Kastle opte pour une réalisation naturaliste qui évoque souvent certains documentaires de l’époque. Démarche payante. Noir et blanc cru, parfois volontairement surexposé. Musique utilisée ponctuellement, avec parcimonie. A noter que les meurtres n’occupent pas la place principale, Kastle préfère travailler l’ambiance, jouant habilement sur la durée des scènes. La longueur d’avance qu’a le spectateur par rapport aux victimes est parfaitement exploitée. La naïveté de certaines proies nous apparaît d’autant plus dramatique. Prenant.
Verdict :
Récit à la fois clinique et immersif d’une folie à deux (Beck et Fernandez ont été déclarés sains d’esprit par les experts), Les tueurs de la lune de miel s’impose comme un film marquant dont la réputation est loin d’être usurpée.
- Entretien avec Stéphane Bourgoin (33 minutes) : Un supplément complet et très éclairant dans lequel Stéphane Bourgoin revient notamment sur le contexte de l’époque, la vie des deux personnages avant leur rencontre et les qualités du métrage. Instructif et captivant.
- La filmographie de Tony Lo Bianco.
- La filmographie de Shirley Stoler.
- La bande annonce (2 minutes).