Héros à
vendre suit le cheminement chaotique de Tom Holmes (Richard Barthelemess),
homme de principes et d’honneur, depuis la première guerre mondiale, jusqu’à la
grande dépression. Blessé sur le front, il devient rapidement dépendant à la
morphine lors de sa convalescence et doit faire face comme beaucoup à la misère
sociale de la crise de 1929.
Au début des
années 30, avant qu’Hollywood ne s’impose le respect d’un code de censure,
régissant la production des films, l’attitude libertaire de l’époque se
reflétait au cinéma. Nudité, adultère, prostitution ou encore référence à la
mafia fleurissent sans contrainte sur les écrans. En 1934, l’établissement d’un
bureau spéciale de censure met fin à « l’ère Pré-code ». La
collection « Forbidden Hollywood » regroupe ces films inédits et en
avance sur leur temps. A l’image de ce « Héros à vendre » de William
A. Wellman (Une étoile est née).
Ce
réalisateur atypique, faire figure de proue dans cette période de Pré-code,
tant son cinéma se définit par une mise en lumière quasi systématique de
personnages, masculins ou féminins confrontés aux situations désespérées, mais
aussi par un regard sans concession sur un pays qui tentait de se forger une image
pure et quasi sans tâche. Toute la carrière de ce réalisateur fut de traiter de
sujets douloureux même lorsqu’il traitait d’un genre patriotique comme le
western. En effet, William A. Wellman fut l’un des premiers à aborder le sujet
des indiens que l’on affamait dans les grandes plaines d’Amérique, ou encore le
scandale des « Lynchages » dans un pays encore très marqué par la
ségrégation et ainsi de suite.
Dans
« Héros à vendre », le réalisateur plonge le spectateur dans la
souffrance d’un homme revenu du front blessé, qui pour supporter sa douleur se
retrouvera accros à la morphine, dans un pays dont les blessures ne cessent de
se creuser au profit des plus riches, pas forcément les plus courageux. Tom
Holmes est un homme meurtris, qui va se battre pour ses principes, comme pour
expier ses fautes, quitte à se laisser dériver de tous les côtés. Wellman
parsème son œuvre de références à une société qui se sent ou qui ne veux pas se
sentir utile à sa population criant famine. On y voit les rafles de personnes
soupçonnées de communisme, l’errance de ces hommes qui ont tant donné à la
nation se perdre pour s’abriter sous un pont de chemin de fer, une police et
une justice qui préfère la répression aveugle, plutôt que d’affronter la misère
sociale qui grandit. Tom Holmes est l'exemple que l'Amérique devrait suivre, mais qui n'est jamais suivit.
L’œuvre de
William A Wellman a cela d’impressionnant qu’elle dénote réellement avec les
grands classiques de l’époque si proprement réglés. Les acteurs ne font pas
dans le tragique théâtrale, les répliques suffisent à faire comprendre le
décalage si énorme de cette société de 1930, qui n’hésite pas à faire passer le
profit avant le social (Tiens, c’est bizarre, cela me rappelle quelque
chose ?).
En
conclusion, « Héros à vendre » est un film magistral à découvrir pour
la qualité de son interprétation, la surprise de son scénario particulièrement
sévère avec son époque. Et peut aussi un film à voir pour réaliser que notre
belle société actuelle est en train de rejouer les mêmes scènes qu’à l’époque
de William A. Wellman.