Ils vont de ville en ville, un chapiteau sur le dos, leur spectacle en bandoulière. Dans nos vies ils apportent le rêve et le désordre. Ce sont des ogres, des géants, ils en ont mangé du théâtre et des kilomètres. Mais l’arrivée imminente d’un bébé et le retour d’une ancienne amante vont raviver des blessures que l’on croyait oubliées. Alors que la fête commence !
Pour son deuxième long métrage, la réalisatrice Léa Fehner a puisé dans ses souvenirs d’enfance lorsque ses parents, dans les années 90, ont décidé d’intégrer une troupe de théâtre itinérante et par conséquence de vivre pleinement une vie de saltimbanques. Un microcosme bruyant, dans lequel chacun vit pour l’art qu’il défend et laisse ses sentiments aux partages de l’ensemble de la troupe. Car, si le spectacle est, bien évidemment, sur la scène, il se passe également derrière le rideau, mais si la scène vibre aux accords des comédies en tout genre, parfois dans les coulisses, c’est une tragi-comédie qui opère.
Car tout le monde vit dans une bulle artistique où la création ne fait pas que donner corps aux œuvres, elle ouvre également la porte aux ambitions freinées, quand elles ne sont pas frustrées, il y a la vie qui vient plomber les instants d’obstacles intimes et personnels parfois difficiles à partager, mais dans le cadre d’une troupe itinérante, rien ne reste secret bien, longtemps et si tout le monde est là pour tout le monde, traverser une épreuve peut également s’avérer tout aussi éprouvant.
Aidée de Catherine Paillée (La belle vie) et de Brigitte Sy (Vie Sauvage), eux scénaristes déjà spécialistes des peintures de personnages complexes enfermés dans leurs propres ambiguïtés, Léa Fehner puise dans un monde qu’elle a connue et qu’elle a fuit en allant faire du cinéma. Une fuite qui lui a permis de mieux comprendre cette micro société dans laquelle rien n’est totalement comme ailleurs et où les paradoxes sont à la hauteur de l’énergie qui déboule sur scène avec souvent une rare intensité. En ressort un scénario à la redoutable efficacité, qui puise dans toutes les nuances d’une existence de bohème et ne leur épargne rien pour mieux faire ressortir toute celle dualité qui entoure ces gens qui dévorent la vie à pleines dents, mais dont les sentiments peuvent être broyés avec autant d’énergie, d’où le titre choisit par la réalisatrice.
Avec une mise en scène qui se laisse porter par son sujet et qui va chercher des inspirations du côté d’Emir Kusturica de « Chat Noir, Chat Blanc » ou encore « La vie est un miracle », la réalisatrice signe une œuvre aboutie en bien des points et totalement en accord avec son sujet. La caméra virevolte au rythme effréné de ses héros et s’arrête brutalement lorsque le doute s’installe dans l’esprit de l’un ou de l’autre, pour mieux en capter les effluves.
En conclusion, « Les Ogres » est une plongée intelligente dans les coulisses d’une troupe de théâtre itinérant, avec une mise en scène très empreintée à Emir Kusturica et un scénario magnifiquement écrit par une réalisatrice et ses coscénaristes qui a su puiser dans ses souvenirs et dans la compréhension de ses personnages.
Pour se différencier de ce qu’il se fait d’habitude,
le livret fait office de making of, et regorge d’informations passionnantes sur les dessous du scénario, de la réalisation et de toute les facettes du sujet qui inspira la réalisatrice. C’est passionnant !
Puis
trois scènes commentées par la réalisatrice pour mieux comprendre ses choix narratifs et scénaristiques.