Pour sauver l’homme qu’elle aime de la prison, Mathilde prend sa place en lui permettant de s’évader. Alors que sa survie en milieu carcéral ne dépend que de lui, Mathilde n’en reçoit plus aucune nouvelle. Isolée, soutenue uniquement par son fils, elle répond désormais au numéro d’e´crou 383205-B. Mathilde deviendra-t-elle une taularde comme une autre ?
La réalisatrice Audrey Estrougo sait filmer les femmes comme personne. Elle nous l’a prouvé maintes fois, notamment à travers des films qui avaient pour point commun de chercher à comprendre les tourments de ces héroïnes qu’elles soient sentimentalement légères comme dans une comédie musicale ou beaucoup plus sombre dans un film tel que « Regarde moi », son premier film. Il y a toujours beaucoup à apprendre dans un film d’Audrey Estrougo, et pas seulement à la surface, il faut toujours aller chercher plus loin, car dans son œuvre on y apprend la solitude des sentiments, le combat d’une vie, l’acceptation de la différence et les choix qui feront cette même différence.
Dans « La Taularde », la réalisatrice pousse son héroïne à se sacrifier contre l’avis de tous et à accepter des conditions particulièrement difficiles pour que naisse enfin la vérité qu’elle revendique : L’amour. Ici, Mathilde refuse de livrer son mari, dont on comprend très vite qu’elle est follement amoureuse et qu’elle ne cherche qu’à le protéger en étant sûr de son intégrité. Mais cette aventure, aussi dure soit elle, va pousser l’héroïne dans des recoins de sa personnalité qu’elle ne soupçonnait absolument pas, passant de la violence, du rejet, à l’acceptation, au sacrifice, à la révolte presque aux confins de la folie.
Et c’est bien toute l’intelligence du scénario et de la mise en scène que de mettre en lumière tout ces changements qui vont s’opérer, physiquement, mentalement et surtout psychologiquement chez cette héroïne, qui ne veut rien de plus que sauver l’amour de sa vie. L’amour un peu innocent du danger, celui d’une femme qui refait sa vie avec un mauvais garçon pour le côté grisant de l’aventure mais qui se retrouve finalement prise au piège de sa détermination et de ses sentiments. Jamais vraiment dans le misérabilisme, la réalisatrice signe avec Agnès Caffin (La Fille du patron), un scénario sensible et intelligent que ne se limite pas aux caricatures d’usage, ni ne survole le sujet. On sent une implication réelle et une volonté de montrer au plus prêt l’univers carcéral féminin avec ses codes, ses violences, et ses dérives. Car dans une prison, il n’y a pas que les détenues, il y a également des surveillants à leur place ou non, réfractaires ou sensiblement en difficulté. La réalisatrice, ne cherche pas à identifier des méchants et des gentils, la prison est un univers où tout le monde, sans exception en sort blessé, pour ne pas dire meurtris. Un lieu clos où tout peut arriver, le pire et parfois le meilleur, le désespoir et son contraire. Et pour mieux nous imprégner de cette souffrance et de cette déconstruction qui s’opère lentement mais surement, la réalisatrice joue clairement la carte des ambiances avec des sonorités marquées qui plongent littéralement le spectateur au cœur de la cellule.
Et puis il y a une distribution particulièrement convaincante. A commencer par
Sophie Marceau (La Boum) toute en force et en nuance. Alors que l’actrice peut parfois décevoir dans des sujets qui ne semblent pas vraiment lui convenir, comme dans certaines comédies par exemple, elle est ici tout en justesse, en force et en nuances. Dans cette obstination qui rend son personnage énigmatique, la comédienne en tire une prestation remarquable en tous points. Face à elle des comédiennes toutes en nuances également, en force ou en retenue qui viennent assurer la relève de ce que sera le cinéma dans les quelques années à venir, à l’image de notre société : pluriculturel. Et c’est tant mieux, car quels que soient leurs âges, leurs générations, ou leurs origines culturelles, toutes les actrices sont brillantes de justesse et donne toute la tonalité nécessaire au film pour nous plonger dans un sujet difficile.
En conclusion, « La Taularde », nous offre l’un des films les plus aboutis sur l’univers Carcéral. Le scénario a l’intelligence de traiter tout en nuance ce sujet et surtout de ne pas rentrer dans les caricatures d’usage mais d’exploiter l’expérience engagée de la réalisatrice pour en sortir un film juste, violent et sensible.