Karim, un pianiste de talent, a l’opportunité unique de passer une audition à Vienne. La guerre en Syrie et les restrictions imposées bouleversent ses projets et la survie devient un enjeu de tous les jours. Son piano constitue alors sa seule chance pour s’enfuir de cet enfer. Lorsque ce dernier est détruit par l’Etat Islamique, Karim n’a plus qu’une idée en tête, trouver les pièces pour réparer son instrument. Un long voyage commence pour retrouver sa liberté.
« Le Dernier Piano » fait partie de ces œuvres dont on a envie de penser beaucoup de bien, notamment parce qu’il met en lumière les dérives de cette guerre qui nous semble si lointaine et pourtant si proche et qui nous rappelle à quel point l’extrémisme religieux et le totalitarisme sont est un cocktail explosif pour les populations qui en sont les premières victimes. Des peuples qui ne comprennent souvent pas quels les sont les réels enjeux du conflit, notamment la conservation du pouvoir par son dictateur et l’imposition d’un obscurantisme pour s’accaparer un pseudo-pouvoir lié à la violence.
Issu d’un projet de fin d’étude, « Le Dernier Piano » est inspirés de faits réels mais ne raconte pas une histoire précisément arrivée. Le réalisateur Jimmy Keyrouz, qui signe là son premier long métrage, a voulu, avant tout, parler de ce fait connu dans la loi des talibans que d’interdire la musique, alors qu’il n’y a aucun sens à l’interdire, tant cet art est d’un pacifisme évident. La musique est le vecteur de l’âme, elle agit comme un pansement sur les esprits et permet d’absorber un peu les peines et les douleurs. Comme dans cette scène d’ouverture, où un blessé est amené au milieu des habitats et que le médecin demande à Karim de jouer afin d’apaiser le patient. La musique amplifie les émotions et apaise. Le scénario, en ce sens est une réussit, car il met totalement l’accent dessus. Les habitants qui vivent dans la terreur des exactions des membres de l’Etat Islamique se raccroche à la reconstruction par son propriétaire de ce piano, si nécessaire à leur survie, mentale en tout cas.
Mais malheureusement, il pêche parfois lorsqu’il part sur le terrain de la confrontation entre le héros et celui qui est présenté comme le chef du groupe Islamique, par un traitement parfois trop « Américain », avec les regards appuyés, et les personnages secondaires qui viennent apporter un peu de légèreté ou la peinture de cet enfant qui cherche son père et est prêt à se damner pour le retrouver. Le réalisateur, qui a également signé le scénario, se laisse aller parfois à la facilité, particulièrement dans les rapports qu’entretiennent le héros et l’enfant. Y compris dans le dénouement qui sent, presque la happy end téléphonée alors que nous aurions préféré un traitement peut-être plus sombre pour coller, semble-t-il à la réalité, sans pour autant en oublier l’espoir.
Tourné majoritairement au Liban, le réalisateur a tenu a reconstruire, en s’appuyant sur des photos et sur des documents l’état des villes en Syrie, afin de créer l’environnement de ses personnages qui évoluent dans un monde ou rien ne semble pouvoir pousser, si ce n’est l’espoir. Avec une maitrise évidente, le réalisateur offre quelques bons moments de grâce, comme le visage de ce vieil homme, au cœur d’une ville en ruine, seul qui n’attend personne et reste dans ses pensées, le contraste entre l’environnement et ce visage, ridé, mais fort est une des grandes réussites du film, que le réalisateur réitèrera de façon régulière.
Pour un premier film, « Le Dernier Piano » de Jimmy Keyrouz, n’est certes pas parfait, mais il a le mérite de lever un voile sur le quotidien difficile et tyrannique des habitants de Syrie, écartelés entre le régime répressif de Bachar Al Assad et l’obscurantisme violemment imposé de l’Etat Islamique.