Silencieuse depuis 25 ans, Astrid la femme d’un célèbre avocat voit son équilibre familial s’effondrer lorsque ses enfants se mettent en quête de justice.
Nous l’avons vu dans sa filmographie, Joachim Lafosse aime explorer les sentiments compliqués dans des situations tendues où chacun possède un jugement tranché, alors que le fond est bien souvent plus complexe. C’est après avoir découvert l’histoire de Victor Hissel (avocat des parents de Julie et Mélissa, deux petites victimes de Marc Dutroux) condamné à 10 ans de prison pour détention d’images Pédopornographiques. Son fils Romain, avait tenté d’assassiner son père ne supportant pas que ce dernier, figure de la lutte contre la pédophilie soit lui-même un pédophile. Mais ce que le réalisateur a choisi avant tout, c’est de parler de « La Honte » qu’éprouve les proches, après la culpabilité. La Honte de s’être tu, de n’avoir pas su voir ou réagir.
Sous la forme d’une critique de la Bourgeoisie, qui n’est pas très ouverte à la révolte et préfère laisser le couvercle sur la marmite, pour ne pas attirer les regards. Avec une mise sobre et sombre en même temps, avec des plans très serrés sur les personnages ou encore des profondeurs de champs qui tient le spectateur à distance, comme ces bruits que l’on entend, sans voir, mais qui font comprendre ce qui se trame, le réalisateur prend son temps pour construire son histoire et laisser naitre les contour d’un monstre, les premières ébauches d’un secret qu’Astrid aura gardé pendant plus de trente années er que sa fille Caroline, comme un véhicule servant à l’amener sortir de ce silence honteux. Frontal, mais jamais voyeuriste, Lafosse, laisse ses personnages évoluer en douceur pour mieux nous amener à nous identifier et à réfléchir à ce que le poids d’un secret, étouffé par le silence, peut provoquer dans une famille lorsque la vérité finit par éclater.
A une époque, où le cinéma est secoué par un #MeToo, plus que jamais déterminé à briser ce fameux silence, le film de Joachim Lafosse raisonne encore plus et la manière dont il impose un rythme lent, et dont il joue avec les codes de la bourgeoisie pour mieux aider à comprendre comment ce « Silence » a finit par s’installer pendant plus de trente années, fonctionne comme une lente respiration que l’on doit prendre avant de briser cette prison d la parole, dans laquelle nous pouvons être enfermé. Avec un scénario, finement écrit par le réalisateur lui-même assisté de ses co-scénaristes Thomas Van Zuylen (Les Chevaliers Blancs), Mathieu Raynaert (A Perdre la raison) Sarah Chiche, Valérie Graeven, Chloé Duponchelle et Paul Ismael, « Un silence » est une œuvre à la fois simple et complexe, qui pousse dans ses propres retranchements le spectateur, sans jamais chercher à le choquer par des images chocs, mais au contraire par la parole, les non-dits et les environnements sonores.
Et pour porter le film, le réalisateur a fait appel à deux acteurs qui poussent d’un seul coup encore plus haut l’étendue de leur talent : Emmanuelle Devos (Mascarade) et Daniel Auteuil (Adieu Mr Haffman). La comédienne joue tout en douceur et tout en nuance, cette femme qui tente plus tout de garder la tête haute en évitant de briser le silence, mais qui se retrouve subitement à devoir assumer la honte de la réalité et des conséquences de son silence. L’acteur quant à lui, brille dans un rôle tout en clair-Obscur, à la fois charmant et manipulateur, avocat de la cause des victimes et en même temps loup caché dans les bois. Jamais Devos et Auteuil n’avait atteint une telle qualité de jeu. Mais n’oublions pas que face à eux, il y a le jeune Matthieu Galoux ! Ce jeune acteur qui signe sa première participation devant une caméra, livre, ici, une prestation, parfois encore mal maitrisée, mais qui laisse apparaître un acteur de grand talent à venir.