Leila est restauratrice de meubles, Damien peintre. Ce couple qui fut passionnel, a un enfant, Amine, et tout pourrait très bien aller si Damien n’était pas la proie de compulsions incontrôlables, qui le poussent dans une frénésie d’actions et l’empêchent de dormir jusqu’à ce qu’il devienne évident qu’il faudrait qu’il se soigne…
Joachim Lafosse est un réalisateur atypique qui explore depuis plusieurs années les sentiments, les choses cachées, l’attirance, l’amour la douleur et toutes ces choses avouables ou non qui vont forger le parcours de chacun. A travers des œuvres comme « Nue-Propriété » en 2006, « Elève Libre » en 2008 ou encore « Les Chevaliers Blancs » en 2015, le réalisateur s’empare de sujets difficiles et nous amène çà réfléchir aux actions et aux personnages de ses films. Avec « Les Intranquilles », le réalisateur se penche sur une pathologie lourde et handicapante pour ceux qui en sont atteints mais également pour leur entourage : Le syndrome Maniaco-Dépressif.
Ici, Damien est peintre et souffre de ce mal insidieux qui le rend incontrôlable dés lors qu’il se trouve en crise et Leila est restauratrice de meuble et doit assumer la gestion souvent difficile de la pathologie de son mari et en même temps s’assurer de la sécurité de son enfant. Avec une caméra très proche des acteurs, le réalisateur vient piquer au vif les personnages, nous nous laissons porter par des personnages dont la souffrance est aussi intense pour le patient que pour l’entourage. Compréhensif ou pas, nous nous retrouvons au cœur d’une action dont on sent qu’elle peut à tout moment échapper au contrôle des uns et des autres. Il n’aura pas fallu moins de 6 scénaristes pour venir à bout de cette histoire où la complexité des sentiments peut mener à n’importe quelle conclusion. Juliette Goudot (Snowboarder), Anne-Lise Morin (Coyotes), François Pirot (Elève Libre), Chloé Léonil, Pablo Guarise et Lou Du Pontavic, une équipe de jeunes scénaristes sous la direction du réalisateur et de François Pirot qui vont disséquer les méandres d’une famille confronter en permanence à la maladie et ne jamais céder à la facilité. Bien au contraire, le scénario va permettre au réalisateur de montrer avec une précision d’orfèvre, a quel point la Bipolarité est handicapante et à quel point elle est source de stress pour l’entourage. Le réalisateur film au plus près, avec une dynamique qui se colle l’incontrôlable pathologie.
Et c’est surtout les prestations des deux acteurs principaux qui vient porter le sujet et lui donner corps. A commencer par Damien Bonnard (Les Misérables), dont la préparation fut digne de l’Actor’s Studio, avec mise en immersion pour mieux approcher le personnages et préparation physique pour mieux se transformer et ainsi dessiner un personnage précis. Et la prestation est hallucinante, le comédien se laisse porter par la pathologie de son personnage mais ne cherche jamais la surenchère et donne une gestuelle précise, que ce soit lorsqu’il peint (Il fut élève aux Beaux-Arts) ou lorsqu’il est en crise. Face à lui Leila Bekhti (Le Grand Bain) est toujours aussi magnifique de justesse et de précision dans un eu qui doit trouver la subtile alchimie entre colère, renoncement et passion. La comédienne est devenue maitre en la matière, lorsqu’il faut jouer la fine frontière entre colère et amour, détresse et force.
« Les Intranquilles » de Joachim Lafosse c’est une plongé en apnée dans l’univers de la Bipolarité. Une pathologie handicapante qui peut avoir de graves conséquences sur la personne atteinte, évidemment, mais surtout sur leur entourage. Le réalisateur Joachim Lafosse, filme de près et sans concession un couple aux prises avec la maladie. Porté par un scénario intelligent et des comédiens au meilleur de leur art, il parvient avec justesse à nous aider à comprendre à quel point cette maladie et un sujet qui devrait être au centre de bien des débats et à quel point l’entourage peut-être démuni, face à ce mal insidieux.