L'histoire :
Le film consiste en un portrait spectaculaire, magique, en action et en temps réel, de Zinédine Zidane donnant au spectateur le sentiment d’être placé sur le terrain aux côtés du joueur. Cette expérience jamais menée auparavant, mobilise 17 caméras synchronisées, placées tout autour du stade et toutes focalisées sur Zidane, à l’occasion d’un match au stade Santiago Bernabeu de Madrid, opposant le Real Madrid au Villarreal. Un projet unique qui associe des talents de réputation mondiale comme le directeur de la photograhie Darius Khondji (Seven, The interpreter), le mixeur Tom Johnson (King Kong, Charlie et la chocolaterie) ou encore le monteur Hervé Schneid (Amélie Poulain, Alien-Résurection).
Critique artistique :
Quand l’artiste anglais
Douglas Gordon et l’artiste français Philippe Parreno, décident de s’intéresser à une icône du football, on peut s’attendre à beaucoup de choses et en particulier à un portrait filmé de Zinédine Zidane réalisé à l’aide de 17 caméras synchronisées (15 en 35 mm pour la projection scope et 2 caméras spéciales en Haute Définition), placées tout autour du stade et toutes focalisées sur le footballeur, à l’occasion d’un match (le 23 avril 2005) au stade Santiago Bernabeu de Madrid, opposant le Real Madrid au Villarreal. Le projet reste cohérent pour les deux artistes qui ont émergé au début des années 90 avec des problématiques très souvent liées au cinéma et à la vidéo. En effet Douglas Gordon, artiste vidéaste à ses débuts a signé notamment 24 Hour Psycho (1993), une projection sur grand écran placé au milieu d’une salle, de
Psychose de
Alfred Hitchcock ralenti jusqu’à duré 24 heures. Il a par ailleurs reçu deux prix très importants du monde de l’art : le
Turner Price et le
prix Hugo Boss qui avaient été attribués pour la première fois au sculpteur américain
Matthew Barney. De son côté Philippe Parreno a co-réalisé Le Pont du trieur (1999), un film documentaire et participé au projet vidéo Ann Lee, personnage en 3D animés successivement par différents artistes (Philippe Parreno -
Pierre Huyghe -
Dominique Gonzales Foerster) pour produire une séquence animée intitulée Anywhere out of the World (2000).
Le portrait d’un footballeur exceptionnel repose sur un dispositif exceptionnel mobilisant lui-même une Dream-team technique composée de quelques professionnels de l’image parmi les plus éminents. On compte Darius Khondji, le directeur de la photographie auquel on doit la photographie de quelques très beaux films (Delicatessen (1991), La Cité des enfants perdus (1995), Seven (1996), Alien, la résurrection (1997) et très prochainement,
My Blueberry Nights (2007), le prochain film de
Wong Kar-wai), le montage a été réalisé par Hervé Schneid, monteur fidèle sur différents films de
Jean-pierre Jeunet (Alien résurrection (1997), Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001),
Un long Dimanche de fiançailles(2004)) et l'atmosphère sonore a été supervisée par Tom Johnson, lauréat d'un Oscar pour Titanic (1997), entouré de Randy Thom (
Les Indestructibles(2004)). Les réalisateurs sont des artistes contemporains réputés internationalement et ont par conséquent souhaité préparer cette équipe de telle sorte qu’elle puisse produire des images qui dépassent le registre de l’image du documentaire et du cinéma. A cet effet, une visite particulière et privée du
musée du Prado (grand musé espagnol situé à Madrid où se trouve la plus importante collection de la peinture espagnole du monde) a été organisée afin que l’équipe technique puisse s’imprégner d’un ensemble de références de l’histoire de l’art. Leur attention s’est portée sur les peintures noires de Goya avec la volonté de donner l’impression qu’en dépit d’un tournage en temps réel, le spectateur ne serait pas en train de suivre un événement mais de l’inventer.
A l’occasion d’une réunion informelle organisée par Olafur Eliasson (artiste islandais) et Hans Ulrich Obrist (curator) à Eidar en Islande, le producteur Sigurjon Sighvatsson et les deux artistes qui travaillaient déjà sur un projet d’un film sans narration avec l’objectif d’en faire une installation, décidèrent de réaliser un long-métrage projeté en salles. Le format du long-métrage s’est imposé d’abord sous la forme d’un tournage effectué avec autant de caméras qu’il y a de spectateur soit près de 80 000 caméras. Face à l’énormité d’un tel dispositif logistique, l’équipe s’est rabattue vers le projet que nous connaissons. Le tournage a duré le temps du match mais le montage a duré neuf mois à cause de la masse des rushs à visionner et sélectionner. A propos de cette multitude de points de vue Philippe Parreno évoque Pier Paolo Pasolini qui expliquait que la meilleure façon d’enregistrer du réel est de multiplier à l’infini les points de vue subjectifs autour de l’événement. C’est la raison pour laquelle ils ont cherché à filmer Zidane à 360 degrés autour du stade tout en se rapprochant le plus possible de lui afin d’en faire des gros plans à l’aide des deux caméras HD et de leur puissants zooms construits par Panavision pour l’armée américaine. Le résultat est assez inhabituel et Zidane a été ému la première fois qu’il a vu le film en déclarant : ”Quand je me vois, je vois mon frère”. Il ne s’agit pas d’un film où évolue un acteur mais d’un portrait ce qui met mal à l’aise même les plus grands acteurs surtout quand son image est confrontée à celle de l’actualité internationale.
Même si ce film ne constitue pas la première apparition de Zinedine Zidane au cinéma puisqu’on l’avait déjà vu brièvement dans Goal ! : naissance d'un prodige en (2005) (prochainement dans Astérix aux jeux olympiques (2008)), le footballeur a simplement joué son match comme à l’habitude. En dépit d’une victoire des madrilènes par le score de 2 buts à 1, Zinedine Zidane n'a marqué aucun des deux buts inscrits par ses co-équipiers Ronaldo (à qui il fait pourtant une passe décisive) et Michel Salgado. Comme l’explique Zinédine Zidane dans les bonus il aurait souhaité vivre un match beaucoup plus glorieux durant lequel il aurait pu marquer des buts mais le jeu est par essence imprévisible. Non seulement Zidane n’a pas inscrit de but mais il a été exclut prématurément du jeu par carton rouge. Cette issue lui fait dire que finalement il y a eut de tout dans ce match ce qui a peut-être profiter au film en lui donnant une dynamique plus dramatique voire tragique. Il est d’ailleurs étrange de constater que sa sortie de ce match espagnol ressemble à celle plus dramatique lors de son dernier match en finale de coupe du monde 2006, probablement plus lourde de conséquence bien qu’il soit hasardeux de penser que cet épisode ait pu à lui seul signer la défaite de la France face aux italiens.
Si Douglas Gordon affirme que le silence du portrait est très important, il est de manière paradoxale et complémentaire assez surprenant d’écouter le bruit qui cerne le carré vert où les footballeurs évoluent. Sur le carré vert, une scène baignée de lumières et cernée de cris d’une foule galvanisée, parfois amie, souvent féroce, un théâtre des opérations met en scène un homme que l’on voit courir, appeler, cracher, jurer, provoquer, parfois rire, souvent à l’affût le plus près et le plus longtemps possible du but adverse. Zinédine Zidane confie que quand tout se déroule bien il lui arrive de ne pas faire attention à la foule, de ne plus l’entendre ce qui révèle le niveau d’attention que consacre le joueur à son sport dans l’action. En revanche, il dit parvenir à entendre des sons aussi singulier d’un bruit de chaise, une discussion entre deux spectateurs, des bruits faibles par rapport au vacarme ahurissant entretenu par la foule du stade quand la situation du jeu se dégrade. Ce que Zidane, un portrait du 21ème siècle nous apprend concerne la psychologie du joueur en phase de jeu que des sous-titres citant des paroles de Zidane viennent appuyer. Au commencement, un type s’amuse avec un ballon, bientôt d’autres veulent savoir ce qu’il se passe dans sa tête et se mettent à échafauder des théories. Certains comme Douglas Gordon pensent qu’il s’économise, d’autres encouragent le joueur en portant son maillot tandis que ceux qui lèvent la tête pour le voir évoluer sur un écran de cinéma regardent et peut-être savent quel œil les fascine.
Verdict :
Zidane, un portrait du 21ème siècle est un portrait filmé de Zinédine Zidane qui restera sans doute unique tant la démarche et le dispositif mis en jeu sont originaux. Il est probable que cette édition DVD s’adresse principalement aux fans de Zinédine Zidane et des productions cinématographiques qui sortent des sentiers battus. Cependant, vous pourriez être surpris de découvrir cette oeuvre qui peut être autant hypnotique que fascinante en particulier à cause de l’atmosphère sonore impressionnante qui règne dans un stade lors d’un match. Certains films sont fait pour le petit écran, celui-ci est à voir sur grand écran autant que possible.