L’histoire :
Jeune homme sans histoires, Brian va être infecté par un parasite des plus singuliers.
Critique subjective :
1988. Après six années d’attente, Frank Henenlotter a enfin l’occasion de réaliser son second long-métrage. Bénéficiant d’un budget de 600 000 dollars (une fortune par rapport aux 35 000 de Basket Case / Frères de sang), il signe alors Elmer le remue-méninges (Brain damage) dont il assure l’écriture, la mise en scène et une partie du montage.
Frank Henenlotter n’a, à ce jour, signé que cinq longs-métrages : la trilogie Basket case (1982, 1990 et 1992), Brain damage (1988), Frankenhooker (1990) et Bad biology (2008). De ces cinq œuvres émerge clairement une thématique centrale : celle du corps, et plus précisément de certains de ses éléments (ou parasites) prenant leur indépendance. Le frère siamois autonome des Basket case (Bélial), le parasite de Brain damage (Elmer), les fragments de corps composant « Frankenpute » (Frankenhooker), le pénis indépendant de Bratz et les avortons de Jennifer dans Bad biology. Tous s’incluent dans cette même mouvance et aucun des titres ne déroge à la thématique commune. Elmer le remue-méninges y figure en bonne place puisqu’il y est question de Brian (anagramme de brain), jeune homme infecté par Elmer (Aylmer, une créature multiséculaire), un parasite tenant à la fois du pénis et de l’étron, version bleuâtre. En échange de victimes (dont il boulotte goulument les cerveaux), Elmer, greffé au sommet de la colonne vertébrale de son hôte, lui injecte directement une substance dans le cortex, une drogue euphorisante provoquant des visions psychédéliques. Cervelle contre jus, le marché est simple mais Brian, manipulé par la créature, va bientôt tenter de sortir de son état d’asservissement.
Autre élément caractéristique du cinéma de Frank Henenlotter : un background urbain poisseux. Enfant de la 42ème rue, le réalisateur prend plaisir à nous promener dans les recoins les plus glauques d’un New-York pré-Giuliani. Une toile de fond crapoteuse, interlope et qui a la puissance inimitable de la réalité (l’hôtel où fut tourné Basket case, par exemple, était un véritable hôtel de passes …). Dans Brain damage, on retrouve ce cachet, toutefois moins prononcé que dans Frères de sang (budget plus confortable oblige, une bonne partie du film a été tournée en studio). Dommage car Elmer le remue-méninges se dépare ainsi de l’aspect craspec qui faisait de Basket case un film résolument à part.
En dépit de son budget réduit, Brain damage ne tire jamais à la ligne sur le plan visuel. Inspiré, Henenlotter signe une réalisation dynamique et livre quelques plans marquants (mention spéciale au long travelling latéral qui nous montre Brian marchant de nuit dans une rue de New-York). Dans sa tâche, le réalisateur est épaulé par une sacrée équipe de techniciens. Ainsi, le montage est en partie effectué par James Kwei (Les affranchis) et la caméra souvent tenue par Jim « Street Trash » Muro, opérateur steadicam hors pair qui, par la suite, œuvrera notamment chez James Cameron (Abyss, Terminator 2, True lies, Titanic), Oliver Stone (The doors, JFK, Entre ciel et terre, L’enfer du dimanche), Michael Mann (Heat, Révélations, Miami vice), Brian De Palma (L’esprit de Caïn) et Martin Scorsese (Casino). Une pointure. Quant aux effets spéciaux (toujours convaincants), ils sont assurés par Gabe Bartalos (Darkman), qui fut secondé par le regretté Benoit Lestang (Martyrs), non crédité au générique.
Verdict :
Portant le sceau inimitable de son créateur, Elmer le remue-méninges reste une petite bande horrifique résolument « autre » qui vieillit fort bien.