Homme d‘industrie et de pouvoir, Stanislas Graff est enlevé un matin comme les autres, devant son immeuble par un commando de truands. Commence alors un calvaire qui durera plusieurs semaines. Amputé, humilié, nié dans son humanité, il résiste en ne laissant aucune prise à ses ravisseurs. Au-dehors son monde se fissure au fur et à mesure de la révélation de sa personnalité.
Lucas Belvaux (Poulet au vinaigre) semble ne jamais vouloir s’adonner à la facilité et choisir ses sujets avec une minutie extrême et une véritable profondeur de sentiments. « Rapt » en est l’exemple le plus marquant. D’abord, parce que le réalisateur prend comme base du sujet, une histoire réelle (celle du baron Empain) qui, en son temps, marqua les esprits. Mais surtout, il lui donne une dimension beaucoup plus dramatique qu’il n’y parait. D’abord parce que le drame de Stanislas Graff, ne se joue pas simplement dans sa geôle, mais aussi au cœur du cercle familial, qui vit de plein fouet l’enlèvement et la découverte de ce qu’est réellement le personnage paternelle et marital.
Le scénario plonge le spectateur avec intelligence et subtilité, au cœur d’un enchainement d’effets dévastateurs liés au rapt de ce président de multinationale. Les scénaristes nous amènent à mieux comprendre comment une épouse peut vivre l’angoisse de ce qui arrivera à son mari, mais aussi la violence des informations qu’elle prend de plein fouet. Il en va de même pour les filles dont l’amour et la résistance sont mis à rude épreuve. L’idolâtrie du père, s’effrite autant que celle de la structure familial. Lucas Belvaux ne s’est pas arrêté aux simples rapports professionnels, ni à l’argent que représente son personnage, mais il nous montre au contraire, la souffrance d’un homme brisé par un enlèvement, et dont la double vie par effet de ricocher finit par lui exploser au visage.
Le réalisateur, peut d’ailleurs s’appuyer sur une distribution, certes inégale, mais cohérente avec son sujet. Principalement Yvan Attal (Ma femme est une actrice) qui nous livre ici, sa meilleure composition. Le comédien est à l’apogée de son art et parvient à donner à son personnage tout ce qu’il nécessitait de nuance pour toucher l’esprit du spectateur. On regrettera toutefois la narration parfois un peu trop théâtrale d’Anne Consigny (Le dernier pour la route) qui, en voulant perfectionner l’aspect physique de son personnage dans la souffrance, en oublie la touche de justesse de son texte.
En conclusion, « Rapt » est un film incroyablement juste inspiré de l’enlèvement du Baron Empain, qui ne se veut pas caricatural et qui au contraire donne toute la nuance au propos pour mieux amener le spectateur à comprendre l’impact collatéral d’un tel drame. Une véritable réussite qu’il faut bien évidemment saluer et qui aurait effectivement mérité un César pour l’interprétation de son comédien principal.