Philippe Mars, ingénieur informaticien divorcé, essaye tant bien que mal de mener une vie tranquille, entre un fils collégien devenu subitement végétarien, une fille lycéenne obsédée par la réussite, une sœur artiste peintre aux œuvres terriblement impudiques et une ex-femme qui bosse à la télé… L’irruption accidentelle de Jérôme, un collègue légèrement perturbé, achève de transformer son existence en chaos. Mais dans un monde qui a perdu la raison, la folie est-elle vraiment si mauvaise conseillère ?
Le cinéma de Dominik Moll reste toujours une expérience cinématographique intéressante, par une narration sobre, presque rigoriste, et une mise en scène à la fois inventive et résolument classique. Depuis « Harry, un ami qui vous veut du bien », le réalisateur semble aimer les personnages intrusifs qui viennent bousculer le quotidien des héros, en bien comme en mal. Dans « Harry…. » on était plutôt dans le mal, alors que dans son nouveau film : « Des Nouvelles de la planète Mars », si le personnage de Jérôme est particulièrement intrusif, il n’en demeure pas moins un élément moteur des changements qui vont s’opérer dans la vie de Philippe Mars. Si la question de la folie est clairement posée dans le discours que tient le scénario, son originalité provient du fond en l’occurrence sur la manière d’aborder cette folie, non pas comme un danger mais comme une autre manière de percevoir les choses et un élément déclencheur à la reprise de soi.
De là a y voir une métaphore de la vie du réalisateur, il n’y a qu’un pas que l’on peut aisément franchir, puisque ce dernier l’explique très bien : « Il y a forcément un peu de moi dans chacun de mes héros », car en fait, Philippe Mars, c’est un peu le monsieur tout le monde, bien rangé dans sa vie, un métier alimentaire qu’il pratique avec sérieux et concentration, un fils adolescent qui se découvre végétarien tout en découvrant les nuances de la vie, une fille qui veut absolument réussir sa vie et porte un jugement cruel sur son père, une femme absente par son métier, une sœur artiste dont l’art n’est pas toujours bien perçu. Un petit monde imparfait mais qui lui appartient et dans lequel il se laisse couler sans trop se poser de question. Alors lorsqu’un invité quelque peu incongru vient bousculer toutes ses certitudes et toutes ses règles par une folie mal maîtrisée, Philippe Mars se retrouve à tout remettre en question et cela ne se fait pas sans difficulté.
Du coup la comédie de Dominik Moll se transforme en grand chambardement que l’apparition des parents du héros, décédés deux ans plus tôt ne vient pas arranger. Et comme pour mieux appuyer son décalage et conserver une signature aisément reconnaissable, la mise en scène de Moll se eut lente, précise, comme si, les héros vivaient dans une autre réalité avec des codes de narration particulière. Et la composition toujours aussi précise et intuitive de François Damiens, se prête parfaitement à cela, au point de donner à son personnage une allure presque lunaire dans un monde où la folie n’est pas toujours celle que l’on croit. Ainsi, il y a bien Jérôme, interprété avec brio par un Vincent Macaigne aussi jouissif qu’inquiétant, ou assumé et reconnu, mais il y a également, le patron de Mars, paranoïaque évident, ou encore la sœur invasive et névrosée et tout l’entourage complet, Mars compris, qui flirte en permanence entre réalité et folie. Car c’est bien toute la question du film : Qui est le plus fou ? Le fou désigné ou le sensé qui ne voit pas sa propre folie ?
En conclusion, « Des nouvelles de la Planète Mars » est une comédie en clair-obscur de Dominik Moll, dans laquelle François Damiens tout en charisme et en intuitivité se laisse bousculer par Vincent Macaigne. La mise en scène est précise sans effets renversants mais en accord parait avec le sujet.