Après douze ans d’absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine. Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l’on se dit l’amour que l’on se porte à travers les éternelles querelles, et où l’on dit malgré nous les rancœurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.
« Juste la fin du monde » c’est avant tout la pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce, l’un des dramaturges les plus joués en France. Une œuvre fourmillante pour cet auteur mort en 1995, qui ne laisse personne indifférent, notamment par une succession de joutes verbales, dans lesquelles les personnages reviennent sans cesse, sur leurs propres mots pour leur donner un sens différent. « Juste la fin du monde » peut faire penser au film de Cyril Collard : « Les Nuits Fauves » dans lequel le réalisateur se mettait en scène dans sa propre douleur, même si la pièce de Lagarce fut certainement écrite avant que l’auteur n’ait connaissance de sa maladie. On y voit un jeune homme qui après une longue absence vient annoncer à sa famille qu’il va mourir. Et chacun de fonctionner dans un texte magnifique de fureur d’incompréhension et de déchirure comme un morceau du puzzle qui constituerait le héros de l’histoire face à une fin inévitable qu’il n’arrive pas à assumer.
Et il fallait effectivement toute la sensibilité et peut-être d’une certaine manière, la distance d’un Xavier Dolan (Mommy) pour donner au texte de cette pièce, un peu difficile à suivre, certes tant les déchirures et les contradictions viennent un peu rendre l’ensemble opaque. Mais il est impossible de ne pas se laisser prendre au piège d’une trame plus complexe qu’elle n’y parait. En serrant ses plans sur des personnages dont l’expression du visage est souvent la meilleure interprétation qui soit, le réalisateur nous plonge dans une structure familiale complexe où les gens s’aiment mais ne semblent jamais vouloir se le dire et se laissent déborder par la colère ou par la peine sans pourtant à aucun instant essayer d’écouter ce que l’autre a à dire. Les mots s’enchaînent comme des coups de mitraillettes, sans pause, ni repère et chacun de vivre dans sa propre bulle, incapable de pouvoir s’ouvrir à l’autre et pourtant si désireux de se rapprocher, d’être compris.
Et puis, bien sûr il y a une interprétation qui joue au-delà de tout ce que l’on avait connu : Gaspard Ulliel (Saint Laurent) bien sûr, qui pousse sa composition là où il n’était allé que trop rarement : sensible, introverti mais tellement expressif dans sa douleur intérieure. Marion Cotillard (La Môme) touchante comme rarement dans le rôle d’une femme hésitante, douce et toujours en retrait, par un côté un peu gauche, nous prouve, une fois de plus, toute l’étendue de son talent.
Nathalie Baye (Ne le dis à personne) offre l’une de ses prestations les plus remarquables en jouant cette femme un peu lunaire qui ne semble jamais voir les douleurs de ses enfants et les survolent avec une sorte de fausse folie dérangeante.
Léa Seydoux (La Belle et la bête) retrouve son partenaire du film de Christophe Gans et semble se laisser porter par le reste du casting. Si elle n’est pas la plus précise dans son jeu, elle parvient toutefois à offrir une composition qui vienne compléter un casting déjà particulièrement remarquable. Et puis il y a la surprise :
Vincent Cassel (La Haine), un acteur qui ne semblait jusqu’ici bon, que dés lors qu’il interprétait un méchant (excepté en Anglais) se révèle bouleversant, notamment dans un monologue où il affronte toute sa famille et tente de faire respecter sa place. L’acteur est au plus haut niveau de son art et parvient à toucher même le plus insensible des spectateurs.
En conclusion, « Juste la fin du monde » brille de tous les plans, de toutes les facettes de sa conception : Le texte magnifique et parfaitement ciselé de Jean-Luc Lagarce, la mise en scène sobre et pourtant si puissante de Xavier Dolan et bien sûr un casting à son plus haut niveau.