L’histoire :
Retour sur la filmographie de Ray Harryhausen, magicien des effets spéciaux.
Critique subjective :
Le 7 mai 2013, Ray Harryhausen tirait sa révérence. Il avait 92 ans. Avec la disparition de l’homme derrière les trucages du Septième voyage de Sinbad, de Jason et les Argonautes et du Choc des titans, c’est une page de l’histoire du cinéma qui se tournait.
La sortie en vidéo de Ray Harryhausen le titan des effets spéciaux, un documentaire sur le monstrueux héritage laissé par l’artiste, arrive à point nommé. Porté par Gilles Penso et Alexandre Poncet, le film est un travail de longue haleine, un petit projet qui a pris progressivement une belle ampleur (les auteurs ont fini par recevoir l’appui de la Ray & Diana Harryhausen Foundation). Les efforts n’auront pas été vains : le résultat est exemplaire et brille par la rigueur de sa construction, la richesse du matériel recueilli (rushes, sculptures d’origine, etc.) et la qualité des intervenants rassemblés devant l’objectif (dont Ray Harryhausen lui-même). Pointu, complet, instructif et touchant (voilà une œuvre qui a du cœur), Le titan des effets spéciaux brosse un excellent portrait du personnage, notamment son goût pour les défis techniques (l’hydre et les squelettes de Jason et les Argonautes) et sa capacité à insuffler une vie et une personnalité dans chacune de ses créations (notons qu’il parlait de « créatures », jamais de « monstres »). Sur ce dernier point, on relèvera les propos éclairés de Dennis Muren (qui reproche aux images de synthèse une certaine froideur que n’avaient pas les travaux du grand Ray) et cette formidable phrase de Terry Gilliam : « Dans ces films, le jeu d’acteur est parfois horrible, les scripts ne sont pas formidables, mais, bon sang, ses éléments, quand il faisait vivre l’argile, sont parmi les meilleurs moments de l’histoire du cinéma ! ».
En toute logique, le documentaire met l’accent sur le caractère matriciel de l’œuvre de Ray Harryhausen. Ses créations auront d’abord marqué au fer rouge la mémoire de milliers d’enfants. Chaque cinéphile possède d’ailleurs sa petite anecdote personnelle, à l’image de James Cameron : « Le combat de squelettes dans Jason et les Argonautes. Je peux quasiment me souvenir dans quelle rangée j’étais assis, dans ce petit cinéma d’Orangeville, Ontario, à neuf ans, quand les images de ces squelettes sont allées droit dans mon ADN. » Ainsi, les travaux de Ray Harryhausen façonneront plusieurs générations de créateurs. Le nombre et le prestige des intervenants s’exprimant dans Le titan des effets spéciaux en dit long sur le sujet : Peter Jackson, James Cameron, John Landis, Tim Burton, Terry Gilliam, Steven Spielberg, Joe Dante, Guillermo Del Toro, John Lasseter, Dennis Muren, Vincenzo Natali, Nick Park, Henry Selick, Phil Tippett, Steve Johnson, Randy Cook, etc. C’est indéniable : sans Ray Harryhausen, les films d’aujourd’hui ne seraient pas tout à fait pareils. Peter Jackson résume d’ailleurs très bien la chose : « Ray Harryhausen, à mon avis, la chose la plus importante qu’il ait faite, c’est d’avoir influencé et inspiré une ou même deux générations de cinéastes. Je ne connais personne d’autre qui ait eu autant d’influence sur tous ces adolescents, ces enfants qui ont vu ses films et sont devenus réalisateurs, scénaristes, créateurs d’effets. »
Verdict :
Un documentaire passionnant et indispensable pour qui prétend aimer le septième art.