La leçon de piano

L'histoire

Au siècle dernier, en Nouvelle Zélande, Ada, une jeune femme muette, mère d'une fillette de 9 ans, s'apprête à quitter l'Ecosse pour rejoindre son futur époux au fin fond du "Bush", dans une communauté de colons anglais. Celui-ci, le jour de l'arrivée des deux jeunes femmes encombrées de bagages,  accepte de transporter l'ensemble des meubles à l'exception d'un piano qui échoue chez Baines, un voisin illettré. Ne pouvant supporter cette perte, Ada accepte le marché que lui propose ce dernier. Regagner son piano touche par touche en se soumettant à ses fantaisies.

 

 

Critique subjective

 

La néo-zélandaise Jane Campion, fraîchement diplômée d'anthropologie et de peinture, débute au cinéma en réalisant des courts-métrages. "Je n'ai jamais rêvé de devenir réalisatrice. Je voyais ça comme étant quelque chose de beaucoup trop difficile pour moi et réservé aux gens très brillants. C'est arrivé assez simplement. J'étais dans une école d'art et l'on devait faire quelques petites choses sur scène. Or comme je ne me voyais pas du tout affronter directement le public, sur une scène, j'ai préféré présenter un petit film en super 8. C'est à cette époque que je me suis mise à m'intéresser au cinéma", déclarait-t-elle dans Studio, en 1993. Son tout premier court-métrage, "Peel", dont elle signait la réalisation et le scénario en 1982, remportait la palme d'or du meilleur court-métrage au Festival de Cannes en 1986. C'est en 1989, avec "Sweetie", un drame familial entre deux sœurs, qu'elle s'essaie au long métrage. Vient ensuite "un ange à ma table", qui remporte le prix spécial du jury à Venise en 1990.

 

Lorsqu'elle présente "la leçon de piano" à Cannes, en 1993, la réalisatrice avoue être loin de se douter de l'ampleur du futur succès de son troisième long métrage, dont l'écriture lui a pris près de dix années. "La leçon de piano" obtient la suprême consécration cette année là au festival de Cannes en décrochant la palme d'or, ex-aequo avec le film de Chen Kaige, "Adieu ma concubine". Première palme d'or remportée par une femme. Les récompenses s'enchaînent, le film remporte plus de trente prix internationaux, dont le César du meilleur film étranger, huit nominations aux Oscars, dont trois remportés: meilleur scénario original, meilleure actrice pour Holly Hunter et meilleure actrice dans un second rôle pour Anna Paquin. On peut encore citer les 14 nominations aux Australian film institute awards et les 11 prix remportés, ainsi que 6 nominations aux Golden Globes, dont à nouveau le prix de la meilleur actrice. "La leçon de piano" confirme ainsi, par ce véritable raz-de-marée de distinctions, le talent de sa réalisatrice.

 

C'est la première fois que Jane Campion tournait avec des acteurs confirmés. Celle-ci a su s'entourer d'acteurs exceptionnels, qui offrent des interprétations sans faille. La réalisatrice explique que dans son esprit, le personnage d'Ada devait être de grande taille contrairement à Holly Hunter, qui ne pouvait donc convenir pour le rôle. Mais suite à un entretient avec l'actrice, la cinéaste s'est finalement décidée : " En parlant, j'ai vu ses yeux, et d'une certaine manière, elle a commencé à m'intéresser". La réalisatrice lui propose donc de faire un essai, à la suite de quoi, Jane Campion fut conquise. "Je me suis rendue compte que c'était bien, avoue-t-elle, bien, parce que je la trouvais crédible, je discernais l'être humain, ses perceptions et ses vulnérabilités. Elle avait les yeux... empreints d'humanité (…) J'ai compris qu'il émanait de cette humanité des sentiments de l'espoir, des attentes et de la peine. Et j'ai pensé, si cette personne ne peut pas parler, alors, il faut pouvoir la comprendre en lisant dans ses yeux. Et je me suis dit : C'est elle, mon personnage." Jane Campion se souvenait de la prestation d'Harvey Keitel dans le film d'époque de Ridley Scott "les duellistes", et c'est ce rôle qui l'a convaincue de la valeur de l'acteur.

 

"La voix que vous entendez ne sort pas de ma bouche, c'est ma voix intérieure". Cette voix, c'est celle d'Ada (Holly Hunter), muette depuis l'âge de six ans, pour qui les éléments les plus importants de sa vie sont Flora (Anna Paquin) sa fille de neuf ans, et son piano, son seul mode d'expression, sa voix. C'est par ces quelques mots que débute la film de Jane Campion qui nous emmène alors en Nouvelle-Zélande, dans une communauté de colons anglais, en pleine ère victorienne. A peine débarquée en un lieu totalement inhospitalier, Ada doit laisser ce piano sur le rivage, sur la décision de Stewart (Sam Neil), son futur époux, dont elle ne sait rien, lui qui est absolument incapable de comprendre la valeur qu'a ce piano aux yeux de la jeune femme. C'est Baines (Harvey Keitel), un anglais qui adopté le style de vie des Maoris, qui récupère l'instrument et se propose de le lui restituer touche par touche en échange des faveurs d'Ada. Ce piano, thème central de l'histoire peut-être considéré comme un personnage supplémentaire, Ada y est passionnément attachée, il est sa voix. Jane Campion estime qu'il peut être vu comme la métaphore de la civilisation, dans le sens où c'est un instrument complexe. "En même temps, ce qui est curieux, c'est que son langage est universel, il exprime les émotions".

 

Jane Campion filme une histoire romantique, d'un lyrisme terrible, l'éveil des sens chez Baines et Ada, elle, la femme introvertie rétive à toute communication, amputée de son seul moyen d'expression, qui dévoile ses sentiments réels au fil des "leçons", et lui, son parfait contraire, l'illettré, presque animal. "Je pense, explique Jane Campion, que la virilité extrême et la féminité extrême sont intéressantes. Il existe toutes sortes de nuances, mais j'ai voulu, poursuit-elle, que Baines et Ada soient des personnages extrêmes et leur rencontre est spectaculaire. Le mutisme d'Ada est le grand credo féministe du film. Elle est muette par mépris pour sa culture, où la femme n'a pas la parole. Peu importe si elle parle. Elle refuse ces attributs, car elle se sait ignorée de toute façon". Sans tomber le moins du monde dans le mélodrame, nous sommes immergés dans un environnement réaliste, la boue omniprésente, la forêt tropicale, les conditions de vies précaires des colons anglais, au son de la magnifique partition musicale de Michael Nyman, d'une grande sensibilité, qui donne à ce film, un ton si particulier.

 

Un dernier mot

Jane Campion réussit là un film d'un romantisme absolu, une magnifique histoire d'amour, une grande leçon d'espoir.

En dépit de la quantité impressionnante de pistes sonores à disposition et de la durée du film, la qualité d'encodage de l'image n'a absolument pas souffert. Celle-ci est d'excellente qualité, sans défaut apparent, d'une grande précision, aux couleurs très réalistes, et s'en sort remarquablement bien dans toutes les situations, la plupart des scènes étant très sombres, embrumées, aux lumières discrètes.

Le premier DVD consacré au film, le présente dans une version restaurée, avec le choix de trois pistes sonores: le son stéréo d'origine (384kbp/s), et le son 5.1 conçu pour cette édition collector accessible en Dolby Digital (384kbp/s) et en DTS (768kbp/s), chacune étant proposée soit en version française ou version originale sous-titrée. Ce n'est donc pas moins de 6 pistes audio qui sont à disposition. La remasterisation en son 5.1 est l'œuvre du Studio-Maia, grâce au procédé RMD 5.1. "La leçon de piano" a été tourné en Dolby Surround. C'est à partir des 4 pistes d'origine que les techniciens sont parvenus à créer un véritable 5.1. Le résultat est réellement surprenant, la précision de tous les canaux est étonnante. Si les enceintes arrières sont assez discrètes, elles n'en participent pas moins à la création d'une ambiance très enveloppante. La grande gagnante de cette nouvelle version sonore est la musique de Michael Nyman qui s'en trouve sublimée.

Le deuxième DVD est consacré aux bonus et propose un document exclusif: une interview de la productrice et de la réalisatrice réalisée en Australie par TF1 vidéo spécialement pour cette édition.

Ce document exceptionnel donne des clefs inédites sur le film, sa réalisation, son histoire et dévoile certaines images inédites, dont le storyboard.

 

Les coulisses 15mn

Ce document fut réalisé en 1993, à l'époque du tournage, et présente le film et les personnages au travers des interviews de la réalisatrice Jane Campion, la productrice Jan Chapman. Les trois acteurs principaux, Sam Neil, Harvey Keitel et Holly Hunter interviennent éqalement pour apporter leur vision du film et de leurs personnages. Illustré de séquences de tournage et d'extraits du film sur la musique de Michael Nyman, ce passionnant document apporte un nouvelle vision de l'œuvre.

 

Interview de la réalisatrice, Jane Campion et de la productrice Jan Chapman (1h20)

Dans ce long document, on retrouve la réalisatrice 10 ans après la sortie de "La leçon de piano" dans la majeure partie qui pourrait être assimilé à un commentaire audio. Durant un très long monologue, celle-ci revient avec le recul, sur les origines du film, sa conception, l'aventure du tournage, les acteurs, jusqu'à la sortie à Cannes, et l'énorme surprise de l'engouement du public. Ce document constitue la grande nouveauté de cette édition, morceau de choix incontournable, qui renferme une mine de renseignements.

 

 

La bande annonce en vf et vostf