Santiago du Chili. Pablo, un jeune lycéen, se découvre une passion pour le cabaret. Mais un jour il est victime d'une violente agression homophobe qui le laisse dans le coma. Bouleversé, Juan, son père, met tout en œuvre pour trouver les coupables…
Avant d’être un réalisateur, Alex Anwandter, est surtout un chanteur très populaire au Chili et en Amérique latine. C’est à la suite de l’agression mortelle et homophobe d’un de ses jeunes fans : Daniel Zamudio, que la star sud-américaine a décidé d’écrire un scénario et de réaliser son premier film. Mais, loin de vouloir rentrer dans le schéma consensuel d’une simple biographie, le réalisateur s’est surtout intéressé à l’environnement de ce jeune homme. Il y a alors tissé une histoire originale et sans concession dans laquelle un jeune homme passionné de danse et de cabaret, que son père ne comprend pas forcément, va subir une agression qui le plongera dans le coma, et laissera son père désarmé face à ses doutes et à son chagrin.
Et pour un premier essai, c’est un coup de maître ! Car, loin de signer un scénario basique et qui sombrerait dans la facilité, ce dernier place en fait le père en figure tutélaire, mais surtout en symbole d’une société chilienne patriarcale qui ne semble pas encore avoir tourné le dos à ses démons et ainsi ce père qui devait être un personnage secondaire de l’intrigue, se révèle subitement comme le point central de l’histoire autour de laquelle va graviter tout un nombre de personnages secondaires, morceaux d’un puzzle qui aboutira à l’agression de ce jeune homme. Car si le père, n’est pas un personnage repoussant en soi, s’il n’est pas non plus bourreau de son enfant, il est avant tout un homme qui se voile la face de ce que devient son fils en se noyant dans son travail qui vient prendre toutes ses journées et laisse son fils livré à lui-même tout en refusant d’accepter son homosexualité.
Et c’est une fois l’agression, et le fils à l’hôpital, que le père se retrouve face à ses doutes, face à son chagrin qui le submerge de jour en jour et qui lui fait ouvrir les yeux sur une société qui finalement n’a rien de si hospitalière et ne vient pas remercier en tout cas les 25 ans qu’il a passé à travailler pour son entreprise sans se préoccuper de lui et de sa famille. Le scénario s’étire sur une courte durée : 1h28, mais parvient avec une profonde sensibilité à toucher le spectateur. Et la mise en scène du réalisateur même si elle est parfois un peu naïve, n’hésite pas à choquer le spectateur avec des scènes explicites, qui pourtant ne viennent que renforcer la violence du propos et surtout l’atmosphère tout en nuances et tout en mensonges qui entoure le jeune homme. Car en effet Pablo vit une histoire d’amour avec Félix, mais ce dernier subit la pression familiale et particulièrement l’homophobie de ses frères et ne peut se révéler à la face du monde. Cette dualité dans l’esprit de Félix et cette pression qu’il subit vient parfaitement habiller l’atmosphère de la société chilienne telle qu’elle est décrite par le réalisateur.
Et pour incarner son personnage principal, notamment ce père brisé par l’agression de son fils, le réalisateur a choisi Sergio Fernandez (No), grand acteur chilien à la carrière bien remplie, et qui a su trouver toute la nuance, et toute la subtilité pour pouvoir incarner ce père ravagé par le chagrin et meurtri par le remords de n’avoir pas été suffisamment à l’écoute de son fils. Face à lui
Andrew Bargsted (Mala Junta) incarne un fils insouciant, amoureux et à la séduction permanente. Jamais dans la caricature, les deux acteurs se croisent très peu, mais parviennent à former un duo particulièrement bouleversant.
En conclusion, « You’ll Never Be Alone » est un film particulièrement touchant et bouleversant qui parvient avec une grande subtilité à nous plonger dans une histoire inspirée d’un fait réel, et avec intelligence parvient à une réflexion sur la société chilienne qui nous fait miroir finalement. La distribution y est touchante et juste et la mise en scène, même si elle manque parfois d’originalité, parvient à nous emmener dans le désespoir de ce père rongé par le chagrin.