À la fin des années 90, Nevenka Fernández, est élue à 25 ans conseillère municipale auprès du maire de Ponferrada, le charismatique et populaire Ismael Alvarez. C’est le début d’une descente aux enfers pour Nevenka, manipulée et harcelée pendant des mois par le maire. Pour s’en sortir, elle décide de dénoncer ses agissements et lui intente un procès.
Il aura fallu deux années à la réalisatrice Iciar Bollain (Les repentis) et à sa co-scénariste Isa Campo (Un An une nuit) pour venir à bout de ce scénario qui revient sur l’une des affaires les plus retentissantes des années 90 en Espagne. Celle de Nevenka Fernandez qui porta plainte et fit condamner un puissant homme politique : Ismael Alvarez qui avait eu une emprise sur elle et la gardait entre ses griffes. Pour cela, il exerçait sur elle et sur sa famille, une pression constante, y compris, et surtout lorsque la jeune femme décida de mettre fin à ses actes. Et de ce point de vue-là, les deux auteures ont su dépeindre un processus, insidieux et d’une violence psychologique destructrice, avec une justesse remarquable. Elles ont su apporter toutes les nuances et toutes les subtilités qui ont poussé la jeune femme dans un piège qui s’est refermé sur elle. Les films sur les abus sexuelles tombent souvent dans le piège de la retranscription spectateur, qui font que l’on ne se retrouve jamais à comprendre le changement psychologique et la souffrance qu’une telle situation engendre chez les victimes. Ici, ce n’est pas le cas, l’écriture est précise, documentée et nous plonge dans l’enfer de la victime et nous offre la possibilité de nous identifier à elle.
Ce qui surprend dès le départ, c’est que l’affaire se passant dans les années 90, bien des années avant « MeToo », les réactions des gens ne sont pas les mêmes, la prise de conscience, n’a pas eut lieu et les témoignages de la jeune femme ont bien du mal à trouver un écho, un soutien et surtout une écoute sincère et attentive. Les réactions des habitants de Ponferrada montrent clairement cette absence totale d’empathie, notamment parce le maire est populaire. Même constat de la part des collaborateurs, chacun ayant peur pour sa place, préfère prendre fait et cause pour l’Edile. Et la mise en scène va d’ailleurs dans ce sens, que de montrer la solitude dans laquelle se retrouve Nevenka et l’isolement dont elle sera en plus victime. La réalisatrice qui avait été marquée par l’affaire, met en valeur cette mécanique destructrice pour les victimes d’abus sexuelles, et même si sa mise en scène manque parfois de rythme, elle trouve le moyen de nous capter jusqu’au générique et de nous interroger sur la manière dont nous aurions réait à l’époque et à quel point il est nécessaire de faire évoluer les choses, encore, tant il est encore trop fréquent d’entendre ce type d’affaire arriver. Les victimes doivent pouvoir parler sans avoir peur de se faire broyer par l’opinion et par la machine judiciaire.
Seul regret de « L’Affaire Nevenka » la prestation de l’actrice principale Mireia Oriol (El Pacto) qui se laisse aller à la dérive dans la deuxième partie du film et signe une composition irrégulière, particulièrement lorsqu’elle doit exprimer la colère ou la dépression. Même chose avec Urko Olazabal (Les Repentis) qui a tendance à appuyer le trait, particulièrement lorsqu’il interprète le côté malsain de son personnage dans les réunions municipales ou les convocations de Nevenka dans le but de renforcer son emprise.