Un jeune couple à la recherche de leur petite fille disparue découvre des enregistrements vidéo de leurs moments les plus intimes pris par un mystérieux voyeur, les conduisant à enquêter pour révéler la vérité derrière ces images et sur eux-mêmes.
Pour aborder « Stranger Eyes » de Siew Hua Yeo, il faut d’abord se familiariser avec son style qui se fait en triptyque (Présent / Passé / Futur), puis à une façon de filmer très douce et très attaché aux personnages et plus particulièrement à leurs visages. Car dans « Stranger Eyes » nous suivons un jeune couple à la dérive avant et surtout après la disparition de leur enfant. Et comme le réalisateur ne fait pas tout comme les autres, il va d’abord nous embarquer dans l’errance de ce couple, puis dans la seconde partie du film, suivre celle du supposé coupable pour nous amener à une troisième partie, particulièrement réussie, où le réalisateur qui a signé le scénario, parvient à créer une conclusion remarquable dans laquelle le spectateur va être impliquée d’une certaine manière et où il devra apporter sa propre réponse.
Et c’est vraiment ce qui séduit dans ce film, c’est l’intelligence avec laquelle le réalisateur qui a écrit le scénario s’est inspiré de son vécu, notamment à Singapour où la population est tellement dense qu’il est courant de regarder ce qui se passe chez les voisins. Et dans une société comme celle-là, il paraissait facile de suivre le cheminement d’une disparition., car, comme le dit le réalisateur, tout le monde est connecté, regarde ailleurs, perd un peu son sens de l’intimité. Pour cela il le démontre en mettant en scène, le père qui regarde constamment son portable lorsqu’il est au parc, la mère qui doit visionner les vidéos de surveillance à la demande de la police pour trouver un suspecte possible, le directeur du magasin qui utilise la vidéosurveillance pour surveiller ses collaborateurs et ainsi de suite… Une société dépendante des écrans qui perd ainsi, petit à petit sa connexion avec le réel et l’impératif.
Avec une mise en scène qui ne cherche pas à faire dans l’exceptionnel, mais sait se faire inventive lorsqu’il s’agit, par exemple, se filmer un moment d’intimité, en utilisant, par exemple, un reflet, ou tout simplement en filmant serré, comme si la caméra du réalisateur participait également à cette surveillance permanente. Mais petit à petit le réalisateur ressert son propos pour doucement nous amener dans une troisième partie qui va s’éloigner un peu des caméras et nous pousser dans une autre dimension narrative. Il est difficile de décrocher de ce film tout aussi passionnant qu’inventif. Ajoutons à cela les prestation bluffante de justesse et d’éloignement des stéréotypes de Chien Ho-Wu (A Sun), en père à la dérive et énigmatique et Lee Kang-Shen (Les Chiens Errants), en directeur de magasin et coupable potentiel dont la prestation est renversante de décalage. Les deux acteurs sont souvent silencieux et mettent tout leur talent au service de leurs silences.