En 1940, Jean Moulin, préfet de Chartres, fait une tentative de suicide après avoir été torturé par des agents de la Gestapo, qui voulaient le faire accuser des tirailleurs sénégalais d’atrocités sur des civils. A 40 ans, il a bien compris que la libération du pays ne pourra venir que du General de Gaulle et des Français de Londres. Jean Moulin, Evangile déploie le courage de ce héros christique, depuis son patient travail d’unificateur jusqu’à son agonie aux mains de Klaus Barbie à Lyon.
S’il existe bien une figure du héros dans toute sa grandeur, c’est bien celle de Jean Moulin, ancien préfet de Chartres, grand résistant et maintenant résidant du Panthéon pour une existence, tardive, peut-être, mais dédiée à résister contre les horreurs commises par les nazis durant la seconde guerre mondiale. Mais, au final, que connait-on de sa vie ? Pas grand-chose ! On ne garde que cette figure un peu mystique, pour ne pas dire christique de cet homme qui vit s’éteindre sa vie sous la torture d’un Klaus Barbie particulièrement vicieux et assoiffé du sang de son ennemi qu’il considéra comme son jouet.
Le dramaturge et réalisateur Jean-Marie Besset (Beaumarchais l'insolent) s’est rendu compte de cet état de fait et a donc décidé d’y remédier en écrivant un spectacle qui retracerait ce parcours hors du commun et qui permettrait de mieux connaitre cet homme décalé, au sein d’une société bien enfermé dans ses paradoxes, dans ses doutes et dans ses divisions internes dans laquelle certains faisaient allégeances à l’ennemi, d’autres s’en accommodaient et d’autres, comme Jean Moulin qui décidèrent de résister. Mais est ce que Jean Moulin a vu la lumière dès le début ? Est ce qu’il était un homme exemplaire ? Et bien la réponse est non et heureusement pas ! Car s’il est avéré qu’il était homosexuel à une époque où l’homosexualité était un délit, qu’avant la guerre il avait dessiné des caricatures de juifs, qu’encore avant il profitait d’une existence de nantis qui passait son temps entre les yachts l’été et le ski l’hiver, sans parler des soirées mondaines loin des préoccupations des pauvres gens, il n’en demeure que la seconde guerre mondiale, la haine des nazis et l’oppression ont fait naître en l’homme toutes les valeurs de celui qui se dresse contre l’oppression et la barbarie, au point d’y donner sa vie dans les pires des souffrances.
Le spectacle revient donc sur toutes les phases de cette mutation, de ces doutes qui ont construit le saint qu’il pourrait être devenu, tant son martyre pour que le monde soit libre est un exemple pour les générations à venir. Si l’on peut regretter que dans les 30 ou 45 premières minutes, les textes tournent autour de la sexualité, jugée déviante à l’époque, au point d’occulter le plus important, à savoir les doutes des uns et des autres comme ceux de Jean Moulin lui-même, le spectacle à tout de même le mérite de lever le voile sur un personnage que l’on connait de nom, de destin et de sacralisation par son entrée au Panthéon. Le choix de son auteur à faire un parallèle avec le mythe de jésus est forcément revendiqué par un destin hors norme qui part de l’insouciance pour arriver à la révélation spirituelle qui lui feront mener un combat pour se conclure par un sacrifice ultime.
La distribution, à commencer par Pascal Rénéric (Les Parrains) qui interprète un Jean Moulin tout en nuances, en fêlures et en doutes pour mieux en faire exploser la force et le rendre effectivement à l’image christique dans le sens de son martyre et de l’impact de sa mort sur les générations suivantes. C’est aussi la prestation de
Michael Evans (Gare du Nord) en Klaus Barbie tout en puanteur, en vice et en sourire reptilien qui parvient à donner à son personnage un contre poids remarquable qui vont construire le mythe de Moulin.
« Jean Moulin Evangile » est un spectacle remarquable à la mise en scène soignée et inventive qui utilise l’espace et les armoires pour mieux enfermer les personnages et donner au spectacle une résonance particulière qui donne au propos tout son relief. Encore une fois, il est dommage que les 30 premières minutes s’intéressent à la vie sexuelle du héros plus qu’à ses doutes.