Gauthier, un jeune journaliste, apprend par sa mère qu'il serait le fils illégitime de Guy Jamet, un artiste de variété française ayant eu son heure de gloire entre les années 60 et 90. Celui-ci est justement en train de sortir un album de reprises et de faire une tournée. Gauthier décide de le suivre, caméra au poing, dans sa vie quotidienne et ses concerts de province, pour en faire un portrait documentaire.
Alex Lutz est connu du grand public pour ses rôles dans « OSS 117 » ou dans le trop léger « Les Visiteurs 3 », mais, il est aussi connu pour ses one man show et pour ses courtes séquences : « La Semaine de Catherine et Liliane » avec son acolyte Bruno Sanches. Pourtant le comédien en est déjà à sa deuxième réalisation. Après l’échec injuste du « Talent de mes amis », Lutz revient donc avec un faux documentaire, sur un faux artiste de variétés. Loin de la comédie classique qui l’avait fait connaitre, le réalisateur se lance dans un numéro de force pour ne pas dire d’équilibriste, tant le réalisateur, qui incarne également le personnage principal, prend le risque de ne pas être suivit par les spectateurs.
Et pourtant c’est tout l’inverse, très loin d’une comédie, le film se révèle être une analyse de la vie de ces stars qui font rêver : la structure familiale forcée de graviter autour d’elle, le public qui en veut toujours plus, les fans et ceux qui ne parviennent pas à faire la différence entre la scène et la vraie vie, la peur de l’oubli, l’angoisse de ne plus être aimé, de devenir une Has Been avant d’avoir été. Tout cela est traité avec une intelligence rare. L’acteur prend soin de ne jamais sombrer dans la caricature en écrivant un personnage qui pourrait être inspiré de tant d’autres : Claude François pour les mises en scènes de chansons, Patrick Juvet pour le côté star oubliée ou encore toutes celles qui firent un carton dans les années 80 qui vivent un retour mâtiné de nostalgie qui les fait entendre à nouveau les cris endiablés des fans conquis. Comme s’il se projetait lui-même dans cette vie faites de souvenirs d’une gloire délavée, le réalisateur livre une œuvre sensible et respectable en tout point, tant il ne cherche pas à ridiculiser son héros encore moins à le rendre pathétique, mais bien au contraire, il lui donne une aura bine particulière, à la fois séduisante et repoussante, on sent la vedette acquise à son ego forcément surdimensionner que sa célébrité passée mais toujours présente lui procure. Et même si l’homme a conscience de ne plus être adulé comme avant, on sent toujours ce cabotinage qui le rend si touchant et en même temps si agaçant.
Alex Lutz joue en permanence la carte du paradoxe. Tout dans la nuance du : « On l’aime mais pas tout à fait ». Car c’est bien cela la destinée d’une vedette de la chanson : « Être aimée mais être hait aussi ». Aimée par le public qui peut tout aussi le détester. Aimée par l’entourage qui souffre également de ses caprices de son envahissante personnalité. Aimée par les producteurs et les maisons de disques qui cherchent avant tout à faire fructifier un capital artistique sans avoir d’état d’âme lorsque la source se tarira. Sur le principe du faux documentaire comme le firent auparavant (et dans un autre style) : Rémi Belvaux, André Bonzel et Benoit Poelvoorde dans « C’est Arrivé près de chez vous », le réalisateur propose une lecture de la célébrité par le prisme de l’intimité, faites de simplicité, forcée ou non, et de l’âge qui fait tellement peur aux célébrités.
Et pour donner corps, avec une justesse saisissante, Alex Lutz s’est vieillit, mais pas comme dans un film classique dans lequel on perçoit la supercherie, non, un vieillissement subtil ou chaque détail est pensé. La peu distendue dans le coup, les tâches de vieillesse, la démarche moins assurée, mais pas tout à fait non plus erratique, des doigts plus aussi fins qu’avant. Tout ces petits détails qui font de sa composition une réussite remarquable. L’acteur va jusqu’à modifier sa diction pour simuler la gêne provoquée par la présence d’une prothèse dentaire. Face à lui, la distribution faite d’apparitions principalement de personnalité qui ont bine voulu jouer le jeu de la fausse intimité du chanteur : Elodie Bouchez que l’aime beaucoup revoie à l’écran, même quelques secondes, la chanteuse Dani et sa présence magnétique ou encore Nicole Calfan (La Vérité si je mens 2) tout en énergie dans son rôle d’agent.
En conclusion, « Guy » est une belle réussite que l’on doit pour quasi-totalité à son réalisateur auteur et acteur : Alex Lutz. Ce film est une subtile réflexion sur la célébrité et la vieillesse. Sur la manière de gérer l’après lumière, ces moments où la nouvelle génération a prit le pouvoir, où ces artistes d’avant doivent continuer a exister dans une lumière plus tamisée et des cris de fans plus vieillissants.