Une petite ville de province au début des années 80. Philippe vit dans l’ombre de son frère, Jérôme, le soleil noir de la bande. Entre la radio pirate, le garage du père et la menace du service militaire, les deux frères ignorent qu’ils vivent là les derniers feux d’un monde sur le point de disparaître.
Réalisateur d’« Un violent Désir de Bonheur » (2018) avec Quentin Dolmaire et Grace Seri, Vincent Mael Cardona, né en 1980, a décidé d’une époque qui l’a vu naitre et qui est devenue le symbole d’un changement majeur, que ce soit politique ou sociétale. Soucieux de coller au plus près de l’époque et de ces changements majeurs qui lui sont associés, en partie à l’arrivée de la Gauche au pouvoir, le réalisateur s’est entouré d’un groupe de pas moins de 6 scénaristes, qui sont venus apporter, chacun, une vision propre de cette période, où naquirent bien des changements, à commencer par les radios Pirates qui furent le symbole de l’émancipation d’une génération qui rejetait celle de Mai 68, faute de promesses tenues, qui voulait vivre d’une autre manière que ceux ancrés dans l’ancien monde, fait de règles strictes et de patriarcat obsolète.
Précis, et parfois sans concession le scénario pousse les curseurs pour montrer à quel point, la société des années 80, sentait la poudrière. En représentant trois générations sous un même toit, les scénaristes montrent les dissensions schizophrènes qui marquent la population française : le patriarche, représentant et porteur d’une société que les jeunes rejettent en masse et contre laquelle ils souhaitent s’opposer. Le frère ainé, qui devient le symbole du mauvais fils qui veut vivre autrement, mais reste, tout de même, très ancré à la génération précédente, et puis il y a le gentil fils, l’idéaliste, celui qui veut s’ouvrir au monde et à une vision différente qui représente cette jeunesse qui va s’engouffrer dans les révolutions que seront les radios pirates, symbole de l’émancipation forcée, ces stations qui vont diffuser du Rock underground, du Punk et vont faire éclore des groupes parfois auto-produits comme « Cyclope » ou « Les Béruriers noirs » pour ne citer qu’eux.
Avec une mise en scène qui joue beaucoup sur la plongée, ou la mise en perspective pour mieux illustrer son propos, Vincent Mael Cardona signe une œuvre tendre et intense, dans laquelle, les quinquas se retrouveront et où les jeunes générations découvriront un moment charnière de notre société qui voyait une mutation se mettre en marche forcée, sans pour autant céder à la violence. Une poussée très courte, mais qui eut le mérite d’exister, et d’ouvrir d’autres portes pour des révolutions futures. Avec une caméra numérique dotée d’optiques anamorphiques d’époque, le réalisateur et son directeur de la photographie, ont voulu donner à l’œuvre un regard ancré dans notre époque tout en lui conférant une esthétique retro qui mette en lumière et en perspective cette société entre passé et modernisme. Le choix est judicieux et offre au spectateur une œuvre remarquable qui fonctionne comme un miroir nostalgique, pour ceux qui y vécurent.
Enfin c’est également du côté de la distribution que le réalisateur a su jouer ses cartes maitresses, d’abord avec Thimothée Robart, jeune acteur déjà remarqué dans « Vif-Argent » (2019) de Stéphane Batut. Son jeu entre fragilité et détermination parfois aveugle, donne une consistance intéressante au triangle amoureux que les scénaristes ont créé, mais également une image juste de cette jeunesse déterminée et avançant en même temps dans l’inconnu. Face à lui Marie Colomb, une actrice de plus d’expérience puisque nous avons pu la voir en 2021 dans « Vaurien » de Peter Dourountzis ou encore en 2017 dans « Un deux Trois » de Mathieu Gari. La comédienne incarne en toute subtilité, à travers la femme dont les deux frères tombent amoureux, mais avec des styles différents, la dualité entre modernisme et Valeurs anciennes.
Couronné de nombreux prix et de sélections et autres nominations, « Les Magnétiques » est un film touchant, passionnant sur une société en pleine mutation que furent les années 80. Des personnages qui évoluent dans un monde qui se sépare en deux parties : celle de l’archaïsme sociétal et celui de la modernité et de l’émancipation incarné par les radios libres, par exemple.
Des entretiens avec Marion Burger, chef décoratrice et Samuel Aïchoun, mixeur son, qui reviennent sur l’importance de leur travail pour la conception de ce film. Un travail qui se voit à l’écran, tant le travail fut précis.
Puis un débat un peu statique et froid, à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes où le film était présenté, en présence du réalisateur Vincent Mael Cardona.