Brindille, Casquette et La Flèche vivent comme ils peuvent, au jour le jour, dans le bois de Vincennes. Mais leur situation précaire devrait changer du tout au tout le jour où ils gagnent au Loto. Encore faut-il pouvoir encaisser l’argent, car sans domicile, pas de carte d’identité à jour et sans compte bancaire, pas de paiement !
La réalisatrice Nadège Loiseau était en pleine écriture d’un autre scénario lorsqu’elle eut l’idée de l’histoire de trois SDF gagnant au Loto et des changements que cela opèrerait, ou pas sur eux. Et c’est toute l’intelligence du scénario qu’elle a écrit avec Niels Rahou (Fiertés) que ne pas partir dans une comédie aux ficelles trop évidentes mais plutôt de s’intéresser aux différents obstacles qu’ils vont pouvoir rencontrer, à commencer par la récupération du chèque et la pièce d’identité nécessaire ou la domiciliation pour l’encaisser dans une banque. Ce qui apparaissait comme une bonne nouvelle devient subitement un parcours du combattant.
Avec une certaine légèreté et une certaine empathie pour ces personnes que les bosses de la vie ont poussé vers la rue, ses errances, ses codes et surtout ses rencontres. Car si « La Flèche » est l’objet d’une rencontre en début du film, « Brindille » et « Casquette » se connaissent depuis un certain temps, au point de vivre ensemble dans une cabane de fortune. Ce qui est touchant dans le scénario de « Trois fois rien » c’est avant tout cette humanité qui en ressort. La réalisatrice qui a habité à Charenton près du bois de Vincennes, a croisé la route de ces SDF qui vivent dans des habitats de tôles et de planches et s’est beaucoup inspirée de ses rencontres avec ces hommes ou ces femmes qui survivent et ses soutiennent. L’amitié décrite entre « Brindille » et « Casquette » c’est avant tout une solidarité dans la dérive, une union qui permet d’aborder la vie d’oubliés, d’invisibles en se raccrochant les uns aux autres. Même chose avec ces surnoms qui ont effacé la personnalité pour laisser place à un détail, une remarque ou à une particularité.
Très loin des « Tuches » et de leur caricature, « Trois fois rien » c’est avant un film où les gagnant de ce Loto sont avant tout des hommes qui se sont habitué à leu invisibilité et ont bien du mal à s’en séparer. Et la mise en scène de la réalisatrice de nous les faire découvrir sans subterfuge trop appuyé pour faire rire, mais simplement en mettant en scène des situations tellement proches de la réalité qu’elles en deviennent drôles. Comme cette cadre de « La Française des Jeux » qui a b ie du mal à se contenir devant ces trois SDF. Et puis il y a forcément cette solidarité de ceux qui les croisent depuis si longtemps qui ont nourris une amitié pour ces personnages. Cela n’est d’ailleurs pas sans rappeler le film « Le Kiosque », où Damien, le SDF, nous touchait par sa simplicité et par sa générosité, les trois de personnages de fiction que nous présente, Nadège Loiseau sont exactement dans cette mouvance et cela participe à les aimer et à se dire que parfois la fiction rejoint la réalité, dans une sorte de hasard maitrisé.
Et pour incarner ses personnages, la réalisatrice a fait appel à des acteurs qu’elle connaît déjà bien pour avoir travaillé avec eux : Philippe Rebbot (Placés) toujours aussi impeccable dans ces personnages cabossés, ou non, mais à l’humanité et à la générosité débordante. Antoine Bertrand, un acteur canadien que l’on avait déjà croisé dans « J’Adore ce que vous faites » (2022) de Philippe Guillard. Un acteur au charisme évident qui sert de clown blanc, si l’on peut dire puisqu’il est celui qui va tenter de garder un peu de raison dans ce groupe. Et puis enfin Côme Lévin que l’on avait déjà remarqué dans « Radiostars » (2012) de Romain Lévy, qui se met réellement en danger en incarnant un personnage déjanté, incontrôlable et en même temps totalement attachant. Le trio fonctionne à merveille et nous embarque dans ses aventures.