« Megalopolis » est une épopée romaine dans une Amérique moderne imaginaire en pleine décadence. La ville de New Rome doit absolument changer, ce qui crée un conflit majeur entre César Catilina, artiste de génie ayant le pouvoir d’arrêter le temps, et le maire archi-conservateur Franklyn Cicero. Le premier rêve d’un avenir utopique idéal alors que le second reste très attaché à un statu quo régressif protecteur de la cupidité, des privilèges et des milices privées. La fille du maire et jet-setteuse Julia Cicero, amoureuse de César Catilina, est tiraillée entre les deux hommes et devra découvrir ce qui lui semble le meilleur pour l’avenir de l’humanité.
Francis Ford Coppola n'est pas un réalisateur comme les autres. Passionné et passionnant, il fut à la direction de chefs d'œuvres cultes du cinéma américain comme : « Le Parrain » et « Apocalypse Now », mais c'est aussi celui dont la carrière fut faite de succès planétaires et de bides monumentaux et souvent injustes. Mais l'homme ne s'est jamais laissé abattre et a toujours su rebondir, inlassablement comme si toute sa vie en dépendait. Ce qui n'est pas complètement faux. Celui qui a poussé Georges Lucas à aller au bout de son idée : « Star Wars » sort maintenant, SON projet. Une envie de film qu'il traîne depuis 40 ans, ce qui prouve, si besoin en était, sa détermination : « Megalopolis ». L'idée du film, à en croire Coppola, lui-même, a commencé à germer lors de la sortie d’« Apocalypse Now ». Pour étayer son scenario, il a même été jusqu'à organiser des lectures du scénario avec ses amis acteurs parmi lesquels, entre autres, Robert De Niro ou Al Pacino, pour, à chaque fois, le modeler, lui donner plus de corps, pour le nourrir de nouvelles idées ou en retirer. Autant dire que de la première mouture, il ne subsiste plus grand chose.
De succès en échecs, Francis Ford Coppola, a donc réussi à monter l'œuvre de sa vie, la fable qui lui permettrait de dépeindre sa vision de l'errance d'une nation, d'un empire : New Rome. Cette fable c'est donc « Megalopolis », une vision baroque d'un empire qui arrive à la fin de son rayonnement et qui cherche, malgré ses luttes intestines à survivre. Alors, bien sûr, ce qui surprend, dans le scénario, c'est le manque de finesse. Coppola signe une fable qui se révèle une critique à peine voilée de l'Amérique. Ce pourrait être, tout aussi bien une satire de notre Vieille Europe. Le réalisateur utilise la Rome de Cicéron comme métaphore de la décadence inexorable de notre société. Même si l'écriture est toujours aussi fine et assurée, il lui manque tout de même toute cette subtilité qui avait fait la réputation du bonhomme. Comme si toutes ces réécritures avaient, finalement, eu raison de l'essence même de l'idée du réalisateur.
Et d'ailleurs c'est du côté de la réalisation qu'il faut trouver les meilleures idées. Très inspirée du néo réalisme Allemand avec l'utilisation des ombres et des lumières, ou encore du cinéma d'Orson Wells (Citizen Kane), avec des perspectives marquées en permanence et des plans soignées pour donner un aspect théâtral à l'ensemble, Francis Ford Coppola montre qu'il a encore de la ressource et que son œuvre est parfaitement mûrie et maîtrisée. Jamais à court d'idées, le réalisateur semble beaucoup s'amuser de ce décor presque déstructuré où les grands symboles de l'Amérique flamboyante, se disloquent, tombent à terre, à l'image de cet empire qui n'a plus grand chose d'enviable mais qui se raccroche a une utopie où chacun pourrait vivre pleinement sa vie, sans violence, sans pression et sans puissants pour vous affamer. Comme s'il voulait appuyer sa métaphore, Coppola filme en hauteur, et utilise les poutres, les rebords et tout autre espace pour donner à sa mise une scène une grandeur shakespearienne. Ça ne marche pas toujours, mais on ne peut reprocher au réalisateur d'avoir du panache et de la sensibilité dans l'illustration de son scénario.
Et ce sont les acteurs qui en sont les meilleurs porte-paroles. A commencer par Adam Driver (Star Wars Épisode VII) qui porte le film sur ses épaules et impose un jeu tout en retenu, presque détaché des autres personnages pour mieux lui donner son aspect nostalgique et en même temps mystérieux. Face à lui, Nathalie Emmanuel (Game of Thrones) s'impose comme l'actrice à suivre. Sa composition parfaitement maîtrisée de fille de notable faussement innocente, captive et apporte au film une nouvelle dimension. On notera que Jon Voight (Delivrance) et Dustin Hoffman (Marathon Man) sont à bout de souffle, alors que Shia Labeouf (Fury) semble en retrouver un et nous surprend dans une prestation toute en folie et en décalage.