Vera, qui a combattu la dictature dans les années 70, s’occupe aujourd’hui à Rio d’un orphelinat pour enfants séropositifs. Sa fille, Tania, essaye depuis plusieurs mois, avec sa compagne, Vanessa, d’avoir un enfant par PMA. Entre elles deux, un fossé s’est creusé…
Voici, un film un peu hybride dans sa conception, hybride parce qu’il traite de plusieurs sujets en même temps, sans que jamais, l’un ne vienne cannibaliser l’autre. Adaptation d’une pièce de théâtre de Laura Castro, « A nos enfants » nous parle des années 70 en pleine dictature militaire qui dura de 1964 à 1985 et qui fit un nombre incalculable de victimes parmi les civiles, notamment à cause de la répression qui n’hésitait pas à torturer, parfois jusqu’à la mort les opposants présumés ou assumés. Depuis le pays s’est reconstruit et si les plaies ne furent pas toutes cicatrisées, avant l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro, le pays faisait figure de tolérance et d’ouverture. Maus jusqu’où vont l’ouverture et la tolérance ?
C’est le deuxième sujet développé par le scénario, puisque Vera voit sa fille, lesbienne assumée, lui annoncer qu’elle va être maman, ce qui provoquera une grande joie dans le cœur de Véro, mais une joie ternie lorsqu’elle apprendre que cette enfant naitra du ventre de la compagne de sa fille, anéantissant l’espoir de voir Tania Hétérosexuelle. La tolérance de cette militante, qui s’occupe maintenant d’enfant séropositifs, s’arrête donc là. Et c’est donc tout le cœur de cette seconde trame qui vient se placer en parallèle. La force du scénario signé de la réalisatrice et de l’auteure de la pièce, est de venir renforcer cette contradiction entre l’idéologie de la mère ; son ouverture d’esprit, notamment l’histoire du fils de Véra, absent de la pièce, mais qui vient ici apporter un nouveau regard, peut-être plus précis, plus touchant qui met le point sur les disparus, issus de la dictature. Un point commun, la perte d’un enfant, que Véra partage avec Tania, sans que pour autant, cela ne permette à la mère de comprendre les choix et l’orientation de sa fille.
La mise en scène ne s’interdit rien et ne cherche jamais à faire dans la séduction, elle amène au contraire une touche de violence verbale et parfois physique, même dans la tendresse, qui vient appuyer le trait de cette souffrance commune aux deux femmes, mais qui pourtant les séparent tellement. Avec un sens du rythme et surtout de la narration, Maria de Medeiros, dans une histoire que nous avons, de ce côté de l’Atlantique, oublié, mais qui reste très présent dans les cœurs des Brésiliens, particulièrement avec cette montée actuelle des idéologies d’extrême droite. Le tournage ayant eut lieu entre els deux tours qui virent la victoire de Bolsonaro en 2018, le scénario et la mise en scène de « A nos enfants » ne s’en ressent que plus fortement.
Une pièce écrite pour la comédienne Marieta Sévéro (Presque frères), véritable icône au Brésil et femme du chanteur Chico Buarque, mais qui, pour des raisons d’emploi du temps, ne put le jouer totalement sur scène, c’est justice de la voir, ici interpréter cette Véra, un personnage tout en contradiction, qui est magistrale dans ses combats mais dont l’ouverture d’esprit se ferme lorsqu’il s’agit de sa fille. Un contraste que la comédienne joue avec justesse, douceur et puissance, digne de ces actrices tragiques qui savent intérioriser pour mieux toucher. Face à elle l’actrice et auteure de la pièce Laura Castro, complètement habitée par son personnage.
En conclusion, « A Nos enfants » est un film touchant, nécessaire pour rappeler les horreurs de la dictature au Brésil et le besoin de Tolérance qui semble reculer à mesure qui nous semblons faire avancer nos sociétés.