Heureux et accompli, Ellias devient le nouveau directeur artistique d’une célèbre maison de Haute Couture française. Quand il apprend que son père, qu’il ne voit plus depuis de nombreuses années, vient de mourir d’une crise cardiaque, Ellias se rend au Québec pour régler la succession. Le jeune créateur va découvrir qu’il a hérité de bien pire que du cœur fragile de son père.
Ceux qui ont vu « Jusqu’à la Garde » (2017) de Xavier Legrand, et ils sont très nombreux, ont encore en tête, la méticulosité de sa mise en scène, cette façon qu’il a eut de mettre en scène, les relations parents enfants et particulièrement la violence conjugale. Dans « Jusqu’à la Garde », le réalisateur décrivait un mécanisme destructeur, où le père était le point central et exerçait une violence psychologique, d’abord, sur sa femme puis sur son fils. Déjà dans ce film, le père avait une figure presque avenante et pouvait se présenter comme une victime, pour se révéler le bourreau.
Avec « Le Successeur », Xavier Legrand, reprend son sujet favoris et place son personnage principal, Sébastien, qui se présente sous le pseudo d’Elias, comme pour affirmer toute distance avec ce père qu’il n’a pas vu depuis très longtemps et à qui il ne veut surtout pas ressembler. Une relation que l’on comprend toxique et qui va être le point central de l’intrigue. La figure paternelle sera omniprésente durant tout le film, intrigante, oppressante, et toujours prompte à remettre en question les idées du héros. Comme dans son précédent film, Xavier Legrand, qui signe également le scénario, prend le temps de poser son personnage et tout ceux qui l’entourent. Il va créer un cadre, installer le spectateur, et comme dans sa scène d’ouverture, propulser le public dans une spirale d’émotions et s’intéresser à la succession, à la transmission et surtout à la complexité des sentiments qui nous traversent lorsque le père n’est plus et qu’il ne reste que son héritage, matériel ou spirituel.
Le réalisateur signe, une fois de plus, une mise en scène précise, pointue, où rien n’est mis de côté. Une fois passée la scène d’ouverture, Xavier Legrand va s’amuser, en compagnie de sa Directrice de la Photographie, Nathalie Durand (Mon Héroïne) à repousser les limites de ce cadre, à surprendre le spectateur par des plans soignés, comme lorsque Sebastien va découvrir le secret de son père. Jamais dans le descriptif, Xavier Legrand choisit toujours de suggérer, il distille les éléments de son intrigue à mesure que l’histoire se déroule, mais préfère la psyché de ses personnages plus que de prendre le spectateur par la main et de tout lui apporter sur un plateau d’argent. Impossible durant « Le Successeur » de ne pas se mettre à la place du héros et de se laisser surprendre par la spirale dans laquelle il va se retrouver plonger. Alors, on pourra éventuellement reprocher au cinéaste, une perte de rythme dans le milieu du film, mais c’est pour mieux nous capter dans un final aussi inattendu que réussit.
Et puis bien sûr, il y a Marc-André Gondrin, hallucinant de puissance de jeu. L’acteur transcende son personnage, porte le film sur ses épaules et va puiser tellement loin dans ses émotions qu’elles nous explosent en pleine figure durant le final. Et c’et grâce à la précision et la subtilité de son jeu, qu’i parvient à un tel déferlement d’émotion. Face à lui, Yves Jacques (Aline) impose un personnage tout en douceur et en subtilité. L’acteur va, par une méticulosité d’orfèvre, nous balader dans ce film, où les apparences sont souvent trompeuses. Le duo fonctionne, et alors que le public se laisse installer à la place de Sébastien « Elias », il va alors se surprendre, à passer également par différentes sensations à chaque apparition de l’acteur.
Pour conclure, « Le Successeur » est un film puissant, qui prouve, une nouvelle fois, après « Jusqu’à la garde » en 2017, que Xaver Legrand est certainement l’un de nos grands réalisateurs, qui sait comme personne disséquer les relations familiales et parvient, chaque fois, à nous toucher, à nous mettre mal à l’aise et provoque ainsi, comme personne, une réaction épidermique. Peut-être obsédé par une image négative du père, il n’en demeure pas moins qu’il s’empare de ses sujets avec une fausse simplicité et nous plonge dans la psyché de ses personnages avec un évident talent.