Raphae¨l n’a qu’un œil. Il est le gardien d’un manoir dans lequel plus personne ne vit. A` presque 60 ans, il habite avec sa mère un petit pavillon situe´ a` l’entre´e du grand domaine bourgeois. Entre la chasse aux taupes, la cornemuse et les tours dans la Kangoo de la postière, les jours se suivent et se ressemblent. Par une nuit d’orage, Garance, l’héritière, revient dans la demeure familiale. Plus rien ne sera plus jamais pareil.
Il y a des films à l’ambiance hors norme, c’est le cas de « L’homme d’Argile », premier long métrage de la réalisatrice Anaïs Tellene. Hors norme, parce que le scénario tourne autour du regard, autour de son importance dans la vie d’une personne au physique qui ne rentre pas dans les codes que l’on ne cesse de nous inculquer. Une base qui lui est venu de sa rencontre avec l’acteur Raphaël Thiéry (Pauvres Créatures), un acteur au physique atypique, mais à la justesse de ton remarquable. Ici, il campe Raphaël, un homme borgne, gardien de manoir, vivant avec sa mère. Elément du décor, paysage que l’on regarde sans voir. Raphaël traine son corps, se laisse, sans conviction, embarquer dans des jeux sexuels avec la postière, mais semble devenu hermétique à l’amour tant il s’est persuadé que personne ne poserait son regard sur lui.
Et puis un jour arrive Garance, l’héritière de la famille propriétaire du château. Une arrivée mystérieuse pour une artiste qui aime bousculer les codes, dont l’art consiste à provoquer les regards. Garance, plus fragile qu’il n’y parait, mais qui dans sa bulle va poser son regard sur Raphaël, mais quel regard, celui d’une artiste. Elle va épouser ses contours dans une sculpture, qui va âgir comme un miroir, comme une façon d’apprendre à s’aimer et à aimer. Mais le feu brûle parfois si fort qu’il n’e reste souvent que des braises, C’était d’ailleurs le titre que la réalisatrice avait choisi au départ. Car si Raphaël revit, il apprend la douleur de l’amour, sa frustration, ce soleil qui brûle dans le ventre, et cette émotion qui vous submerge. Seulement l’amour se partage à deux, et toute l’intrigue viendra s’échouer sur cette question. Le scénario de la réalisatrice ne s’empêchant rien, bien au contraire, explorant les pistes des regards, filmant les gestes, les regards et les yeux humides.
Et c’est toute la grandeur de ce film, que d’épouser, comme pour une sculpture ou une toile de maitre, les formes, les ondulations d’un corps qui n’est jamais totalement lisse. La réalisatrice ne montre que des corps cassés autour de Garance, il y a la maman qui avance avec un cadre de marche, la postière vieillissante qui s’offre des moments de sexe dans la forêt, et bien sûr Raphaël, avec ses silences, son regard profond, la tristesse de sa musique, et la solitude qui s’affiche sur chacun des pores de sa peau.
« L’homme d’Argile » est un film touchant, décousu, parfois difficile à suivre, mais qui revient toujours à son idée de base, parler du regard porté sur l’autre et de ces mystères qui s’en dégage. On imagine plein de choses en regardant une personne, encore plus lorsque son physique est atypique. Nous sommes captés et cherchons à inventer une histoire. Mais la personne regardée que vit elle ? Comment adopte-t-elle ce corps ? Et comment vit-elle ces regards. Un film réussit qui aurait, peut-être mérité plus de communication tant il parvient à nous faire réfléchir sur nos propres convictions.
Un court métrage d’Anaïs Tellene et Zoran Boukherma: « Le Mal Bleu », déjà avec Raphaël Thiéry, et où la réalisatrice fait déjà preuve d’un goût pour les histoires hors normes.
« L’Enregistrement de la musique Originale d’Amaury Chabauty ». Toujours intéressant de voir le travail des compositeurs.
Puis des scènes coupées et commentées.