Deux frères syriens, âgés d’une vingtaine d’années, font le grand saut vers l’inconnu et décident de repartir de zéro dans de nouvelles villes. Abandonnant tout derrière eux, ils n’en perdent pas pour autant leur amour farouche pour la vie, leur détermination, leur sens de l’humour et surtout l’espoir d’un avenir meilleur. Wissam, leur plus proche cousin, décide de filmer leurs pérégrinations pendant plus de cinq ans, remettant ainsi en cause le sens même du mot « foyer », faisant émerger des souvenirs d’enfance, et explorant la capacité humaine à faire face aux changements, aussi radicaux qu’ils soient.
« Loin de chez nous » est un documentaire hors du commun, par la genèse de son projet mais également par l’image qu’il en renvoie sur les spectateurs. Car le sujet dont il s’empare n’est le plus facile et particulièrement par les temps qui courent dans nos contrées rongées par la haine et la peur du migrant, surtout s’il vient. Une paranoïa venue de média et politiciens assénant des discours aussi nauséabond que destinés à une masse qui se laisse abrutir par des théories de pseudos spécialistes ayant certainement un manque à compenser par la haine. Le migrant cet être abjecte qui risque sa vie, sur des embarcations de fortune, payant une fortune des passeurs sans vergogne ni humanité et traverse la méditerranée, une mer faussement calme qui ressemble à un immense cimetière, dans le seul but de venir prendre notre place, violer nos femmes et tuer les mécréants. Vous savez cet être barbu, en djellaba et le Coran à la main, qui hurle avant de tuer !
Alors, pour une fois, ne boudons pas notre plaisir de sortir de ces caricatures nauséabondes, et rappelons nous simplement que ces jeunes gens qui prennent tous les risques pour rejoindre nos côtes ou celle d’un pays voisin, ne le font pas pour leur plaisir ou par idéologie. Ils rêvent simplement d’une vie meilleure, de celle qui leur permettra d’avoir un avenir que celui des bombes ou de l’asservissement. Une vie où ils pourront être quelqu’un, pas seulement une victime de plus dans des combats qu’ils ne voulaient pas et surtout dans une guerre qui ne s’arrête plus depuis 2011, et dont les origines étaient pourtant pacifistes. Une guerre qui n’a fait que stigmatiser tout ceux qui veulent fuir le pays ou en tout cas en partir pour construire un véritable avenir ailleurs.
C’est dans ce contexte que les deux frères Milad et Jamil vont décider de quitter la Syrie pour aller, l’un en Allemagne et l’autre en Suède. Leur cousin Wissam a décidé de les suivre et l’Odyssée durera 5 ans. Avec un œil neutre, le jeune réalisateur va laisser parler ses cousins et montrer un visage différent de ces migrants qui quittent la Syrie. Des visages lumineux, optimistes, qui se raccrochent à tout ce qu’ils peuvent pour que leur rêve se réalise. Wissam Tanios, filme l’optimisme, le courage, la peur, les doutes et surtout les affections de la solitude, de l’éloignement. Il ne porte aucun regard sur les pays accueillants et c’est peut-être là son point faible, car, une fois arrivés en Europe, on ne sait plus s’ils ont réussi à obtenir des cartes de séjour où s’ils sont en situation irrégulière ? Quelle furent leur démarche et la manière dont ils furent perçus en Allemagne ou en Suède ?
Mais le documentaire nous permet de porter un regard différent et presque, comme une bouffée d’air, il nous focalise sur l’optimisme de ces jeunes hommes, sur leurs sourires et sur leur détermination à trouver du travail pour pouvoir se construire. Focalisé sur ses cousins, sur leur ressentis et la manière différente dont chacun perçoit sa nouvelle et les moyens qu’il met en place pour cela, nous comprenons vite que les deux garçons sont différents, mais surtout très éloigné de la caricature répandue dans les médias ou dans les discours politiques. Le charme opère et même si nous regrettons qu’il n’y ai pas d’antithèse à cette positivité pour mieux la renforcer, le documentaire nous emmène et nous aide à changer notre façon de voir le sujet de l’immigration, non plus comme une généralité nauséabonde, mais comme une détermination à fuir un pays devenu une prison, pour se construire un rêve de meilleur.